Réf. : Cass. crim., 15 mars 2023, n° 22-87.278, F-B N° Lexbase : A71559IT
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par Benoît Auroy, Maître de conférences à l’Université de Rennes, membre de l’IODE
le 26 Mai 2023
Mots-clés : séquestration • élément moral • élément matériel • victime inconnue • intention
Crime aujourd’hui puni de vingt ans de réclusion sous sa forme simple par l’article 224-1 du Code pénal N° Lexbase : L6579IXX, la séquestration semble aller naturellement de pair avec une répression sévère, tant l’une et l’autre apparaissent comme un couple inséparable à travers les époques. Sous le droit romain comme sous l’Ancien droit, la « chartre privée » – pour reprendre la dénomination désuète adoptée par l’Ordonnance criminelle de 1670, laquelle imposait aux prévôts des maréchaux de conduire en prison un accusé dès l’instant de sa capture et leur défendait « d’en faire chartre privée dans leurs maisons ni ailleurs » [1] – était érigée au rang des crimes de lèse-majesté [2]. À ce titre, elle était punie de mort sous le premier [3] et était, sous le second, sanctionnée d’une peine arbitraire lorsqu’elle était le fait d’un particulier [4]. Si le crime était puni aussi sévèrement, c’est qu’il « renfermait une usurpation de pouvoir, parce que c’était offenser le prince que d’exercer un acte que lui seul avait le droit d’accomplir, celui de priver les citoyens de leur liberté » [5]. Depuis les Lumières et la Révolution, la séquestration est d’autant plus grave qu’elle est (aussi) une atteinte à cette liberté désormais érigée en bien suprême des individus. Mais sa filiation avec la souveraineté – associée hier à la personne du prince et aujourd’hui à la lettre de la loi en tant qu’expression de la volonté générale – n’a pas disparu. C’est bien pour cela que l’article 224-1 du Code pénal prend soin, comme le faisait déjà l’article 341 de l’ancien code, de préciser que la séquestration n’est punissable que si elle est faite « sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi » [6]. Présente de longue date dans la législation répressive, la séquestration est ainsi un crime emblématique en droit pénal spécial. Mais elle est aussi une illustration commode en droit pénal général, pour constituer, avec le recel, l’archétype des infractions continues – ces infractions que la loi dote d’une consommation susceptible de se prolonger dans le temps « par la réitération constante de la volonté coupable de l’auteur après l’acte initial » [7] et par une matérialité linéaire [8]. C’est dire à quel point cette infraction peut sembler familière. Et pourtant, son incrimination ne se laisse pas aisément saisir. Annoncée en tant qu’ « enlèvement » et « séquestration » par le plan du Code pénal, elle peut en réalité prendre quatre formes différentes : l’arrestation ou la détention, en plus des deux précitées [9]. Leurs frontières elles-mêmes sont difficiles à tracer – en particulier entre détention et séquestration [10] –, tandis que l’adjonction de l’enlèvement peut sembler maladroite pour « englober à la fois l’arrestation et la détention » [11]. Sous la forme de l’arrestation encore, l’infraction est assurément instantanée, alors qu’elle peut s’inscrire dans la durée sous ses autres formes. Sans doute l’incrimination n’a-t-elle pas fini de dévoiler tous ses mystères, ainsi qu’en témoigne une nouvelle fois un arrêt rendu le 15 mars 2023 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans une affaire largement relayée par les médias.
En l’espèce, cinq personnes cagoulées s’étaient introduites dans un hôtel parisien et avaient contraint, sous la menace d’une arme, le réceptionniste à les mener jusqu’à la suite où séjournait leur future victime [12]. Deux d’entre elles s’y étaient alors introduites pour y dérober des biens de valeur (bijoux et numéraires), tout en ligotant leur propriétaire. Une fois leur méfait accompli, elles prirent également soin de laisser le réceptionniste à son poste de travail, menotté et les chevilles entravées. Mais – et c’est là toute l’originalité juridique de cette affaire –, les malfaiteurs firent malgré eux une troisième victime : pendant les faits, la styliste de la personne visée s’était secrètement réfugiée dans la salle de bain. Après l’ouverture d’une instruction préparatoire, deux accusés (au moins) furent alors renvoyés devant la cour d’assises des chefs, notamment, de complicité de vol en bande organisée et de complicité de séquestration aggravée commise à l’égard des trois victimes : la propriétaire des biens dérobés – victime « principale » visée par les malfaiteurs – et le réceptionniste – victime « collatérale » en quelque sorte – bien sûr, mais aussi la styliste – victime « inconnue » des malfaiteurs. Ceux-ci contestèrent leur mise en accusation pour séquestration à l’égard de cette dernière, mais la chambre de l’instruction – statuant sur renvoi après cassation pour un motif procédural [13] – confirma les qualifications retenues. Ils formèrent donc un nouveau pourvoi en cassation fondé sur la nature intentionnelle de l’infraction reprochée : comment auraient-ils pu vouloir séquestrer la styliste, alors qu’ils ignoraient tout de sa présence sur les lieux ?
