La lettre juridique n°945 du 11 mai 2023 : Soins psychiatriques sans consentement

[Jurisprudence] Isolement et contention : une bien décevante décision du Conseil constitutionnel

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1040/1041 QPC, du 31 mars 2023 N° Lexbase : A58719LZ

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N5339BZR

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par Gloria Delgado-Hernández et Letizia Monnet-Placidi, Avocates au Barreau de Paris et membres de l'association « Avocats, Droits et Psychiatrie »

le 11 Mai 2023


Mots-clés : soins psychiatriques sans consentement • isolement • contention • constitutionnalité • avocat • juge des libertés et de la détention

Entraînant la déception, notamment des avocats qui assurent la défense des personnes hospitalisées sans consentement, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 31 mars 2023, a déclaré l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique qui lui était soumis conforme à la Constitution. Les avocats, membre de l’association « Avocats, Droits et psychiatrie reviennent sur les motifs de cette décision.


Par ses décisions des 19 juin 2020 [1] et 4 juin 2021 [2], le Conseil constitutionnel a fixé comme principe que les mesures d’isolement et de contention constituent non seulement des mesures de soin mais aussi des mesures privatives de liberté et qu’à ce titre elles doivent faire l’objet d’un contrôle de leur régularité par le juge judiciaire.

Cela offrait de grands espoirs aux avocats défendant les personnes hospitalisées sans consentement, pour lesquels : « seule une audience, par le débat contradictoire qu’elle permet garantit l’effectivité du contrôle des mesures privatives de liberté. ». [3]

Malheureusement, le processus se déroule sans qu’une information sur ses droits soit délivrée à l’intéressé au moment de son placement en isolement, voire en contention, ni que, sauf demande expresse, les mesures de contrôle mises en place se déroulent avec l’assistance ou la représentation par un avocat.

Face à cette situation de non-respect des droits d’une personne particulièrement fragilisée par la maladie et le traitement qui lui est administré, deux nouvelles QPC ont été déposées.

Pour la première, par arrêt rendu le 26 janvier 2023 [4], la première chambre civile de la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité qui lui avait été transmise par le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Rennes par ordonnance rendue le 21 octobre 2022.

Cette question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Les dispositions de l'article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L7881MA7, en ce qu'elles ne prévoient pas d'obligation pour le directeur de l'établissement spécialisé en psychiatrie ou pour le médecin d'informer le patient soumis à une mesure d'isolement ou de contention - et ce, dès le début de la mesure - de la voie de recours qui lui est ouverte contre cette décision médicale sur le fondement de l'article L. 3211-12 du même code N° Lexbase : L7880MA4 et de son droit d'être assisté ou représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office, est-il conforme à la Constitution et notamment au principe constitutionnel des droits de la défense, du droit à une procédure juste et équitable, au principe de dignité de la personne, à la liberté fondamentale d'aller et venir et du droit à un recours effectif, ainsi qu'à l'objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice résultant des articles 12 N° Lexbase : L1359A99, 15 N° Lexbase : L1362A9C et 16 N° Lexbase : L1363A9D de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ? »

Et pour la seconde, par arrêt rendu le même jour [5], la première chambre civile de la Cour de cassation a également renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité qui lui avait été transmise par le juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Bobigny par ordonnance rendue le 28 juin 2022.

Cette question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« Le II de l'article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique est-il contraire à la Constitution en ce qu'il porte atteinte aux principes du respect des droits de la défense qui découle de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et au respect de la liberté individuelle que l'article 66 de la Constitution N° Lexbase : L0895AHM place sous la protection de l'autorité judiciaire, en ne prévoyant pas l'intervention systématique d'un avocat au côté du patient lors du contrôle des mesures d'isolement et de contention ? »

Hormis l’Association « Avocats, Droits et Psychiatrie », sont intervenus volontairement devant le Conseil constitutionnel, le Conseil national des barreaux, l’Ordre des avocats de Paris, l’Ordre des avocats de Nanterre, l’Ordre des avocats de la Seine-Saint-Denis, le Cercle de réflexion et de proposition daction sur la psychiatrie, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale de la psychiatrie.

