Le Quotidien du 31 mai 2024

Le Quotidien

Contrats et obligations

[Brèves] Conséquences de la résolution aux torts partagés sur les restitutions et les dommages et intérêts

Réf. : Cass. com., 15 mai 2024, n° 23-13.990, F-B N° Lexbase : A49485BU

Lecture: 3 min

N9411BZL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/107999691-edition-du-31052024#article-489411
Copier

par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 30 Mai 2024

► La résolution aux torts partagés ne fait pas obstacle au jeu des restitutions, pas plus qu’elle ne fait obstacle à l’allocation de dommages et intérêts.

Faits et procédure. La résolution aux torts partagés a-t-elle une incidence sur les restitutions et les dommages et intérêts ? Voilà la question à laquelle devait répondre la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 15 mai 2024.

En l’espèce, un contrat de prestation de service, portant sur la mise en place d’un système informatique, avait été conclu en décembre 2018, soit après l’entrée en vigueur de la loi de ratification du 20 avril 2018. En raison d’inexécution, la société créancière de la prestation de service avait notifié la résolution du contrat à la société prestataire, laquelle avait, à son tour, invoqué la résolution au motif que la société créancière s’était engagée à fournir une interface de programmation, ce qu’elle n’avait pas fait. La résolution aux torts partagés avait donc été prononcée par la cour d’appel. Quant aux conséquences de celle-ci, les juges du fond refusèrent d’admettre les demandes de la société créancière de voir prononcer les restitutions et le versement des dommages et intérêts, motif pris que la résolution aux torts partagés y faisait obstacle (CA Versailles, 26 janvier 2023, n° 21/03804 N° Lexbase : A60729A7).

Solution. L’arrêt est cassé. Il l’est d’abord au visa de l’article 1229 du Code civil N° Lexbase : L0934KZM, consacré aux effets de la résolution. La Chambre commerciale précise que « l’admission aux torts partagés ne fait pas obstacles aux restitutions ». Les restitutions sont ainsi indépendantes de la question de la cause de la résolution. L’article 1229 n’envisage d’ailleurs pas cette question, seule compte l’utilité des prestations exécutées (alinéa 3), pas plus que les articles 1352 N° Lexbase : L1003KZ8 à 1352-9 N° Lexbase : L0743KZK, consacrées aux restitutions. L’inexécution est donc indifférente dans la mise en œuvre des restitutions (rappr. Cass. com., 18 janvier 2023, n° 21-16.812 N° Lexbase : A6065887, Y.-M. Laithier, note ss. Cass. civ. 3, 6 septembre 2018, n° 17-22.026, FS-P+B+I N° Lexbase : A4481X3D, RDC, 2018, p. 539).

L’arrêt est ensuite cassé au visa de l’article 1231-1 du même code N° Lexbase : L0613KZQ, relatif aux dommages et intérêts. Il est reproché à l’arrêt d’appel de ne pas avoir recherché « ni la part de responsabilité incombant à chacune des parties dans la résolution du contrat eu égard à la gravité des fautes retenues ni l’importance du préjudice subi par chacune ». Ainsi, la résolution aux torts partagés n’exclut pas l’allocation de dommages et intérêts. En cas de résolution aux torts partagés, les juges doivent rechercher si les fautes de l’une et de l’autre partie n’ont pas causé un préjudice à l’autre, puis, le cas échéant, prononcer une compensation (Cass. com., 19 septembre 2018, n° 17-15.191 N° Lexbase : A6522X7P). La Chambre commerciale procède ainsi à un rappel.

newsid:489411

Conventions et accords collectifs

[Brèves] Transfert d’entreprise : un accord de substitution peut-il avoir un effet rétroactif ?

Réf. : Cass. soc., 15 mai 2024, n° 22-17.195, FS-B N° Lexbase : A49295B8

Lecture: 3 min

N9403BZB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/107999691-edition-du-31052024#article-489403
Copier

par Lisa Poinsot

Le 30 Mai 2024

Un accord de substitution peut prévoir des dispositions rétroactives à la date de la mise en cause de la convention ou de l’accord antérieur dès lors que ces dispositions ne privent pas un salarié des droits qu’il tient de la loi ou du principe d’égalité de traitement pour une période antérieure à l’entrée en vigueur de l’accord de substitution.

Faits et procédure. Un accord de substitution met un terme de manière rétroactive à une grille de rémunération issue d’un accord collectif mis en cause.

Un salarié, dont le contrat de travail a été transféré, saisit la juridiction prud’homale en contestant cette application rétroactive. Il demande ainsi un rappel de salaires au titre de la modification unilatérale de sa rémunération par son employeur et un rappel de salaires au titre de la prime de productivité et de dommages et intérêts pour violation des stipulations conventionnelles.

La cour d’appel (CA Grenoble, 1er février 2022, n° 19/02659 N° Lexbase : A03937L7) analyse le contenu de l’accord de substitution pour débouter le salarié de ses demandes.

Le salarié forme dès lors un pourvoi en cassation en soutenant que :

  • son contrat de travail a été transféré ;
  • le statut conventionnel déterminant les grilles de rémunérations a été mis en cause ;
  • l’accord collectif n’a pas d’effet rétroactif et ne peut pas être invoqué pour les périodes antérieures à sa conclusion ;
  • la rémunération ne peut être modifiée ni dans son montant ni dans sa structure.

Solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fondement de l’article L. 2261-14 du Code du travail N° Lexbase : L1464LKG.