L’argument n’a cependant pas convaincu la Chambre criminelle, laquelle rejette leur pourvoi en l’espèce. Elle commence par rappeler que « l’infraction de détention ou de séquestration ne peut être caractérisée que si l’auteur a agi avec l’intention de porter atteinte à la liberté d’aller et venir d’une personne ». Mais elle ajoute aussitôt que, « lorsque cette intention est établie à l’égard d’une victime, elle peut caractériser l’élément moral de l’infraction à l’égard de toutes les personnes qui ont été, de fait, privées de leur liberté en conséquence des agissements matériels volontaires de l’auteur des faits ».
De prime abord, il est vrai que la solution peut sembler déconcertante, pour permettre de reprocher à un accusé d’avoir commis une séquestration intentionnelle à l’égard d’une victime qu’il ne pouvait avoir voulu séquestrer. Mais la contradiction n’est, en réalité, qu’apparente, de sorte que la solution dégagée par la Cour de cassation paraît convaincante au regard de l’élément moral de l’infraction (§ I). Mais qu’en est-il de l’élément matériel de cette dernière ? C’est probablement là que se situe, en réalité, le point d’achoppement de la qualification à l’égard de la victime inconnue des malfaiteurs, de sorte qu’un doute subsiste quant à la pertinence de la solution adoptée (§ II).
I. Victime inconnue et élément moral de l’infraction, une solution convaincante
Au regard de l’élément moral de l’infraction, la Cour de cassation reconnaît clairement que le fait, pour l’une des victimes, d’être demeurée cachée importe peu. Dès lors que les malfaiteurs avaient bien l’intention de séquestrer une personne au moins, cet élément moral serait satisfait à l’égard de toutes les victimes privées de leur liberté. Partant, il serait donc possible, pour les magistrats, de retenir l’existence d’une séquestration commise à l’encontre de chacune d’entre elles. Certes, l’infraction prévue par l’article 224-1 du Code pénal est assurément de nature intentionnelle. Si le texte n’en dit rien, il s’agit là d’une stricte application de l’article 121-3 du même code N° Lexbase : L2053AMY [14] à l’endroit d’une infraction tantôt criminelle, tantôt délictuelle en cas de libération volontaire avant le septième jour. En quoi consiste alors précisément cette intention requise chez l’agent ? En admettant que les quatre faits incriminés renvoient à des réalités matérielles distinctes, l’élément moral de l’infraction doit naturellement varier en conséquence. Lorsqu’une séquestration est reprochée à l’agent, il faut s’assurer que celui-ci a bien voulu retenir une personne contre son gré, et non pas simplement l’appréhender d’une manière très ponctuelle comme en matière d’arrestation. Néanmoins, ces différents faits que sont l’arrestation, l’enlèvement, la détention et la séquestration consistent tous à priver une personne de sa liberté d’aller et venir. Le troisième alinéa de l’article 224-1 le confirme du reste, en opposant à l’infraction la libération volontaire de la victime, c’est-à-dire le fait de lui rendre sa liberté de mouvement [15]. Parallèlement, l’infraction ne peut être consommée que si son auteur a agi « avec l’intention de porter atteinte à la liberté d’aller et venir d’une personne ». En d’autres termes, cette intention rappelée par la Cour de cassation en l’espèce ne suffit peut-être pas à caractériser l’élément moral de l’infraction sous toutes ses formes, mais elle en est le dénominateur commun. C’est pour cela que la doctrine enseigne notamment que ne saurait être punissable pénalement « celui qui, sortant d’une maison qu’il croit inhabitée, ferme la porte et enferme une personne à son insu » [16].
