Réf. : CA Dijon, 19 septembre 2023, n° 22/00326 N° Lexbase : A23521M3
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N7180BZX
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par Marie Le Guerroué
Le 31 Octobre 2023
► L’avocat qui a établi un acte de cession des parts d’une SCI au profit d’une SARL sans s'être fait préalablement communiquer les déclarations de revenus et les avis d'imposition de son client, faisant état de déficits fonciers de nature à avoir une incidence sur l'imposition de celui-ci, a omis de recueillir toutes les informations nécessaires à la défense de ses intérêts, manquant ainsi à son devoir de compétence et de conseil.
Procédure. Un client reprochait à son avocat de ne pas avoir tenu compte de ses déclarations de revenus pour lui conseiller une opération de cession des parts de SCI, alors qu'il ressortait d’un audit, que la déclaration de revenus de l'année 2011 faisait apparaître des déficits fonciers pour environ 150 000 euros résultants d'autres immeubles, générés en 2005 et imputables jusqu'en décembre 2015, et que la cession des parts de SCI avait entraîné une perte de revenus fonciers et une perte définitive du stock des déficits fonciers.
L'avocat intimé objectait, lui, que sa responsabilité ne pouvait être recherchée que dans le cadre des informations qui lui avaient été communiquées, dans la limite de la mission qui lui avait été confiée. Il soutenait avoir été simplement consulté pour permettre aux époux de se dégager de leur endettement personnel, pour faire supporter celui-ci par la SARL, et non pour réaliser un audit fiscal et global du couple sur le plan personnel et professionnel, en faisant valoir qu'en réalisant la cession des parts de la SCI au profit de la SARL, un terme était mis à la fiscalité et aux charges sociales sur les prélèvements nécessaires au remboursement du prêt, lequel était réglé directement avec la trésorerie de l'activité de salle des ventes exercée par une société soumise à l'impôt sur les sociétés et déduit de cet impôt. Il ajoute qu'il n'était pas informé des déficits fonciers résultant d'autres immeubles que celui de la propriété de la SCI, ni son client ni son expert-comptable ne lui ayant fourni la copie des déclarations de revenus et des avis d'imposition.
Réponse de la CA. L'avocat est tenu d'accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client. Il est investi d'un devoir de compétence impliquant un devoir de conseil sur le plan juridique et judiciaire lui imposant de mettre en œuvre tous les moyens utiles de nature à parvenir à la défense de ces intérêts et, pour ce faire, de recueillir de sa propre initiative les éléments d'information et les documents nécessaires à l'accomplissement de ses diligences.
Toutefois, pour la cour, en établissant un acte de cession des parts de la SCI au profit de la SARL sans s'être fait préalablement communiquer les déclarations de revenus et les avis d'imposition de son client, faisant état de déficits fonciers de nature à avoir une incidence sur l'imposition de son client, l’avocat a omis de recueillir toutes les informations nécessaires à la défense des intérêts de ce dernier, manquant ainsi à son devoir de compétence et de conseil. Aussi, pour les juges d’appel, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, cette faute est de nature à engager la responsabilité contractuelle de l'avocat, l'avis d'imposition de l'année 2012 sur les revenus de l'année 2011, produit en cause d'appel, confirmant l'existence de déficits fonciers antérieurs non déduits des autres revenus pour un montant de 150 463 euros.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La responsabilité civile professionnelle de l'avocat, La caractérisation du manquement de l'avocat quant à son devoir de conseil, in La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E40273RL. |
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Réf. : Cass. civ. 1, 18 octobre 2023, n° 22-21.358, F-B N° Lexbase : A08231NS
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N7234BZX
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par Anne-Lise Lonné-Clément
Le 26 Octobre 2023
► Si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction.
La solution n’est pas nouvelle (Cass. civ. 1, 25 février 2003, n° 01-00.890, FS-P N° Lexbase : A3052A78 ; Cass. civ. 1, 26 mai 2011, n° 10-13.780, F-D N° Lexbase : A8843HSC ; Cass. soc., 20 novembre 2013, n° 10-28.582, FS-P+B N° Lexbase : A0458KQZ), mais par la publication au bulletin de cette décision, la Cour de cassation entend opérer une piqûre de rappel.
Le 21 décembre 2017, une société et un salarié ont conclu une transaction par laquelle les parties ont convenu de requalifier le licenciement pour faute grave de ce salarié en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de liquider diverses indemnités dues à ce dernier pour un montant total de 92 734,36 euros.
Le 6 décembre 2019, cet ancien salarié a assigné la société et sa gérante en paiement de la somme de 1 500 000 euros correspondant, selon son estimation, à la moitié de la valeur nette de la société, au motif qu'il en serait associé de fait.
La cour d’appel déclare sa demande irrecevable en raison de la chose transigée le 21 décembre 2017.
Il forme alors un pourvoi, lequel est rejeté par la Cour suprême, qui rappelle le principe ci-dessus énoncé, qu’elle substitue d’office à ceux critiqués par le moyen.
En effet, après avoir relevé que les parties à la transaction avaient entendu régler définitivement l'ensemble des conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail de l’intéressé, prenant notamment en compte les circonstances de son embauche, ses attributions et responsabilités au sein de la société et son implication personnelle dans son développement, la cour d'appel avait retenu que la clause de non-recours, qui interdit toute nouvelle prétention au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, avait pour effet d'interdire à l’intéressé de remettre en cause la chose transigée, au titre de la même activité exercée au sein de la société, en contestant désormais l'existence d'un contrat de travail requalifié en société créée de fait avec la gérante, pour en déduire qu’il était définitivement réputé avoir exercé son activité au sein de la société en qualité de salarié, laquelle est exclusive de celle d'associé de fait.
