Le Quotidien du 5 juillet 2023 : Licenciement

[Brèves] Licenciement décidé en rétorsion d’une demande d’élections professionnelles : précisions utiles sur le régime de preuve applicable

Réf. : Cass. soc., 28 juin 2023, n° 22-11.699, F-B N° Lexbase : A266997Y

Lecture: 5 min

N6155BZY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Licenciement décidé en rétorsion d’une demande d’élections professionnelles : précisions utiles sur le régime de preuve applicable. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/97554992-0
Copier

par Lisa Poinsot

le 05 Juillet 2023

Lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement ne caractérisent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient à l'employeur de démontrer que la rupture du contrat de travail ne constitue pas une mesure de rétorsion à la demande antérieure du salarié d'organiser des élections professionnelles au sein de l'entreprise.

Faits et procédure. Un salarié demande l’organisation d’élections professionnelles. Un mois plus tard, il est convoqué à un entretien préalable à un licenciement avec mise à pied conservatoire. Il est par la suite licencié pour faute grave.

Soutenant l’existence d’une discrimination syndicale, ce salarié saisit la juridiction prud’homale aux fins d’annulation de son licenciement.

Rappel. Le salarié, demandant des élections professionnelles, ne doit pas être discriminé en raison de son appartenance à un syndicat ou de l’exercice d’une activité syndicale. Le licenciement prononcé pour ce motif est nul, impliquant la réintégration du salarié et son indemnisation.

En matière de discrimination, il appartient d’abord au salarié de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination. Ensuite, il appartient à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La cour d’appel (CA Paris, 2 juin 2021, n° 19/00973 N° Lexbase : A75284TY) retient que le salarié ne présente dans ses conclusions aucun élément de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale. Elle rejette alors les demandes du salarié au titre de la nullité du licenciement pour discrimination syndicale.

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel.

Sur le fondement des articles L. 1132-1 N° Lexbase : L0918MCY et L. 2141-5 N° Lexbase : L2652LI3 du Code du travail, la Haute juridiction relève que :

  • le licenciement prononcé n’est pas justifié par l’existence d’une cause réelle et sérieuse ;
  • le salarié, ayant demandé l’organisation des élections professionnelles, est mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé un mois plus tard et licencié pour faute grave quatre jours plus tard ;
  • le salarié soutient dans ses conclusions que la procédure de licenciement a été engagée le jour durant lequel l’employeur a reçu la demande d’organisation des élections des délégués du personnel.

Rappel. La Chambre sociale de la Cour de cassation s’est déjà penchée sur la question des mesures de rétorsion. En effet, elle a déjà affirmé que le licenciement d’un salarié à la suite d'une action en justice qu’il a engagée, sur le fondement du principe de non-discrimination ou de l’égalité professionnelle, est nul s’il est établi que ce licenciement est sans cause réelle et sérieuse et constitue une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice (Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 17-11.122, FS-P+B N° Lexbase : A0000YNC).

Dès lors, si le licenciement ne trouve pas sa cause dans l’action en justice du salarié, il appartient à ce dernier de prouver que la rupture du contrat de travail constitue une mesure de rétorsion de l’employeur (Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 17-24.773, FS-P+B N° Lexbase : A0148ZRW).

Ce raisonnement est le même en matière de protection du lanceur d’alerte contre les mesures de représailles (C. trav., art. L. 1121-2 N° Lexbase : L0917MCX).

En l’espèce, pour la Cour de cassation, dès lors que le licenciement prononcé après une demande d’élections professionnelles n’a pas de cause réelle et sérieuse, il appartient à l’employeur de démontrer l’absence de lien entre la demande du salarié d’organiser les élections professionnelles et le licenciement prononcé.

En appliquant les règles prévues en cas de licenciement décidé par rétorsion d’une action en justice ou d’une alerte, la Haute juridiction ajoute un nouveau cas de nullité d’une mesure de rétorsion prise par l’employeur à l’encontre d’un salarié et définit le régime de preuve applicable à ce type de licenciement.

Par ailleurs, en application de l’article L. 2313-1 du Code du travail N° Lexbase : L1430LK8, dans sa rédaction applicable en la cause, l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 1382, devenu 1240 N° Lexbase : L0950KZ9, du Code civil et l'article 8, § 1, de la Directive (CE) n° 2002/14, du 11 mars 2002, établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne N° Lexbase : L7543A8U, la Haute juridiction rappelle que l’absence de mise en place d’instances représentatives du personnel, sans l’établissement de procès-verbal de carence, cause un préjudice au salarié devant être automatiquement réparé.

Pour aller plus loin :

  • sur le licenciement décidé par rétorsion : v. ÉTUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, Le motif lié à une liberté fondamentale, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E5015ZN3 ;
  • sur la réparation automatique du préjudice en cas d’absence de mise en place d’IRP, sans PV de carence : v. déjà Cass. soc., 22 mars 2023, n° 21-21.276, F-D N° Lexbase : A01039LE ;
  • v. aussi ÉTUDE : Le délit d’entrave, L'entrave à la constitution des institutions représentatives du personnel, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1720ETU.

 

newsid:486155

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.