L’affaire présentait cependant une différence de taille avec cette précédente hypothèse. En l’espèce, si ni les auteurs des faits ni leurs complices [17] ne connaissaient la présence de la styliste réfugiée dans la salle de bain, ils avaient bien l’intention de séquestrer deux autres personnes, à savoir la propriétaire des biens dérobés et le réceptionniste de l’hôtel. Or, la figure n’est pas sans en rappeler une autre bien connue, celle du meurtre et de l’aberratio ictus. Soit un agent qui, voulant ôter la vie à une personne déterminée, en tue une autre parce qu’il s’est trompé sur son identité ou parce qu’il a manqué sa cible. Le meurtre est-il dans ce cas consommé ? Ou faut-il, au contraire, retenir l’existence d’une tentative de meurtre sur la personne visée d’une part, et d’un homicide involontaire sur la victime non voulue d’autre part ? La jurisprudence opte pour la première solution et tient pour radicalement indifférente une telle erreur de fait : dès lors qu’il avait l’intention de tuer, l’agent est coupable de meurtre même si la victime finalement décédée n’est pas celle qu’il visait. Constante [18] et particulièrement ancienne [19], la solution paraît trouver un appui dans la lettre du Code pénal comme dans son esprit [20]. Dans sa lettre, car il semble définir de manière abstraite la victime, sous le terme d’ « autrui » [21]. Dans son esprit également, tant il faut bien reconnaître que la criminalité de l’agent « est la même que s’il eût réussi dans son projet, car il ne peut même offrir comme une excuse l’erreur qui l’a trompé, puisqu’il a fait une victime » [22]. Or, si l’agent commet bien un meurtre lorsqu’il tue une personne qui n’est pas celle qu’il visait, il devient inévitable de retenir sa culpabilité pour cette même infraction, mais commise à l’égard de deux personnes cette fois, lorsqu’il parvient en plus à atteindre sa cible : le fait que l’agent ait atteint son but ne justifierait en rien que le décès de l’autre victime – constitutif du meurtre dans le premier cas – soit finalement ignoré dans le second [23].
Dans une certaine mesure, le raisonnement est transposable à la séquestration. Ici aussi, le visage de la victime qui se dessine à la lecture de l’incrimination paraît abstrait – elle y est évoquée comme « une personne » – et la méprise de l’agent ne diminue en rien sa criminalité dès lors qu’il avait bien l’intention de priver autrui de sa liberté. La cohérence avec la jurisprudence relative au meurtre impose donc de reconnaître la culpabilité de celui qui se trompe sur l’identité de sa victime et en retient finalement une autre. En conséquence, il faut tout autant admettre que, « lorsque cette intention est établie à l’égard d’une victime, elle peut caractériser l’élément moral de l’infraction à l’égard de toutes les personnes qui ont été, de fait, privées de leur liberté ». Au regard de l’élément moral de l’infraction donc, le fait que la styliste se soit réfugiée dans la salle de bain n’empêchait, effectivement, en rien de retenir l’existence d’une infraction commise également à son encontre. Est-ce à dire, pour autant, que la qualification retenue par la mise en accusation soit pleinement satisfaisante ? Probablement pas, tant paraît douteuse la caractérisation de l’élément matériel de l’infraction.