C’est dans ces conditions que la décision n° 2023-1040/1041 QPC du 31 mars 2023 QPC a été rendue.

Entrainant la déception, notamment des avocats qui assurent la défense des personnes hospitalisées sans consentement, le Conseil constitutionnel a déclaré l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique qui lui était soumis conforme à la Constitution aux motifs suivants : 

« 10. En premier lieu, conformément à l’article L. 3211-12 du Code de la santé publique, le patient faisant l’objet d’une telle mesure ainsi que les personnes susceptibles d’agir dans son intérêt, mentionnées par cet article, peuvent saisir à tout moment le juge des libertés et de la détention d’une demande de mainlevée.

11. En deuxième lieu, d’une part, lorsque le médecin renouvelle ces mesures au-delà d’une durée totale de quarante-huit heures, pour l’isolement, ou de vingt-quatre heures, pour la contention, le directeur de l’établissement de soins en informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut à tout moment se saisir d’office pour y mettre fin. D’autre part, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de soixante-douze heures d’isolement ou de quarante-huit heures de contention, ce magistrat doit obligatoirement être saisi, avant l’expiration de ces délais, par le directeur de l’établissement.

12. En dernier lieu, le patient peut exercer une action en responsabilité devant les juridictions compétentes pour obtenir réparation du préjudice résultant d’un placement irrégulier en isolement ou sous contention ou des conditions dans lesquelles s’est déroulée cette mesure. »

[…]

« 15. D’une part, si les mesures d’isolement et de contention qui peuvent être décidées dans le cadre d’une hospitalisation complète sans consentement constituent une privation de liberté, de telles mesures ont uniquement pour objet de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui. Ainsi, elles ne relèvent pas d’une procédure de recherche d’auteurs d’infractions et ne constituent pas une sanction ayant le caractère d’une punition. Dès lors, l’absence de notification au patient placé en isolement ou sous contention de son droit à l’assistance d’un avocat ne peut être contestée sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration de 1789.

16. D’autre part, les conditions dans lesquelles un patient est assisté ou représenté par un avocat devant le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention sont prévues par l’article L. 3211-12-2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L7882MA8, dont le Conseil constitutionnel n’est pas saisi. Dès lors, il n’y a pas lieu d’examiner l’argument tiré de ce que méconnaîtrait les droits de la défense le fait que le patient ne bénéficie pas obligatoirement d’une assistance ou d’une représentation par un avocat. »

Cette position du Conseil, d’ores et déjà commentée [6], mérite la critique, eu égard aux textes du bloc de constitutionnalité, notamment l’article 34 de la Constitution et l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, qui ne sont pas respectés par les dispositions soumises au Conseil.

I. L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique ne respecte ni l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, ni l’article 34 de la Constitution

L’article 6 de la déclaration des droits de l’Homme de 1789 N° Lexbase : L1370A9M proclame :

« La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. »

L’article 34 de la Constitution N° Lexbase : L1294A9S prévoit que :

« La loi fixe les règles concernant : les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques […] »

Il résulte de ces deux textes que seule la loi peut assurer les droits fondamentaux des citoyens.

Les dispositions de l’article L. 3211-3 du Code de la santé publique N° Lexbase : L2993IYI respectent ces textes en permettant aux 80 000 personnes hospitalisées sans consentement tous les ans en France de bénéficier non seulement de la notification de la décision d'admission et de chacune des décisions subséquentes, des raisons qui les motivent, de leur situation juridique, de leurs droits, des voies de recours qui leur sont ouvertes et des garanties qui leur sont offertes en application de l'article L. 3211-12-1 N° Lexbase : L1619LZY comme de la possibilité de contacter un avocat.

Ce dernier point constituant le minimum de protection juridique que l’État doit offrir à une personne privée de liberté qui n’est pas seulement une personne malade mais aussi un justiciable et, donc, un citoyen.

C’est-à-dire une personne qui, selon la Constitution, a droit à la protection de ses libertés fondamentales…

De plus, aux termes de l’article L. 3211-12-2 du Code de la santé publique, quelle que soit la situation et l’état de santé de la personne hospitalisée sans consentement, elle sera assistée ou représentée par un avocat au moment du contrôle par le JLD de la mesure d’hospitalisation sans consentement, même dans l’hypothèse où le médecin déclare la personne hospitalisée non-auditionnable.