Après avoir rappelé sa jurisprudence constante (Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-20.736, FS-P+R+I N° Lexbase : A23084CH ; Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.007 et n° 17-20.008, FP-P+B N° Lexbase : A9263YNE ; Cass. soc., 24 janvier 2007, n° 04-45.585, FS-P+B N° Lexbase : A6756DTE ; Cass. soc., 11 juillet 2000, n° 98-40.696 N° Lexbase : A9169AGP), la Haute juridiction pose les conditions de validité de l’effet rétroactif d’un accord de substitution. 

En l’espèce, l'accord de substitution n'a pas modifié le montant de la rémunération de base et la structure de la rémunération résultant des dispositions conventionnelles mises en cause et applicables au sein de l’entreprise. Le salarié n’a pas été privé des droits qu’il tient des dispositions de l’article L. 2261-14, alinéa 1, du Code du travail. Les effets des dispositions conventionnelles antérieures à l’égard du salarié ont perduré durant la période litigieuse. L’exception d’illégalité de l’article 1.2 de l’accord prévoyant son application rétroactive est rejetée.

Pour aller plus loin :

  • lire J. Paubel et K. Bouleau, Transfert d'entreprise et normes collectives, Lexbase Social, novembre 2018, n° 763 N° Lexbase : N6552BXX ;
  • lire Q. Chatelier, Droit du travail - Le maintien de la rémunération perçue, Lexbase Social, décembre 2021, n° 886 N° Lexbase : N9622BYZ ;
  • v. ÉTUDE : L’application des conventions collectives, La mise en cause des conventions et accords collectifs de travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2254ETN.

 

newsid:489403

Droit comptable

[Brèves] SCI à l’IS et devoir de présentation du fichier des écritures comptable

Réf. : CAA Nantes, 16 avril 2024, n° 23NT01148 N° Lexbase : A8102279

Lecture: 3 min

N9356BZK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/107999691-edition-du-31052024#article-489356
Copier

par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’Université Panthéon-Sorbonne

Le 06 Juin 2024

Par un arrêt rendu le 16 avril 2024, les juges de la cour administrative d’appel de Nantes étaient amenés à apprécier un litige relatif à l’obligation pour une SCI dont l’un des associés est à l’IS de présenter en cas de contrôle un fichier des écritures comptables.

Rappelons tout d’abord qu’aux termes des articles L. 13, IV N° Lexbase : L1194MLS et L. 47 A N° Lexbase : L5998LM4 du livre des procédures fiscales (LPF), le contribuable doit présenter ses documents comptables en remettant à l’administration une copie des fichiers des écritures comptables sous forme dématérialisée (FEC), au début des opérations de contrôle.

Le défaut de présentation de la comptabilité sous forme dématérialisée a pour conséquence lapplication dune amende de 5 000 euros, ou, en cas de rectification et si le montant est plus élevé, dune majoration de 10 % des droits mis à la charge du contribuable.

Faits. En l’espèce, une SCI était détenue à 99,98 % par une seconde SCI, ayant opté pour le bénéfice de l’IS, le reliquat étant détenu par des associés-personne physique.

La SCI a souscrit une déclaration de résultat de l’exercice clos au titre de l’année 2015 et a procédé à une double détermination du résultat selon les règles des revenus fonciers pour les associés relevant de l’imposition à l’impôt sur le revenu et selon les règles des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) pour les associés relevant des revenus professionnels. Suite à un contrôle en 2016, l’administration a infligé une amende à la société pour défaut de présentation du fichier de ses écritures comptables sur le fondement de l’article 1729 D du Code général des impôts N° Lexbase : L3155LCT.

En conséquence, la société requérante a demandé aux juges administratifs de prononcer la décharge de l’amende infligée sur le fondement de l’article 1729 D du Code général des impôts en soutenant qu’elle n’aurait pas été mise en mesure de remettre au vérificateur, une copie des fichiers de ses écritures comptables conformément aux dispositions du livre des procédures fiscales. Après avoir été déboutée par les juges du fond, elle a interjeté appel de la décision.

Position de la CAA de Nantes. La CAA de Nantes confirme la position retenue par l’administration et estime que dès lors que la SCI avait pour associé une société soumise à l’IS et était tenue de déterminer la part des bénéfices lui revenant conformément aux dispositions des articles 38 N° Lexbase : L5626MAM et 39 du Code général des impôts, l’obligation de présenter un fichier des écritures comptables à l’occasion de ce contrôle lui était applicable.

newsid:489356

Droit pénal des affaires

[Jurisprudence] Transfert de responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante : exit le fondement européen

Réf. : Cass. crim., 22 mai 2024, n° 23-83.180, FS-B N° Lexbase : A72515CK

Lecture: 19 min

N9453BZ7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/107999691-edition-du-31052024#article-489453
Copier

par Bruno Dondero, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), Avocat associé CMS Francis Lefebvre

Le 26 Juin 2024

Mots‑clés : fusion • transmission universelle de patrimoine • responsabilité pénale des personnes morales • transfert de responsabilité • SARL • application dans le temps d’une solution jurisprudentielle.

L'activité économique exercée dans le cadre de la société absorbée, qui constitue la réalisation de son objet social, se poursuit dans le cadre de la société qui a bénéficié de cette opération et ainsi, la continuité économique et fonctionnelle de la personne morale conduit à ne pas considérer la société absorbante comme étant distincte de la société absorbée, permettant que la première soit condamnée pénalement pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la seconde avant l'opération de fusion‑absorption.