La Cour suprême relève alors qu’il en résultait que, le demandeur ayant ainsi renoncé à son droit d'invoquer la qualité d'associé de fait, était irrecevable à agir contre la société mais aussi contre la gérante qui était fondée à invoquer la transaction.
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Réf. : Cass. civ. 1, 18 octobre 2023, n° 22-18.742, F-B N° Lexbase : A08311N4
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N7243BZB
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par Yann Le Foll
Le 26 Octobre 2023
► Est irrecevable la requête du préfet demandant la prolongation d'une mesure de rétention d'un étranger, faute d'être accompagnée de la copie du registre actualisé du centre de rétention.
Textes. Il résulte de l’articles L. 743-9 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L4085LZC que le juge des libertés et de la détention s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention d'un étranger, que, depuis sa précédente présentation, celui-ci a été placé en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions du registre de rétention.
Il ressort de l’article R. 743-2 du même code N° Lexbase : L5365LZQ que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.
Selon l'arrêté du 6 mars 2018, portant autorisation du registre de rétention N° Lexbase : L4794LIE, le registre doit, en particulier, comporter des données relatives au lieu de placement en rétention, aux date et heure d'admission au centre de rétention administrative, et, le cas échéant, aux date, heure et motif du transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention.
En cause d’appel. Pour écarter le moyen pris de l'irrecevabilité de la requête du préfet, faute d'être accompagnée de la copie du registre actualisé du centre de rétention, l'ordonnance attaquée constate que les deux registres des centres figurent bien à la procédure respectant ainsi les exigences de l'article L. 744-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L4108LZ8.
Décision CCass. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si la requête était accompagnée du registre actualisé du centre comportant le jour et l'heure auxquels l’étranger avait quitté ce centre pour être transféré à un autre endroit, le premier président a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.
Son arrêt est donc cassé et annulé.
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Réf. : CJUE, 19 octobre 2023, aff. C-655/21 N° Lexbase : A70191NB
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N7189BZB
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par Vincent Téchené
Le 24 Octobre 2023
► Le principe de légalité des délits et des peines ne s’oppose pas à une législation nationale qui prévoit que la contrefaçon de marque puisse être qualifiée tant comme infraction administrative que comme infraction pénale ;
En revanche, l’article 49 § 3 de la Charte des droits fondamentaux s’oppose à une disposition législative nationale qui prévoit que la contrefaçon de marque est sanctionnée par une peine plancher de cinq ans d’emprisonnement.
Faits et procédure. Une procédure pénale pour contrefaçon de marques est engagée en Bulgarie. Les autorités bulgares ont effectué un contrôle dans un local commercial loué par l’entreprise. Elles ont constaté que les signes apposés sur les produits étaient similaires à des marques déjà enregistrées. Le commerçant a alors été renvoyé devant le tribunal bulgare compétent pour utilisation des marques sans le consentement de leurs titulaires. La législation bulgare prévoit des dispositions définissant le même comportement tant comme infraction pénale que comme infraction administrative.
Ce tribunal a demandé à la CJUE des éclaircissements sur la compatibilité du droit bulgare réprimant la contrefaçon de marques avec le droit de l’Union, étant donné que les sanctions prévues sont sévères et que l’absence de critère clair et précis de qualification en tant qu’infraction pénale ou administrative conduit à des pratiques contradictoires et à un traitement inégal entre personnes ayant commis pratiquement les mêmes actes.
Décision. En premier lieu, la Cour rappelle que la contrefaçon d’une marque peut être qualifiée par le droit national d’infraction tant administrative que pénale. À cet égard, elle souligne que, selon le principe de légalité des délits et des peines, les dispositions pénales doivent être accessibles, prévisibles et claires en ce qui concerne la définition de l’infraction et la détermination de la peine. Ainsi, chaque citoyen doit comprendre quel comportement engage sa responsabilité pénale. Le fait que la contrefaçon de marques peut également donner lieu à des sanctions administratives en Bulgarie n’implique pas une violation de ce principe.
En second lieu, la Cour considère qu’une disposition nationale qui, en cas de contrefaçon d’une marque à plusieurs reprises ou qui entraîne des conséquences préjudiciables importantes, prévoit une peine minimale de cinq ans d’emprisonnement est contraire au droit de l’Union. La Cour précise que, même si la Directive relative au respect des droits de propriété intellectuelle (Directive n° 2004/48/CE du 29 avril 2004 N° Lexbase : L2091DY4) l’accord ADPIC/TRIPS, qui lie tant l’Union que ses États membres, ceux-ci peuvent imposer une peine d’emprisonnement pour certains actes de contrefaçon de marques. Certes, en l’absence de législation au niveau européen, les États membres sont compétents pour déterminer la nature et le niveau des sanctions applicables. Toutefois, ces mesures répressives doivent être proportionnelles. Or, prévoir une peine minimale de cinq ans d’emprisonnement pour l’ensemble des cas d’usage non consenti d’une marque dans la vie des affaires ne satisfait pas à cet impératif. En effet, une telle réglementation ne tient pas compte des spécificités éventuelles des circonstances de la commission de ces infractions.
En France, le délit de contrefaçon est sanctionné, selon les actes contrefaisants, de quatre ans d'emprisonnement et 400 000 euros d'amende ou de trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende (CPI, art. L. 716-9 N° Lexbase : L5918LTD, L. 716-10 N° Lexbase : L5920LTG et L. 716-11 N° Lexbase : L5921LTH).
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