Ces principes, de valeur constitutionnelle, sont d’une telle importance pour le respect des droits de personnes diminuées par une pathologie mentale et privées de liberté, que seule la loi peut les garantir [7].

Il n’est donc pas possible d’y déroger.

Pourtant, c’est ce que le Conseil Constitutionnel a accepté en matière d’isolement et de contention !

En effet, en déclarant constitutionnel l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique qui renvoie à un décret pour la mise en œuvre des modalités des droits de la défense, le Conseil ne respecte ni l’article 6 de la DDHC, ni l’article 34 de la Constitution.

A. Les 30 000 personnes placées à l’isolement et les 10 000 personnes en contention chaque année sont moins protégées que les personnes « seulement » hospitalisées sans leur consentement 

Comme cela a été évoqué, les conditions du contrôle par le juge des libertés n’offrent pas les mêmes garanties pour les personnes hospitalisées sans consentement et celles placées en isolement et contention.

Ce non-respect des articles 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et 34 de la Constitution aboutit à une rupture de l’égalité entre les citoyens : comment justifier que les personnes « seulement » en hospitalisation complète bénéficient des dispositions de l’article L. 3211-3 du Code de la santé publique leur garantissant l’information sur leur situation et les voies de recours ouvertes et celles de l’article L. 3211-12-2, alinéa 2 du Code de la santé publique leur assurant l’assistance ou la représentation par un avocat « de gré ou de force » devant le juge et que les mêmes lorsqu’elles sont placées à l’isolement et en contention soient privées de ces garanties ?

Il faut ici relever deux paradoxes :

  • Comment expliquer à la personne hospitalisée sans consentement placée en isolement ou contention au moment du contrôle par le JLD, à douze jours ou à six mois, qu’un avocat assurera automatiquement sa défense même si elle est déclarée non-auditionnable par le médecin alors que, pour le contrôle des mesures d’isolement ou de contention, elle ne sera assistée par un avocat que si elle le demande expressément (ou si quelqu’un le demande pour elle ?) ?

            Contrairement à ce que l’on attend de la loi, à savoir un degré de protection qui augmente avec le degré de fragilité du justiciable, elle laisse la personne la plus fragile dans l’ignorance de son statut juridique et trouver seule les moyens de sa défense.

  • Comment expliquer que, dans une matière soumise à la procédure civile, et dans laquelle le JLD n’est pas contraint de relever d’office les irrégularités de procédure, un avocat n’intervienne pas systématiquement alors qu’il est le seul qui saura présenter au JLD les arguments juridiques, particulièrement techniques, susceptibles de le conduire à lever la mesure d’isolement ou de contention ?

            À tout le moins, le JLD sera obligé de répondre aux arguments de l’avocat…

Le fait que la personne en isolement ou contention ou l’un de ses proches puisse saisir le JLD à tout moment et le fait que le JLD intervienne obligatoirement dès lors que la mesure entre en période de renouvellement exceptionnel ne constituent pas des réponses satisfaisantes à ces questions.

Malheureusement, au défaut d’égalité entre les personnes en hospitalisation sans consentement et celles en isolement/contention s’ajoute un défaut d’égalité entre les personnes en isolement/contention.

B. Toutes les personnes placées en isolement/contention ne bénéficient pas de la même protection

La loi ne prévoyant pas les conditions dans lesquelles les personnes en isolement ou contention sont informées de leur statut juridique et sont défendues devant le JLD, les hôpitaux et les juridictions ont développé des stratégies différentes sans le minimum d’uniformité que garantit la loi.

Cela conduit à des situations paradoxales : dans certains cas, grâce au travail en commun des hôpitaux et des greffes, les personnes en isolement ou contention seront informées de leur statut et un avocat sera commis pour assurer leur défense devant le JLD.

Mais, d’autres hôpitaux et d’autres greffes préfèrent maintenir les personnes en isolement ou contention dans l’ignorance de leur situation et ne demandent pas qu’un avocat soit commis, laissant le JLD statuer seul sur le maintien des mesures d’isolement ou de contention.