II. Victime inconnue et élément matériel de l’infraction, un doute persistant
À la réflexion, ce n’est peut-être pas tant l’élément moral de l’infraction que la matérialité de celle-ci qui aurait pu constituer un obstacle à la caractérisation de la séquestration envers la styliste. Il ne suffit pas, en effet, de relever que les malfaiteurs avaient bien l’intention de priver une personne de sa liberté. Il faut encore s’assurer que l’élément matériel de l’infraction est caractérisé à l’encontre de chaque victime. Autrement dit, des faits constitutifs d’une séquestration doivent avoir été commis également sur la victime dont les agents et leurs complices ignoraient l’existence [24]. Or était-ce bien le cas en l’espèce ? Certes, le pourvoi s’était focalisé sur la question de l’intention, de sorte que la Cour de cassation ne répond pas directement – et n’était pas tenue de le faire – à cette seconde interrogation. À la lecture de l’arrêt cependant, il est permis de penser que la Haute juridiction n’y a vu aucune difficulté. Plus encore, la formule employée par les magistrats révèle une certaine confusion à l’égard de la matérialité de l’infraction reprochée. Afin de désigner le cas de la styliste, ils visent « toutes les personnes qui ont été, de fait, privées de leur liberté en conséquence des agissements matériels volontaires de l’auteur des faits ». Mais la description ne correspond pas strictement à l’élément matériel de l’infraction et procède sans doute d’un rapprochement excessif – cette fois – avec le meurtre. On sait bien que ce dernier crime repose sur l’incrimination de deux faits constitutifs distincts : un acte positif d’une part, un résultat tenant au décès d’autrui d’autre part. Lorsque l’agent tire sur sa cible et tue une autre personne, la réunion de ces deux composantes envers la seconde victime ne fait aucune difficulté : son décès – résultat pénal caractérisé en sa personne même – a bien été causé par le coup de feu – acte positif exigé.
La structure de la séquestration est cependant différente. L’article 224-1 du Code pénal incrimine « le fait […] d’arrêter, d’enlever, de détenir ou de séquestrer une personne ». De cette définition lapidaire, il ressort, tout d’abord, que l’infraction est de commission. Ce sont bien quatre verbes d’action qui sont incriminés, de sorte qu’une simple omission ne peut suffire [25]. Il apparaît, ensuite, que ce crime se compose d’un unique fait constitutif (lequel peut prendre des formes différentes et peut, le cas échéant, durer dans le temps). En particulier, aucun résultat n’est ici formellement exigé par la loi, de sorte que la consommation de l’infraction repose tout entière sur cet acte positif commis par l’agent. Contrairement à ce que semble affirmer la Cour de cassation, il ne suffit donc pas que la privation de liberté apparaisse comme la « conséquence » des agissements de l’auteur. Parce que la séquestration est – dans sa nature même – une atteinte à la liberté, cette dernière doit être inhérente aux agissements de l’auteur [26]. En d’autres termes, l’article 224-1 du Code pénal ne réprime pas tout acte qui cause une privation de liberté, mais seulement certains faits qui constituent autant de formes de privation de liberté. Celle dont a été victime la styliste en se cachant a-t-elle alors été plus qu’une simple « conséquence » des agissements des malfaiteurs ? On peut en douter, dès lors qu’aucun des faits positifs commis par eux n’a directement été exercé à son encontre [27].
Quels étaient, alors, les enjeux entourant cette qualification incertaine ? Manifestement, ceux-ci étaient limités puisque la caractérisation de la séquestration à l’encontre des autres victimes ne faisait guère de doute. En outre, il est vrai qu’il existe une circonstance aggravante tenant au nombre de victimes. L’article 224-3 du Code pénal N° Lexbase : L6577IXU prévoit ainsi, dans son premier alinéa, que « l’infraction prévue par l’article 224-1 est punie de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’elle est commise à l’égard de plusieurs personnes ». Au risque d’en retenir une application systématique et de lui faire perdre toute cohérence, ce texte ne saurait être étendu à toutes les personnes à qui l’infraction a pu causer un préjudice. Certainement la répression ne doit-elle être aggravée sur le fondement de cette disposition que lorsqu’une pluralité de personnes a effectivement été séquestrée. En l’espèce cependant, l’application de la circonstance aggravante était assurée du fait de la commission de l’infraction à l’égard de la victime « principale » et du réceptionniste. Il reste l’éventuelle question de la recevabilité de l’action civile de la victime « inconnue » des malfaiteurs. Sans doute la constitution de partie civile de la personne qui se cache des malfaiteurs durant les faits est-elle subordonnée à la possibilité de caractériser l’infraction également à son égard [28]. Mais le fond devrait-il dépendre ainsi de la procédure ? En outre, la styliste ne semblait même pas être partie au procès pénal en l’espèce.
Finalement, si la réponse apportée par la Cour de cassation quant à l’élément moral de l’infraction paraît convaincante, on peut regretter que les magistrats ne répondent pas directement à toutes les interrogations soulevées par cette affaire singulière. Sans doute la solution adoptée illustre-t-elle, une fois encore, la conception extensive que doctrine et jurisprudence retiennent parfois de la notion de résultat pénal, au risque de reléguer au second plan le fait coupable de l’agent – acte ou omission – et de remodeler ainsi la consommation de l’infraction [29].