C'est à tort que la cour d'appel a retenu qu’une SARL entrait dans le champ de la Directive (CE) n° 78/855, du Conseil, du 9 octobre 1978, relative à la fusion des sociétés anonymes N° Lexbase : L9347AUQ, codifiée en dernier lieu par la Directive (UE) n° 2017/1132, du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017 N° Lexbase : L0643LGW, puisque ce texte ne concerne pas les sociétés à responsabilité limitée. Cependant, l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure, dès lors qu'ayant constaté qu'il a été procédé à une opération de fusion‑absorption entraînant la dissolution de la société mise en cause et que les faits objet des poursuites sont caractérisés, il pouvait déclarer la société absorbante coupable de ces faits et la condamner à une peine d'amende ou de confiscation.

Si la Cour de cassation n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur les conséquences quant à l'action publique d'une fusion‑absorption lorsqu'elle concerne une SARL, sa doctrine était raisonnablement prévisible depuis l'arrêt rendu par la Chambre criminelle, le 25 novembre 2020 (Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18‑86.955, FS‑P+B+I N° Lexbase : A551437D).


1. En 2020, la Chambre criminelle avait opéré un très important revirement, en admettant qu’en cas de fusion, la société absorbante puisse être tenue pénalement responsable de faits commis par l’absorbée, antérieurement à l’opération de fusion [1]. La Cour avait choisi de faire prévaloir une approche économique, considérant que la fusion voit l’entreprise continuer sous une forme juridique différente, sur l’approche anthropomorphique qui avait cours jusqu’alors en droit français, tirant la conséquence de la disparition de la personne morale ayant commis les délits, avant sa condamnation. L’arrêt commenté, rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 22 mai 2024 N° Lexbase : A72515CK, et publié au Bulletin et aux Lettres de chambre [2], vient étendre le champ d’application de la solution de 2020. Elle s’appliquait aux SA et sans doute aux autres sociétés par actions, elle est désormais rendue applicable à d’autres formes sociales, et en premier lieu aux sociétés à responsabilité limitée (SARL).

2. La situation qui donnait lieu à l’arrêt était plutôt simple. Le 30 juin 2021, trois sociétés et leur gérant étaient condamnés par un tribunal correctionnel pour plusieurs infractions au droit de l'urbanisme, commises en lien avec l'exploitation d'un camping. Tant les prévenus que le ministère public relevaient appel du jugement. Le 17 avril 2023, la cour d'appel saisie condamnait deux des sociétés et le gérant à des peines d’amende, ordonnait la remise en état des lieux sous astreinte et prononçait sur les intérêts civils. Simplement, entre la première instance et l’arrêt d’appel, précisément le 30 septembre 2022, une fusion était intervenue et avait vu l’une des sociétés condamnées être absorbée par une autre – celle‑ci était l’une des trois sociétés précitées, mais cela n’a pas d’incidence sur la solution retenue.

3. Cette opération de restructuration n’empêchait pas la cour d’appel de juger que les faits commis par la société absorbée avant la fusion pouvaient donner lieu à la condamnation de la société absorbante. Pour fonder cette solution, elle reprenait la solution qui avait été formulée par l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 25 novembre 2020 N° Lexbase : A551437D. Problème : la solution avait alors été fondée sur une directive européenne, la Directive (CE) n° 78/855, du 9 octobre 1978 N° Lexbase : L9347AUQ (codifiée en dernier lieu par la Directive (UE) n° 2017/1132, du 14 juin 2017 N° Lexbase : L0643LGW) et relative aux fusions de sociétés anonymes (SA), là où toutes les sociétés impliquées dans notre affaire étaient… des SARL. Comment admettre d’étendre la solution expressément fondée sur la Directive à la situation en cause, alors que, comme le relevait le pourvoi, « l'opération de fusion‑absorption intervenue le 30 septembre 2022 n'entrait pas dans le champ de la directive » ? Cela n’entraînait‑il pas une atteinte au principe formulé par l’article 121‑1 du Code pénal N° Lexbase : L2225AMD, selon lequel « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait » ?

4. En dépit de cette difficulté a priori insurmontable, la Chambre criminelle de la Cour de cassation parvient à sauver l’arrêt d’appel en détachant la solution du fondement européen qui lui avait été donné en 2020 (I). La portée de cette évolution suscite différentes questions, qui ne sont pas encore toutes réglées (II).

I. Le transfert de responsabilité pénale désormais détaché de la Directive sur les fusions de SA

A. Les racines européennes du revirement de 2020

5. On se souvient que pendant une vingtaine d’années, la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait jugé de manière constante que le principe selon lequel nul n’est responsable pénalement que de son propre fait empêchait qu’en cas de fusion, la responsabilité pénale de la société absorbante soit engagée sur le fondement d’une infraction commise par l’absorbée [3]. Il était seulement admis que, en cas de reconnaissance de la responsabilité pénale de la société absorbée avant la fusion, la société absorbante pouvait se voir condamnée à indemniser la victime [4].

6. Cette solution avait cependant été abandonnée par l’important arrêt rendu par la Chambre criminelle le 25 novembre 2020. Cette formation avait alors exposé qu’il y avait deux approches concevables de la question, une approche anthropomorphique et une approche économique, et c’est cette seconde analyse qu’elle avait fait triompher. L’adoption de cette approche économique permettait de rapprocher la position du juge pénal de celle retenue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, qui avait statué en ce sens à propos d’atteintes au droit de la concurrence [5] et de pratiques commerciales abusives [6], rejoint en cela par le Conseil constitutionnel [7]. Cela rejoignait aussi la position retenue par le Conseil d’État à propos de sanctions pécuniaires prononcées par le régulateur boursier [8] et de sanctions fiscales [9], mais pas à propos de sanctions disciplinaires en revanche.