Cela aboutit à de graves inégalités de traitement entre les personnes placées à l’isolement ou contention.

L’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et l’article 34 de la Constitution ne sont pas les seuls textes du bloc de constitutionnalité à ne pas être respectés par l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique.

II. L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique ne respecte pas l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789

Cet article garantit les droits de la défense en ces termes :

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de constitution. »

Comme il a été indiqué, le positionnement du Conseil constitutionnel dans la décision commentée, notamment sa motivation en réponse à la première QPC, a causé un vif émoi chez les praticiens ainsi que des critiques défavorables auprès d'une partie de la doctrine spécialisée [8]. Nous y souscrivons entièrement (A).

La déception est telle que finalement l’absence de réponse par le Conseil à la deuxième QPC pourrait paraître en soi porteuse d’espoir, dès lors qu’il ne ferme définitivement pas le débat constitutionnel sur la nécessité impérieuse de prévoir légalement l’intervention obligatoire de l’avocat et la notification de l’assistance d’un avocat en matière d’isolement et de contention.

Mais une analyse attentive de la décision laisse dubitatif (B).

A. Déception née de la réponse apportée par le Conseil constitutionnel

Le Conseil rappelle tout d’abord certains fondamentaux tel que l’article 16 de la Déclaration de 1789 garantit les droits de la défense.

En effet, le Conseil constitutionnel a attribué aux droits de la défense la qualification de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République avant de les rattacher à la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme [9].

Le Conseil rappelle également que les mesures d’isolement et de contention décidées dans le cadre d’une hospitalisation complète sans consentement constituent bien une privation de liberté.

Mais, étonnamment, pour écarter le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense, il estime que la notification du droit à l’assistance d’un avocat n’est constitutionnellement exigée sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration de 1789 que dans le cadre des procédures de recherche d’auteurs d’infraction ou relevant d’une sanction à caractère de punition, autrement dit dans les procédures pénales.

Ce faisant, le Conseil constitutionnel a drastiquement réduit les droits de la défense des personnes en situation extrême de privation de liberté, tels que l’isolement et la contention.

Car si le défaut d'intervention de l'autorité judiciaire suffit à affirmer le caractère arbitraire d'une mesure privative de liberté [10], le principe de l'intervention de l'autorité judiciaire ne suffit pas pour autant à lui ôter un tel caractère. L'intervention de l'autorité judiciaire est en effet étroitement encadrée par une série d'exigences qui en renforce la portée comme l’efficacité.

Sans les droits de la défense, la défense des droits, de tous les droits, ne peut simplement exister, faute d'effectivité.

Or, comment une personne se trouvant à l’isolement et/ou sous contention va être capable matériellement de déposer une requête de mainlevée de ces mesures dans une telle situation d’impuissance et de vulnérabilité, sans même rencontrer le juge ? Comment va -t-elle faire pour communiquer avec ses proches afin qu’ils agissent en son nom ?

Rappelons aussi que la complexité des dispositions en matière d’isolement et de contention n’est pas des moindres au point de nécessiter la publication de la circulaire du 25 mars 2022, après l’entrée en vigueur des dispositions de l’article L. 3222-5 du Code de la santé publique le 24 janvier 2022.

B. Sur le grief tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif

À la question de savoir si l’absence d’information immédiate à la personne placée à l’isolement ou en contention relative à la possibilité de contester les mesures dont elle fait l'objet constitue une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, le Conseil répond également par la négative.

Le Conseil considère que l’absence d’information sur les droits et voies de recours n’est pas inconstitutionnelle.

Il juge, en effet, que cette absence d’information à la personne est en quelque sorte palliée en raison de « l’ensemble des voies de droit ouvertes » et du « contrôle exercé par le juge judiciaire ».

Il n’en est rien.

La possibilité de saisir le JLD à tout moment d’une requête en mainlevée sans une information suffisante ne garantit pas l’effectivité dudit recours, a fortiori sans la présence d’un avocat.

Il n’est en effet pas difficile d’imaginer comment la tentation pour les juges est grande, en l’absence du contradictoire et d’avocat, de « valider » des mesures d’isolement et de contention sans la moindre vérification sur leur régularité et/ou leur bien-fondé, devant cette nouvelle charge de travail ajoutée à des juges déjà submergés par le contentieux des soins psychiatriques sans consentement en général.

