Le Quotidien du 12 mai 2023 : Concurrence

[Brèves] Pratiques anticoncurrentielles dans le cadre de la rénovation de lycées Île-de-France : précisions sur la prescription

Réf. : CE Contentieux, 9 mai 2023, deux arrêts, n° 451710, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A39359TW et n° 451817, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A39379TY

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par Vincent Téchené

le 11 Mai 2023

► Le délai de prescription applicable aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles dont a été victime une personne publique de la part des titulaires des marchés publics ne peut commencer à courir avant la date à laquelle cette dernière a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques ;

Dans l'hypothèse où le préjudice de la personne publique résulte de pratiques auxquelles ses organes dirigeants ont participé, de sorte qu'en raison de leur implication elle n'a pu faire valoir ses droits à réparation, la prescription ne peut courir qu'à la date à laquelle, après le remplacement de ses organes dirigeants, les nouveaux organes dirigeants, étrangers à la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles, acquièrent une connaissance suffisamment certaine de l'étendue de ces pratiques.

Faits et procédure. En 1988, la région Île-de-France a lancé un programme de rénovation et de reconstruction du patrimoine immobilier des lycées dont elle a la charge. 241 marchés publics, dont 101 marchés avec des entreprises de travaux publics, ont été conclus entre 1988 et 1997 pour un coût global de 23,3 milliards de francs soit plus de 3,5 milliards d’euros. En 2007, le Conseil de la concurrence a infligé des sanctions financières à plusieurs de ces entreprises de travaux publics pour entente anticoncurrentielle (Cons. conc., décision n° 07-D-15, 9 mai 2007 N° Lexbase : X8579AD4, Le Quotidien Lexbase, 14 mai 2007 N° Lexbase : N0647BBL), après que la justice judiciaire a reconnu la culpabilité personnelle d’élus et de personnalités politiques de la région Île-de-France dans le cadre de l’attribution de ces marchés.

À partir de 2010, la nouvelle direction de la région Île-de-France a saisi la justice civile puis administrative afin d’obtenir la réparation du préjudice matériel qu’elle a subi du fait de ces pratiques anticoncurrentielles. La cour administrative d’appel de Paris s’est prononcée en 2021 par deux arrêts sur la demande de la région de condamner les entreprises ayant participé à la rénovation des lycées Saint-Louis à Paris et Vilgénis à Massy à lui verser respectivement 6 millions et 5 millions d’euros de dommages et intérêts. Après que la cour a estimé que cette demande n’était pas prescrite et ordonné une expertise afin d’évaluer le préjudice subi par la région (CAA Paris, 6e ch., 19 février 2021, deux arrêts, n° 19PA03200 N° Lexbase : A3360749 et n° 19PA03201), les entreprises mises en cause ont saisi le Conseil d’État de pourvois en cassation contre les arrêts de la cour.

Décision. Le Conseil d’État confirme l’analyse des juges du fond. Il rappelle que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561, du 17 juin 2008 N° Lexbase : L9102H3I, les actions fondées sur la responsabilité quasi-délictuelle des auteurs de pratiques anticoncurrentielles se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage. Après l'entrée en vigueur de cette loi, la prescription de ces conclusions est régie par les dispositions de l'article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC fixant un délai de prescription de cinq ans. S'appliquent, depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-303, du 9 mars 2017, relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles N° Lexbase : L2117LDR , les dispositions de l'article L. 482-1 du Code de commerce N° Lexbase : L2267LDC.

Il retient alors que pour l'application de l'ensemble de ces dispositions, le délai de prescription qu'elles prévoient ne peut commencer à courir avant la date à laquelle la personne publique a eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime de la part des titulaires des marchés. Dans l'hypothèse où le préjudice de la personne publique résulte de pratiques auxquelles ses organes dirigeants ont participé, de sorte qu'en raison de leur implication elle n'a pu faire valoir ses droits à réparation, la prescription ne peut courir qu'à la date à laquelle, après le remplacement de ses organes dirigeants, les nouveaux organes dirigeants, étrangers à la mise en œuvre des pratiques anticoncurrentielles, acquièrent une connaissance suffisamment certaine de l'étendue de ces pratiques.

Or, aucune des circonstances antérieures à la décision du 9 mai 2007 du Conseil de la concurrence ne permettait d'établir que la région aurait eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime. Dès lors, la prescription décennale de l'action en responsabilité contre les titulaires des marchés en cause n'a commencé à courir qu'à compter de cette date. L'action de la région n'était donc pas prescrite lorsqu'elle a saisi la juridiction judiciaire en février 2010.

Cette solution confirme qu’en pratique la décision de l’Autorité de la concurrence ou de la Commission européenne statuant sur l’entente anticoncurrentielle est le point de référence. Ainsi, le Conseil d’État a-t-il déjà retenu que la personne publique (en l’espèce la SNCF) ayant eu connaissance de manière suffisamment certaine de l'étendue des pratiques anticoncurrentielles dont elle avait été victime à la date de la publication de la décision de la Commission européenne sanctionnant l'entente, c’est à cette date que commence a courir le délai de prescription de l’action en réparation du préjudice subi du fait de ces pratiques (CE, 12 octobre 2020, n° 432981, 433423, 433477, 433563 et 433564 N° Lexbase : A40583XL).

Concernant les responsabilités, le Conseil d’État confirme également l’arrêt d’appel. Ainsi, les requérantes ayant participé à la constitution et au fonctionnement de l'entente anticoncurrentielle, les fautes qu'elles avaient commises présentaient un lien direct avec l'éventuel surcoût supporté par la région. Par ailleurs, la cour d’appel a justement retenu que les fautes commises par les personnels de la région n'étaient pas détachables du service et qu’elles étaient alors de nature à exonérer les requérantes d'un tiers de leur responsabilité à l'égard de la région.

Pour aller plus loin : v. S. Pignon et S. Braconnier, Entente et contrats publics, Lexbase Public, novembre 2021, n° 644 N° Lexbase : N9259BYL.

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