7. La solution était surtout présentée comme permettant de rapprocher la position française de celle retenue par le droit européen. Par son arrêt du 5 mars 2015, la CJUE avait en effet jugé qu’ « il convient donc de considérer que figurent parmi les tiers, dont [la directive relative aux fusions de sociétés anonymes] vise la protection des intérêts, les entités qui, à la date de la fusion, ne sont pas encore à qualifier de créanciers ou de porteurs d’autres titres, mais qui peuvent être ainsi qualifiées après cette fusion en raison de situations nées avant celle‑ci, telles que la commission d’infractions au droit du travail qui ne sont constatées par voie de décision qu’après ladite fusion » et que, « en l’absence de transmission, à la société absorbante, de la responsabilité contraventionnelle de la société absorbée consistant à payer une amende pour de telles infractions, l’intérêt de l’État membre dont les autorités compétentes auraient infligé cette amende ne serait pas protégé » [10]. Postérieurement à cet arrêt, c’est la CEDH qui avait à son tour privilégié l’approche économique par un arrêt Carrefour France c/ France en date du 24 octobre 2019 [11]. Postérieurement à l’arrêt de la CJUE, la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait tout d’abord refusé de faire évoluer sa position. Par un arrêt en date du 25 octobre 2016 N° Lexbase : A3252SCG, elle avait censuré l’arrêt d’appel qui entendait tenir compte du droit européen pour admettre le transfert de responsabilité pénale, la censure se fondant sur le fait que « la troisième directive 78/ 855/ CEE du Conseil du 9 octobre 1978 concernant les fusions des sociétés anonymes […], telle qu'interprétée en son article 19 paragraphe 1 par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 5 mars 2015 précité, est dépourvue d'effet direct à l'encontre des particuliers » et que « l'article 121‑1 du Code pénal ne peut s'interpréter que comme interdisant que des poursuites pénales soient engagées à l'encontre de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant que cette dernière perde son existence juridique » [12]. Mais en 2020, cette position allait changer, et le revirement avait alors été fortement ancré dans le droit européen [13].

B. Détacher la solution de 2020 de la Directive

8. Les magistrats ayant rendu l’arrêt d’appel dans l’affaire donnant lieu à la décision commentée pensaient pouvoir reprendre la solution édictée en 2020 telle quelle. Ils avaient ainsi jugé que la société absorbante pouvait être déclarée coupable des infractions (installation d'une résidence mobile de loisirs en dehors des emplacements autorisés, infraction, par personne morale, aux dispositions du plan local d'urbanisme ou du plan d'occupation des sols, construction ou aménagement de terrain dans une zone interdite par un plan de prévention des risques naturels) commises par la société absorbée en 2015, et ce alors que les sociétés concernées étaient toutes des SARL.

9. Où était la différence avec la situation jugée en 2020 ? C’est que la Directive sur les fusions des SA, troisième directive, n° 78/855 du Conseil, du 9 octobre 1978, désormais codifiée au sein de la Directive (UE) n° 2017/1132, du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, relative à certains aspects du droit des sociétés, n’appréhende pas les SARL. Le champ d’application de ce dispositif est aujourd’hui défini par l’article 87, 1 de la Directive (UE) n° 2017/1132 de la manière suivante : « Les mesures de coordination prescrites par le présent chapitre s'appliquent aux dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux formes de sociétés figurant à l'annexe I », et cette annexe I vise pour la France la seule société anonyme. Notons que la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans la note explicative assortissant son arrêt du 25 novembre 2020, affirmait que le champ d’application de la Directive, et donc la solution issue du revirement, incluait les sociétés par actions simplifiées [14]. Quoiqu’il en soit, les SARL ne sont pas concernées par le texte et l’arrêt commenté relève sans surprise que « c'est à tort que la cour d'appel a retenu que la société à responsabilité limitée [10] entrait dans le champ de la directive […], puisque ce texte ne concerne pas les sociétés à responsabilité limitée ». Il aurait donc fallu justifier autrement l’extension de la solution issue du revirement de 2020.

10. Et c’est précisément ce que va s’employer à faire la Chambre criminelle de la Cour de cassation, en fondant le transfert de responsabilité pénale à l’absorbante sur les seuls éléments de la solution de 2020 qui n’avaient pas de lien avec la Directive précitée. La Cour reprend d’abord l'article L. 236‑3 du Code de commerce N° Lexbase : L7443MH7, dont elle indique qu’il est « applicable aux sociétés à responsabilité limitée », mais dont elle ne précise pas quelle version du texte elle vise – rappelons que celui‑ci a été modifié par l’ordonnance du 24 mai 2023 [15]. L’arrêt commenté juge que selon cet article, « la fusion‑absorption, si elle emporte la dissolution de la société absorbée, n'entraîne pas sa liquidation, de même que le patrimoine de la société absorbée est universellement transmis à la société absorbante et les associés de la première deviennent associés de la seconde ». Est évoqué ensuite l'article L. 1224‑1 du Code du travail N° Lexbase : L0840H9Y, dont il est déduit que « tous les contrats de travail en cours au jour de l'opération se poursuivent entre la société absorbante et le personnel de l'entreprise ». La référence à cette disposition est un peu étonnante : faut‑il que des contrats de travail soient transmis par l’absorbée à l’absorbante pour que la solution du transfert de responsabilité pénale s’applique ? Nous ne le pensons pas. Quoi qu’il en soit, du rapprochement de ces dispositions (en nombre pour le moins limité puisqu’elles ne sont que deux !), la décision commentée conclut que « l'activité économique exercée dans le cadre de la société absorbée, qui constitue la réalisation de son objet social, se poursuit dans le cadre de la société qui a bénéficié de cette opération et qu'ainsi, la continuité économique et fonctionnelle de la personne morale conduit à ne pas considérer la société absorbante comme étant distincte de la société absorbée, permettant que la première soit condamnée pénalement pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la seconde avant l'opération de fusion‑absorption ».

