Le Quotidien du 5 juillet 2023 : Bancaire

[Brèves] Obligation d’information et crédit in fine

Réf. : Cass. com., 21 juin 2023, n° 21-18.312, FS-B N° Lexbase : A983293K

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N6116BZK

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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 04 Juillet 2023

 

► Le dommage résultant du manquement d’une banque à l’obligation d’informer le souscripteur d’un prêt in fine du risque que le rachat de contrats d’assurance-vie, du fait d’une contre-performance de ceux-ci, ne permette pas le remboursement du prêt à son terme, consiste en la perte d’une chance d’éviter la réalisation de ce risque. Lorsqu’ayant pris conscience de l’existence de ce risque, dont il pouvait légitimement craindre qu’il se réalisât, l’emprunteur rembourse le prêt par anticipation à seule fin d’en prévenir la réalisation, son préjudice consiste en la perte d'une chance, non d’éviter la réalisation du risque, mais d’éviter les conséquences dommageables de ce remboursement anticipé.

La décision sélectionnée intéresse le crédit in fine, c’est-à-dire un prêt dans lequel les échéances ne comprennent que les intérêts, le capital ne se remboursant qu’à la fin de l’opération, en une seule fois. Ce type de crédit est donc particulièrement dangereux, car les emprunteurs ne peuvent pas toujours faire face à la dernière échéance si l’investissement opéré par son intermédiaire se révèle non rémunérateur. Or, ces derniers mois, ce crédit in fine donne lieu à des décisions de justice remarquées (v. not. Cass. com., 25 janvier 2023, n° 20-12.811, FS-B N° Lexbase : A06479A9, J. Lasserre-Capdeville, Lexbase Affaires, février 2023, n° 744 N° Lexbase : N4172BZK). Nous en avons ici une nouvelle illustration.

Faits et procédure. Le 29 août 2000, la banque X. avait consenti à la société L. un prêt remboursable in fine, garanti le 12 novembre 2013 par le nantissement de deux contrats d’assurance-vie souscrits par M. et Mme M., associés de la société. Reprochant cependant à la banque un manquement à ses obligations d’information et de conseil, la société L. et les époux M. l’avaient assignée en responsabilité. Une longue procédure s’en était suivie, celle-ci ayant notamment abouti à une cassation (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 17-20.819, F-D N° Lexbase : A59293CL). Finalement, la juridiction de renvoi, c’est-à-dire la cour d’appel de Lyon, avait rejeté leurs demandes. Le couple M. et la société L. avaient alors formé un pourvoi en cassation.

Moyen. L’un des moyens invoqué retient l’attention. Les auteurs du pourvoi considéraient ainsi que la perte de chance d’éviter un risque est certaine lorsque le risque s’est réalisé. Or, dans un contrat de prêt in fine nanti par un contrat d’assurance-vie, la perte de chance d’éviter le risque de ne pas pouvoir rembourser le capital emprunté grâce au rachat du contrat d’assurance-vie est certaine lorsque la valeur du contrat d'assurance-vie, à la date d’exigibilité du capital, n'en permet pas le remboursement. Dès lors, en jugeant que le préjudice était hypothétique, sans rechercher, comme cela lui avait été demandé, si la situation des contrats d'assurance-vie permettait ou aurait permis à l’échéance du terme de rembourser le capital, la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 ancien du Code civil N° Lexbase : L1248ABT, devenu l’article 1231-1 du Code civil N° Lexbase : L0613KZQ.

Décision. La Cour de cassation rejette cependant le pourvoi. Sa décision se veut particulièrement précise. Elle commence ainsi par déclarer que le dommage résultant du manquement d’une banque à l’obligation d'informer le souscripteur d’un prêt in fine du risque que le rachat de contrats d’assurance-vie, du fait d'une contre-performance de ceux-ci, ne permette pas le remboursement du prêt à son terme consiste en la perte d’une chance d’éviter la réalisation de ce risque. Ensuite, lorsqu’ayant pris conscience de l’existence de ce risque, dont il pouvait légitimement craindre qu’il se réalisât, l’emprunteur rembourse le prêt par anticipation à seule fin d’en prévenir la réalisation, son préjudice consiste en la perte d’une chance, non d’éviter la réalisation du risque, mais d’éviter les conséquences dommageables de ce remboursement anticipé. Elle en conclut que la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie à la date du terme initialement prévu est sans incidence sur l’appréciation de ce préjudice. Le moyen, qui postule le contraire, n’est donc pas fondé.

Observations. Cette décision témoigne alors du fait, qu’en fonction des circonstances, le préjudice indemnisable, c’est-à-dire la « perte d’une chance », portera logiquement sur des événements différents. Tel est le cas si l’intéressé, craignant que le rachat de ses contrats d’assurance-vie ne lui permette pas de rembourser son crédit in fine, décide de rembourser ce dernier par anticipation. Dans ce cas, le préjudice consistera en la perte d’une chance d’éviter les conséquences dommageables de ce même remboursement anticipé. Dans un tel cas, la valeur de rachat des contrats d’assurance-vie à la date du terme initialement prévu n’aura pas d’incidence sur l’appréciation de ce dernier préjudice.

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