[1] Ord. crim., titre II, art. 10.
[2] Pour le droit romain, v. not. C. th., IX, 11 (de private carceris custodia), 1 : si quis posthac reum private carcere destinarit, reus Majestatis habeatur (in J. Gothofredi, Codex theodosianus, Weidmann, 1738, p. 84). Pour l’Ancien droit, v. not. P.-F. Muyart De Vouglans, Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel, Merigot, Crapart, Morin, 1780, p. 155.
[3] V. not. C. just., IV, 5, 1 : « il est évident, d’après les constitutions impériales et même le droit ancien, que les particuliers convaincus du crime [relatif aux prisons privées] doivent être condamnés au dernier supplice, comme criminels de lèse-majesté » (P.-A. Tissot (trad.), Les douze livres du Code de l’empereur Justinien, C. Lamort, 1810, tome 4, p. 20).
[4] D. Jousse, Traité de la justice criminelle de France, Debure père, 1771, tome 3, p. 284, n° 3. Relevant de la catégorie des crimes « atroces », elle obéissait aussi à un régime répressif sévère. Commise par un prévôt, la « chartre privée » était punie d’une amende mille livres et d’une privation de charge par l’Ordonnance criminelle de 1670 (titre II, art. 10 et titre X, art. 16).
[5] A. Chauveau et F. Hélie, Théorie du Code pénal, 3e éd., de Cosse, 1852, tome 4, p. 332. V. également P.-F. Muyart de Vouglans, loc. cit. : « nous mettons la chartre privée au nombre des crimes de lèse-majesté ; parce que c’est au Souverain seul qu’il appartient de faire justice à ses sujets, et de punir, par la perte de leur liberté, ceux qui en ont abusé, en se rendant réfractaire à ses Lois ».
[6] D’un point de vue purement théorique, la précision ne s’imposait pas dès lors que le commandement de l’autorité légitime et l’autorisation de la loi constituent des faits justificatifs en application de l’article 122-4 du Code pénal N° Lexbase : L7158ALP (v. cependant E. Dreyer, Droit pénal spécial, LGDJ, 2020, n° 420, p. 251, qui relève que « ce rappel joue essentiellement un rôle sur le terrain de la preuve puisqu’il en renverse la charge : c’est au ministère public d’établir ici que le comportement était injuste et non à la personne poursuivie d’établir qu’il était justifié »).
[7] B. Bouloc, Droit pénal général, 27e éd., Dalloz, 2021, n° 239, p. 237.
[8] Y. Mayaud, Droit pénal général, 7e éd., PUF, 2021, n° 204, p. 252.
[9] Sur la critique de la présentation du Code pénal, v. not. M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, 8e éd., Dalloz, 2018, n° 427, p. 500.
[10] Sur cette question, v. not. É. Garçon, Code pénal annoté, nouvelle édition par M. Rousselet, M. Patin et M. Ancel, Sirey, 1956, tome 2, p. 316, n° 6 : « peut-être définirait-on plus exactement ces expressions en disant que détenir une personne, c’est la garder à vue ; que la séquestrer, c’est l’enfermer dans un lieu quelconque, prison ou maison privée ».
[11] V. Malabat, Droit pénal spécial, 10e éd., Dalloz, 2022, n° 450, p. 286.
[12] La notoriété de la victime leur avait en effet permis de connaître sa résidence au sein de l’hôtel.
[13] Cass. crim., 24 août 2022, n° 22-83.533, F-D N° Lexbase : A55188GH, la Haute juridiction ayant censuré un premier arrêt de mise en accusation au motif que ses mentions ne permettaient pas de s’assurer que les mis en examen et leurs avocats avaient eu la parole en dernier lors de l’audience.
[14] Lequel énonce qu’ « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre », avant de prévoir la possibilité d’exceptions en matière délictuelle « lorsque la loi le prévoit », ce qui n’est pas le cas ici.
[15] S’il en était besoin, le plan du Code pénal le confirme encore, puisque l’article 224-1 se situe dans un chapitre IV dédié aux « atteintes aux libertés de la personne ».