11. Notons que le Conseil d’État a de son côté opéré en 2023 un revirement sur la question du transfert de la responsabilité « disciplinaire » à l’absorbante [16], mais sans expliciter cette évolution par une démonstration, à la différence de la Cour de cassation. Il juge que « le principe de la personnalité des peines ne fait pas, par lui‑même, obstacle à ce qu'une sanction disciplinaire, justifiée par les manquements commis par une société ayant par la suite fait l'objet d'une absorption ou d'une fusion, soit prononcée à l'encontre de la société absorbante ou issue de la fusion ».

II. La portée de l’évolution opérée

A. Questions tranchées et questions subsistantes

12. Une fois qu’elle a purgé la solution de 2020 de ses fondements européens tout en maintenant la solution, il est possible à la Cour de cassation de sauver l’arrêt attaqué (il « n'encourt pas la censure »), puisque la responsabilité de la société absorbée pouvait être transmise à l’absorbante (l’arrêt attaqué « pouvait déclarer la société absorbante coupable de ces faits et la condamner à une peine d'amende ou de confiscation »). L’apport concret essentiel de l’arrêt est donc de permettre l’application du transfert de responsabilité pénale aux fusions impliquant des SARL. Mais les fondements retenus par la décision du 22 mai 2024 devraient en réalité permettre d’étendre le transfert de responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante à toute société dotée de la personnalité morale, indépendamment de sa forme sociale, du moment qu’elle a une activité économique. Nous écrivions déjà, à la suite du revirement intervenu en 2020 : « Si cette précision [relative à l’application de la solution aux SA] est cohérente avec le fondement de l’arrêt, on ne voit cependant pas pourquoi l’approche économique désormais retenue ne serait pas applicable à une fusion entre sociétés ne relevant pas de la directive. À la rigueur, on pourrait soustraire à cette approche les sociétés civiles dépourvues d’activité économique, et encore… » [17]. Et l’on voit mal, en réalité, quelle spécificité des sociétés par actions pouvait justifier que la solution édictée en 2020 leur soit réservée.

13. Pour autant, on pourra encore se demander si les sociétés concernées, au‑delà des sociétés par actions et des SARL, doivent présenter des caractéristiques particulières. Elles doivent certainement être dotées de la personnalité morale, condition requise tant pour la réalisation d’une opération de fusion (au sens strict, car on peut envisager un équivalent pour des sociétés non personnifiées) que pour l’application de la responsabilité pénale [18]. Des sociétés de droit français comme des sociétés de droit étranger pourraient être concernées. Mais ces entités doivent‑elles avoir une activité économique, ou bien la détention d’un patrimoine suffit‑elle à permettre le transfert de responsabilité ? L’arrêt commenté insiste sur cet aspect économique lorsqu’il juge, en son § 10, que « l'activité économique exercée dans le cadre de la société absorbée, qui constitue la réalisation de son objet social, se poursuit dans le cadre de la société qui a bénéficié de cette opération », ce qui permet de fonder le transfert de responsabilité pénale. Si l’on peut donc considérer qu’une activité économique est requise, il ne nous semble pas que l’existence de contrats de travail soit une condition, ainsi que nous l’avons dit [19].

14. Deux précisions formulées en 2020 sont réitérées. Tout d’abord, le transfert de responsabilité pénale opéré par la fusion ne permet de condamner la société absorbante « pour des faits constitutifs d'une infraction commise par la société absorbée avant l'opération » qu’« à une peine d'amende ou de confiscation ». Cette restriction demeure inexpliquée [20]. Est‑ce parce que la responsabilité pénale suivrait le patrimoine de l’absorbée transféré à l’absorbante, que seules des sanctions pécuniaires, touchant le patrimoine de l’absorbante, seraient concevables ? Cela est peu convaincant, mais c’est peut-être davantage l’idée que les conséquences pécuniaires peuvent être anticipées lors de la négociation des conditions de la fusion à intervenir qui explique cette restriction. Ensuite, il est redit que « la personne morale absorbée étant continuée par la société absorbante, cette dernière, qui bénéficie des mêmes droits que la société absorbée, peut se prévaloir de tout moyen de défense que celle‑ci aurait pu invoquer ». Là encore, rien de nouveau par rapport à ce qui avait été affirmé précédemment.