La possibilité d’exercer une action indemnitaire réparatrice a posteriori des irrégularités entachant une mesure d’isolement ou de contention ne rend pas non plus effectif le recours juridictionnel, ni ne rend la liberté.

Par ailleurs le contrôle systématique de la mesure d’hospitalisation complète et des mesures d’isolement et de contention au même temps, exercé par le juge judiciaire conformément aux dispositions de l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique, c’est à dire contradictoirement et avec toutes les garanties (présence obligatoire de l’avocat) ne couvre pas :

  • les cas où les mesures d’isolement et de contention ont pris fin avant l’audience de contrôle judiciaire de l’hospitalisation complète (et qui seront considérées des demandes « sans objet ») ;
  • ni les cas où celles-ci seront prises entre le contrôle judiciaire systématique à douze jours et celui prévu à six mois.

III. Un espoir né de l’absence de réponse du Conseil ?

Le Conseil poursuit en estimant que « les conditions dans lesquelles un patient est assisté ou représenté par un avocat devant le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande de mainlevée d’une mesure d’isolement ou de contention sont prévues par l’article L. 3211-12-2 du Code de la santé publique. »

Mais comme le Conseil constitutionnel n’est effectivement pas saisi de la constitutionnalité desdites dispositions, il conclut qu’« il n’y a pas lieu d’examiner l’argument tiré de ce que méconnaîtrait les droits de la défense le fait que le patient ne bénéficie pas obligatoirement d’une assistance ou d’une représentation par un avocat. » (§16).

L’article L. 3211-12-2 du Code de la santé publique précise les conditions dans lesquelles la personne en hospitalisation complète à l’audience est assistée ou représentée obligatoirement par un avocat dans le cadre des contrôles des mesures d’hospitalisations sans consentement.

Le Conseil considère finalement que la question de l’assistance ou de la représentation obligatoire d’une personne placée en isolement ou contention relève de l’article L. 3211-12-2 du Code de la santé publique, dont la constitutionnalité ne lui a pas été soumise.

**

Pour conclure sur une note d’optimisme, une nouvelle opportunité est offerte au Conseil puisque dès le 11 avril 2023, une autre QPC soulevant l’inconstitutionnalité de l’article L. 3211-12-2 du Code de la santé publique a été déposée pour une avocate de Versailles, membre de l’association « Avocats, Droits et Psychiatrie ».

Si le Conseil devait encore résister, alors seule la saisine de la CEDH pour violation des articles 3, 5 et 6 de la CESDH resterait ouverte.

 

[1] Cons. const., décision n° 2020-844 QPC, du 19 juin 2020 N° Lexbase : A85293N9.

[2] Cons. const., décision n° 2021-912/913/914 QPC, du 4 juin 2021 N° Lexbase : A95164TM.

[3] G. Delgado-Hernandez et L. Monnet-Placidi, Deuxième décision du Conseil constitutionnel en matière d’isolement et contention : suite et fin ?, Lexbase Droit privé, juillet 2021, n° 874 N° Lexbase : N8393BYI.

[4] Cass. QPC, 26 janvier 2023, n° 22-40.019, FS-B N° Lexbase : A08729AK.

[5] Cass. QPC, 26 janvier 2023, n° 22-40.021, FS-B N° Lexbase : A08709AH.

[6] L. Bodet et V. Tellier-Cayrol, Mesures d’isolement et contention : le diagnostic critiquable du Conseil constitutionnel, Rec. Dalloz, Études et commentaires.

[7] Cons. const., décision n° 84-185 DC du 18 janvier 1985 N° Lexbase : A8108ACB.

[8] L. Bodet et V. Tellier-Cayrol, Mesures d’isolement et contention: le diagnostic critiquable du Conseil constitutionnel, Rec. Dalloz, Études et commentaires.

[9] Cons. const., décision n° 2006-535 DC, du 30 mars 2006 N° Lexbase : A8313DN9.

[10] Cons. const., décision n° 92-307 DC, du 25 février 1992 N° Lexbase : A8265AC4.

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