[16] É. Garçon, op. cit., p. 320, n° 39. V. aussi, reprenant le même exemple, E. Dreyer, op. cit., n° 417, p. 250.
[17] Pour cette raison, il n’aurait pas été envisageable de contourner la difficulté par la solution jurisprudentielle qui admet de retenir la culpabilité du complice malgré l’absence d’élément moral chez l’auteur du fait principal punissable (Cass. crim., 8 janvier 2003, n° 01-88.065, F-P+F N° Lexbase : A5987A4I). En pareil cas en effet, il semble nécessaire que le complice ait, lui, eu l’intention de voir le fait principal être commis.
[18] V. not. Cass. crim., 31 janvier 1835 : S. 1835, I, 564 [en ligne] : « peu importe qu’au lieu de donner la mort à celui qu’il voulait pour victime, [l’accusé] ait atteint la femme au lieu du mari ; il n’en reste pas moins constant qu’il a donné la mort avec intention de tuer » ; Cass. crim., 18 février 1922 : S. 1922, I, 329 : « attendu que l’homicide commis avec l’intention de donner la mort est qualifié meurtre par l’art. 295 C. pén. ; que l’intention homicide est caractérisée, dès lors que le coupable a la volonté de donner la mort, et alors même qu’il a tué une personne autre que celle qu’il se proposait d’atteindre » ; Cass. crim., 4 janvier 1978, n° 77-90.947 N° Lexbase : A9646CEY.
[19] Elle semblait déjà admise sous l’Ancien droit (v. D. Jousse, op. cit., p. 508, n° 65).
[20] Mais elle n’est sans doute pas exempte de toute critique sur un plan strictement juridique : pour une approche très critique, v. M.-L. Rassat, op. cit., n° 317, p. 380-381.
[21] C. pén., art. 221-1 N° Lexbase : L2260AMN.
[22] A. Chauveau et F. Hélie, op. cit., p. 420.
[23] Précisons néanmoins que si l’agent ne voulait tuer qu’une personne tout en commettant un seul acte à cette fin, un unique meurtre peut lui être reproché – le cas échéant consommé dans la personne de plusieurs victimes – puisqu’il n’a voulu en commettre qu’un seul, qu’une seule fois.
[24] Par exemple, l’agent ferme à clé une pièce dans laquelle se trouvent la personne qu’il veut séquestrer, mais aussi une autre victime en train de se cacher.
[25] En ce sens, v. not. Cass. crim., 13 novembre 2014, n° 13-84.826, F-D N° Lexbase : A3074M3A.
[26] En d’autres termes, l’article 224-1 du Code pénal ne réprime pas tout acte qui cause une privation de liberté, mais seulement certains faits qui constituent autant de formes d’atteinte à la liberté.
[27] Dans le même sens, v. M. Recotillet, Précisions sur l’élément moral de la séquestration, Dalloz actualité, 5 avril 2023 [en ligne], note ss. Cass. crim.,15 mars 2023 préc. Certes, leur présence elle-même était tout à fait menaçante. Mais suffit-elle pour caractériser un acte privatif de liberté, alors qu’elle n’était nullement destinée à cela ?
[28] En prévoyant qu’elle appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction, l’article 2 du Code de procédure pénale semble limiter le cercle des titulaires de l’action civile aux seules personnes qui ont été le siège des faits constitutifs de l’infraction. Et si la jurisprudence n’en retient pas une conception aussi stricte et admet largement la recevabilité des constitutions de partie civile des victimes « par ricochet » – qui subissent un préjudice en raison de celui causé à une autre personne –, c’est lorsque celles-ci sont des proches de la victime première, des membres de sa famille (v. par ex. Cass. crim., 26 février 2020, n° 19-82.119, FS-P+B+I N° Lexbase : A40003GA). Tel n’est pas nécessairement le cas de la personne qui se cache des malfaiteurs durant les faits. Sa constitution de partie civile se trouve alors subordonnée à la possibilité de caractériser l’infraction également à son égard. Mais le fond devrait-il dépendre ainsi de la procédure ?
[29] Car plus qu’un résultat ou une simple « conséquence », l’infraction n’est-elle pas d’abord un fait de l’homme ?
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