15. Certaines questions délicates restent cependant entières. Avant cela, notons que la possibilité qu’une condamnation soit fondée sur la fraude que commettraient les parties à la fusion n’est pas reprise, mais que cette solution, avec ce qu’elle a de troublant, demeure certainement possible [21]. En revanche, on continuera à s’interroger sur l’étendue des opérations de restructuration concernées. La décision commentée portait sur une fusion, tout comme l’arrêt du 25 novembre 2020. Mais l’on se demande, depuis que cette première décision a été rendue, si sont concernées aussi les opérations de scission et d’APA, ainsi que la dissolution‑confusion. L’arrêt de la Cour de cassation rendu en 2020 ne mentionnait que les opérations de fusion, mais la dissolution d’une société unipersonnelle entraînant une transmission universelle de patrimoine relève de la même logique, de même qu’une opération de scission. La dissolution d’une société unipersonnelle était d’ailleurs déjà en cause dans un autre arrêt [22]. On peut être plus hésitant sur l’opération d’apport partiel d’actif soumise au régime des scissions, mais ainsi que nous l’écrivions déjà, il nous semble qu’elle pourrait entraîner transfert de responsabilité pénale à la société bénéficiaire, si le fondement retenu est effectivement celui de la poursuite d’une activité économique (en l’occurrence l’activité faisant l’objet de l’apport) sous une forme différente [23]. Observons toutefois que la décision commentée semble attacher de l’importance à la dissolution de la société absorbée, qu’elle mentionne (« l'arrêt attaqué n'encourt pas la censure, dès lors qu'ayant constaté qu'il a été procédé […] à une opération de fusion‑absorption entraînant la dissolution de la société mise en cause et que les faits objet des poursuites sont caractérisés, il pouvait déclarer la société absorbante coupable de ces faits et la condamner à une peine d'amende ou de confiscation »), mais peut‑être ne faut‑il pas voir dans la dissolution une condition du transfert de responsabilité pénale.

B. Application dans le temps de la responsabilité pénale étendue

16. La solution du transfert de responsabilité pénale à l’absorbante étant donc consacrée pour d’autres sociétés que les sociétés par actions, se posait la question de l’application dans le temps de cette nouvelle solution. On se souvient que la décision du 25 novembre 2020 avait déclaré qu’elle s’appliquait uniquement « aux opérations de fusion conclues postérieurement au prononcé du présent arrêt ». Or, c’est exactement cette solution qui est reprise par l’arrêt du 22 mai 2024, entendez que la solution nouvelle est « applicable aux fusions‑absorptions conclues postérieurement au 25 novembre 2020 » !

17. Il est effectivement question d’appliquer la solution désormais détachée de la Directive à la même date qui avait été retenue pour appliquer la solution issue de la Directive. Il est en effet jugé que « si la Cour de cassation n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur les conséquences quant à l'action publique d'une fusion‑absorption lorsqu'elle concerne une société à responsabilité limitée, sa doctrine était raisonnablement prévisible depuis l'arrêt ayant appliqué pour la première fois aux sociétés anonymes les principes rappelés aux points 10 et 11 (Crim., 25 novembre 2020, pourvoi n° 18‑86.955, publié au Bulletin) » [24] et il en est conclu que « cette solution est donc applicable aux fusions‑absorptions conclues postérieurement au 25 novembre 2020 ».

18. Il serait malvenu de notre part de qualifier d’imprévisible l’évolution consistant à appliquer la solution, issue du revirement de 2020, à d’autres sociétés que les sociétés par actions. Notre opinion était et demeure, au‑delà du fondement textuel formel de la Directive, que l’approche économique de la fusion justifie à lui seul l’admission du transfert de responsabilité pénale, et nous répétons que les sociétés par actions n’ont pas de spécificité qui justifierait qu’on leur réserve, en cas de fusion, la solution issue de l’arrêt du 25 novembre 2020. Pour autant, tout justiciable qui lisait cette décision, lardée de références à la Directive sur les fusions des sociétés anonymes, ne pouvait‑il raisonnablement penser que la solution serait cantonnée aux SA ? Les magistrats de la Chambre criminelle de la Cour de cassation pensent peut‑être leur jurisprudence plus accessible et prévisible par les justiciables qu’elle ne l’est réellement…

 

[1] Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955,. FS-P+B+I N° Lexbase : A551437D : M. Segonds, Fusion-absorption : frauder l’article 121-1 du Code pénal (suite… sans fin ?), Lexbase Pénal, janvier 2021 N° Lexbase : N6117BY9 ; A. Couret, La transmission du passif pénal dans les opérations de fusion-absorption, Bull. Joly sociétés, janvier 2021, n° 1, p. 41 ; H. Le Nabasque, À propos des passifs transmis à une société absorbante, Bull. Joly sociétés, juin 2021, n° 1, p. 62 ; H. Matsopoulou, La transmission de la responsabilité pénale à la société absorbante pour une infraction commise par la société absorbée, Revue des sociétés, février 2021, n° 2, p. 115. V. aussi B. Bouloc, Un revirement jurisprudentiel inattendu à propos d’une fusion-absorption, Revue des sociétés, février 2021, n° 2p. 79 ; B. Dondero, Fusion : imputation de la responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante, BRDA, 24/20, inf. n° 24.

[2] Cass. crim., 22 mai 2024, n° 23-83.180, FS-B N° Lexbase : A72515CK.

[3] Cass. crim., 20 juin 2000, n° 99-86.742 N° Lexbase : A3295AUL : Revue des sociétés, 2001, p. 851, note I. Urbain-Parléani ; Cass. crim., 14 octobre 2003, n° 02-86.376, FS-P+F N° Lexbase : A9467C9I : RJDA, 3/04, n° 307 ; Cass. crim., 9 septembre 2009, n° 08-87.312, FS-D N° Lexbase : A6004ELX : X. Vamparys, Fusion, apport partiel d’actifs et action en justice, Bull. Joly sociétés, avril 2010, n° 4, p. 179 ; Cass. crim., 25 octobre 2016, n° 16-80.366, FS-P+B N° Lexbase : A3252SCG : Dr. sociétés, 2017, comm. n° 34, note R. Salomon.

[4] Cass. crim., 23 avril 2013, n° 12-83.244, FS-P+B N° Lexbase : A6816KCG ; RJDA, 7/2013, n° 669 ; Cass. crim., 28 février 2017, n° 15-81.469,FS-P+B N° Lexbase : A9884TRI ; RJDA, 7/17, n° 464.

