Réf. : Cass. civ. 3, 25 mai 2023, n° 22-13.410, FS-B N° Lexbase : A59789WC
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N5619BZ7
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 31 Mai 2023
► L’assuré ne doit pas priver de recours l’assureur dommages-ouvrage ; ce principe s’articule mal avec la possibilité de déclarer le dommage après l’expiration du délai décennal.
Par application de la prescription biennale de l’article L. 114-2 du Code des assurances N° Lexbase : L9564LGC, l’assuré, propriétaire ou maître d’ouvrage, peut déclarer le sinistre après l’expiration du délai décennal. C’est le fameux R+10+2. En ce cas, l’assureur dommages-ouvrage ne peut plus exercer son recours à l’encontre du constructeur et de son assureur de responsabilité civile décennale, pour être prescrit. Ce procédé heurte le mécanisme à double détente instauré par l’article L. 242-1 du Code des assurances N° Lexbase : L1892IBP, raison pour laquelle il a été posé le principe selon lequel l’assureur ne doit être privé d’exercer son recours subrogatoire du fait de l’assuré. Mais, encore faut-il prouver le fait de l’assuré, ce qui n’est pas si évident comme l’atteste l’arrêt rapporté.
En l’espèce, des particuliers ont souscrit une assurance dommages-ouvrage pour la construction d’un immeuble d’habitation. Après la réception tacite des travaux, les maîtres d’ouvrage déclarent divers désordres qui aboutissent à une proposition d’indemnisation partielle. Ils assignent, après expertise, l’assureur dommages-ouvrage.
La cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt rendu le 1er décembre 2021, condamne l’assureur dommages-ouvrage lequel forme un pourvoi en cassation. Il y articule que lorsque la subrogation ne peut plus, du fait de l’assuré, s’opérer en faveur de l’assureur dommages-ouvrage, celui-ci peut être déchargé, en tout ou partie, de sa responsabilité à l’égard de l’assuré.
La Haute juridiction rejette le pourvoi. Les maîtres d’ouvrage avaient déclaré le sinistre avant l’expiration du délai décennal. Plus précisément, la réception date du 8 septembre 2003 et la déclaration du 24 juin 2013. En revanche, le rapport préliminaire de l’assureur dommages-ouvrage a été remis le 14 août 2013. Il a été suivi d’un second rapport du 3 février 2014 et d’une proposition d’indemnisation du 5 février 2014. L’impossibilité du recours subrogatoire était due aux seuls délais d’instruction de la déclaration de sinistre. Ce n’est donc pas du fait de l’assuré.
Selon le deuxième alinéa de l’article L. 121-12 du Code des assurances N° Lexbase : L0088AAI, l’assuré est, en quelque sorte, déchu de la garantie s’il fait perdre à l’assureur la subrogation dans ses droits. Encore faut-il que la perte soit bien le fait de l’assuré et que l’assureur n’ait, de son côté, rien à se reprocher.
Au présent cas, les délais d’instructions ne respectaient pas les exigences de l’article L. 242-1 précité mais la Cour ne s’y rapporte pas. Elle se borne à constater que ces délais ne sont pas du fait de l’assuré.
La solution n’est pas nouvelle (pour exemple, Cass. civ. 3, 31 mars 2004, n° 01-16.847, F-D N° Lexbase : A7459DBU).
La difficulté est que faute d’avoir indemnisé son assuré, l’assureur n’est pas subrogé ce qui ne l’autorise pas, sauf à invoquer la subrogation in futurum, à assigner les constructeurs responsables.
L’on peine donc à imaginer les cas où l’assuré serait sanctionné véritablement. Le principe mérite, toutefois, d’être salué tant il est fréquent de voir fleurir les audits de l’ouvrage en fin de délai décennal.
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