[5] Cass. com., 20 novembre 2001, n° 99-16.776 N° Lexbase : A2172AXQ.

[6] Cass. com., 21 janvier 2014, n° 12-29.166, FS-P+B+R N° Lexbase : A0032MDK : A. Couret, Fusion : la transmission à la société absorbante de l’amende civile sanctionnant le comportement de l’absorbée, Bull. Joly sociétés, 2014, p. 180 ; RJDA, 4/14, n° 385.

[7] Cons. const., décision n° 2016-542 QPC, du 18 mai 2016 N° Lexbase : A3876RPA : B. Dondero, Pratiques restrictives de concurrence de l’absorbée, amende civile frappant l’absorbante : conformité à la Constitution, Bull. Joly sociétés, octobre 2016, n° 10, p. 611.

[8] CE, sect., 22 novembre 2000, n° 207697 N° Lexbase : A1832AIP : D., 2001, somm., p. 1609, obs. A. Reygrobellet ; CE, sect. 6-1 ssr., 30 mai 2007, n° 293423 N° Lexbase : A5276DWC : RJDA, 2/08, n° 151.

[9] CE, avis, 4 décembre 2009, n° 329173 N° Lexbase : A3358EP3 : RJDA, 3/10, n° 248.

[10] CJUE, 5 mars 2015, aff. C-343/13, Modelo Continente Hipermercados SA c/ Autoridade para as Condições de Trabalho N° Lexbase : A6841NCD, B. Lecourt, Fusion de société et principe de personnalité de la responsabilité pénale, Revue des sociétés, novembre 2015, n° 11, p. 677 ; Bull. Joly sociétés, mai 2015, n° 5, p. 200, note A. Couret ; RJDA, mai 2015, p. 10, note A. Reygrobellet ; v. aussi H. Le Nabasque, Personnalité des délits et des peines et fusions, Bull. Joly sociétés, juillet 2015, p. 393 ; C. Soulard, Transfert de la responsabilité pénale d'une société absorbée par voie de fusion, RJDA, 7/15, p. 491.

[11] CEDH, 24 octobre 2019, Req. 37858/14, Carrefour France c/ France N° Lexbase : A8015ZSN : A. Reygrobellet, Responsabilité des dirigeants et liquidateurs de sociétés commerciales : compétence des juridictions consulaires, Bull. Joly sociétés, décembre 2019, n° 1, p. 29.

[12] Cass. crim., 25 octobre 2016, n° 16-80.366, préc.

[13] Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955, préc., sp. § 27-33.

[14] Cour de cassation, Note explicative relative à l’arrêt n° 2333 du 25 novembre 2020 (chambre criminelle), 25 novembre 2020, 3.1 [en ligne] : « À ce titre, il convient cependant de préciser que la directive relative aux fusions des sociétés anonymes est également applicable aux sociétés par actions simplifiées (SAS). En effet, les SAS ne sont qu’une catégorie particulière de société par actions et sont soumises, dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières les concernant, aux règles concernant les sociétés anonymes ».

[15] Sur la réforme opérée par l’ordonnance n° 2023-393, du 24 mai 2023, portant réforme du régime des fusions, scissions, apports partiels d'actifs et opérations transfrontalières des sociétés commerciales N° Lexbase : L7325MHR, v. A. Reygrobellet et J. Delvallée, La réforme des opérations de restructuration internes et transfrontalières par l’ordonnance n° 2023-393 du 24 mai 2023, Lexbase Affaires, juillet 2023, n°765 N° Lexbase : N6380BZC ; C. Barrillon, Réforme du droit des fusions, scissions et apports partiels d'actifs entre sociétés commerciales, JCP E, 2023, n° 21, p. 1183 ; B. Dondero, La réforme des fusions, scissions, apports partiels d'actifs et transferts de siège des sociétés commerciales, D., 2023, n° 29, p. 1473.

[16] CE, 5-6 ch. réunies, 10 novembre 2023, n° 460684 N° Lexbase : A79791Y8 : H. Matsopoulou, Le Conseil d’État favorable à la transmissibilité des sanctions disciplinaires à la « société absorbante », Revue des sociétés, avril 2024, n° 4, p. 263.

[17] B. Dondero, Fusion : imputation de la responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante, BRDA, 24/20, inf. n° 24, sp. n° 20.

[18] C. pén., art. 121-2, al. 1er N° Lexbase : L3167HPY.

[19] V. supra, I.

[20] B. Dondero, Fusion : imputation de la responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante, BRDA, 24/20, inf. n° 24, sp. n° 21.

[21] Pour une première application, v. Cass. crim., 13 avril 2022, n° 21-80.653, FS-B N° Lexbase : A41207TR : M.-Ch. Sordino, Fusion-absorption : le principe de responsabilité pénale du fait personnel mis en échec par la fraude à la loi, Lexbase Pénal, 26 mai 2022, n° 49 ; B. Dondero, Transmission de responsabilité pénale : application des nouvelles règles, Bull. Joly sociétés, juin 2022, n° 6, p. 40.

[22] Cass. crim., 13 avril 2022, n° 21-80.653, préc.

[23] B. Dondero, Fusion : imputation de la responsabilité pénale de l’absorbée à l’absorbante, BRDA, 24/20, inf. n° 24, sp. n° 23.

[24] Cass. crim., 22 mai 2024, n° 23-83.180, FS-B, préc.

newsid:489453

Licenciement

[Brèves] Licenciement pour faute grave d’un DRH pour dissimulation d’une relation intime avec une salariée exerçant des mandats syndicaux

Réf. : Cass. soc., 29 mai 2024, n° 22-16.218, F-B N° Lexbase : A84155DZ

Lecture: 2 min

N9451BZ3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/107999691-edition-du-31052024#article-489451
Copier

par Charlotte Moronval

Le 05 Juin 2024

► Un salarié occupant des fonctions de direction et chargé notamment de la gestion des ressources humaines, peut être licencié pour avoir caché à son employeur la liaison qu'il entretient avec une autre salariée, exerçant des mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel.

Faits. Un salarié exerçant des fonctions de direction, en particulier la gestion des ressources humaines, est licencié pour faute grave pour avoir dissimulé la relation intime qu'il entretient avec une salariée titulaire de mandats syndicaux et de représentation du personnel dans l'entreprise.

Contestant ce licenciement, le salarié saisit la juridiction prud’homale.

Position de la cour d’appel. Pour juger le licenciement pour faute grave justifié, la cour d’appel (CA Amiens, 25 novembre 2021, n° 21/01635 N° Lexbase : A69507DR), elle relève que ce salarié exerçait des fonctions de direction, chargé en particulier de la gestion des ressources humaines, et avait reçu du président du directoire de la société diverses délégations en matière d'hygiène, de sécurité et d'organisation du travail ainsi que pour présider, en ses lieux et place, de manière permanente, les différentes institutions représentatives du personnel.

Ce salarié avait caché à son employeur la relation amoureuse qu'il entretenait, depuis la fin de l'année 2008, avec une autre salariée, laquelle était, jusqu'à son départ de l'entreprise, en avril 2013 :

  • investie de mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel ;
  • s'était investie en 2009 et 2010 dans des mouvements de grève et d'occupation d'un des établissements de l'entreprise et lors de la mise en oeuvre d'un projet de réduction d'effectifs ;
  • avait participé, en 2009 puis au cours de l'année 2012 et en janvier 2013, à diverses réunions où le salarié avait lui-même représenté la direction et au cours desquelles avaient été abordés des sujets sensibles relatifs à des plans sociaux.

Le salarié forme un pourvoi en cassation.

Solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle rappelle qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

En l’espèce, en dissimulant cette relation intime, qui était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, le salarié a ainsi manqué à son obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers son employeur, rendant impossible son maintien dans l'entreprise, peu important qu'un préjudice pour l'employeur ou pour l'entreprise soit ou non établi.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, La vie personnelle du salarié, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3369Z38.

 

newsid:489451

Propriété intellectuelle

[Brèves] Contrefaçon : exception de l’usage de la marque en tant que référence nécessaire

Réf. : Cass. com., 15 mai 2024, n° 22-17.813, F-B N° Lexbase : A49215BU

Lecture: 3 min

N9364BZT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/107999691-edition-du-31052024#article-489364
Copier

par Perrine Cathalo

Le 30 Mai 2024

► Il ressort des articles 14 du Règlement n° 2017/1001, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne et L. 713-6, I, 3°, du Code de la propriété intellectuelle que le titulaire d'une marque européenne ou française ne peut interdire à un tiers d'en faire usage, dans la vie des affaires, pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, lorsque l'usage de cette marque est conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale et nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée.

Faits et procédure. Les sociétés Lohr ont assigné devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de Paris (TJ Paris, 24 janvier 2020, n° 18/04732), une société de droit autrichien spécialisée dans la fabrication et la fourniture de composants et de pièces détachées à destination des transporteurs de véhicules automobiles, en contrefaçon de marques, contrefaçon de dessins et modèles, contrefaçon de droits d'auteur, concurrence déloyale et parasitaire, allocation de dommages et intérêts ainsi qu'aux fins d'obtenir diverses mesures d'interdiction, de destruction et de publication et, le cas échéant, d'enjoindre à la société autrichienne de communiquer des documents attestant du chiffre d'affaires, des bénéfices et des marges brutes réalisés sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, les chiffres des quantités produites, livrées et commercialisées sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne et les prix des marchandises visées.

Par décision du 14 janvier 2022, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-2, 14 janvier 2022, n° 20/04643 N° Lexbase : A36397IM) a condamné la société autrichienne à verser aux sociétés Lohr une certaine somme aux motifs qu’elle s'est rendue coupable de contrefaçon et que des actes de concurrence déloyale et parasitaire ont été commis.  

La société autrichienne a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt de la cour d’appel au visa des articles 14 du Règlement n° 2017/1001, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne N° Lexbase : L0640LGS et L. 713-6, I, 3°, du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L5886LT8.

En particulier, la Chambre commerciale constate que la cour d’appel a posé à la société autrichienne une interdiction générale d’utilisation du terme « Lohr » à titre de marque pour désigner, promouvoir et commercialiser, exporter, importer et détenir des pièces de rechange pour des porte-voitures, y compris sur les sites internet qu'elle détient ou détenus par des membres de son réseau.

Pourtant, la Cour affirme au contraire que lorsque l'usage d’une marque est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service – comme c’est notamment le cas dans le secteur des pièces de rechange automobile –, le titulaire d'une marque européenne ou française ne peut interdire à un tiers d'en faire usage, dans la vie des affaires, à condition que l’usage de cette marque soit conforme aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale (v. déjà CJUE, 17 mars 2005, aff. C-228/03, The Gillette Company N° Lexbase : A3806DHG ; Cass. com., 10 février 2015, n° 13-28.263, F-P+B N° Lexbase : A4417NB9).

Pour cette raison, la Cour en conclut que la cour d’appel a violé les textes susvisés.

newsid:489364

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.