Réf. : Cass. civ. 3, 13 avril 2023, n° 21-24.196, F-D N° Lexbase : A87979PI
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par Vincent Téchené
le 09 Mai 2023
► Pour être valide, la sûreté accordée par une société en garantie de la dette d'un tiers doit être conforme à son objet social ou résulter d'une communauté d'intérêts avec la personne cautionnée ou être adoptée par une décision unanime des associés, et doit en outre être conforme à l'intérêt social, impliquant que le risque pour elle soit proportionné au bénéfice qu'elle peut escompter de l'opération garantie.
Faits et procédure. Par acte authentique, une SCI s'est engagée en qualité de caution, avec affectation hypothécaire du bien immobilier lui appartenant, en garantie du remboursement d'un prêt d'un montant de 150 000 euros souscrit par une société. Cette dernière a été placée en liquidation judiciaire.
La banque a alors fait délivrer à la SCI un commandement de payer valant saisie immobilière de son bien donné en sûreté, puis a publié ce commandement au service de la publicité foncière.
Se prévalant d'une créance de 89 799,10 euros au titre du cautionnement de la société débitrice, la banque a assigné la SCI devant le juge de l'exécution pour voir ordonner la vente aux enchères du bien.
La cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion a toutefois prononcé la nullité du « cautionnement hypothécaire » et celle du commandement de payer. La banque a donc formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation retient que la cour d’appel a énoncé à bon droit, que, pour être valide, la sûreté accordée par une société en garantie de la dette d'un tiers devait être conforme à son objet social ou résulter d'une communauté d'intérêt avec la personne cautionnée ou avoir été adoptée par une décision unanime des associés, et devait en outre être conforme à l'intérêt social, impliquant que le risque pour elle soit proportionné au bénéfice qu'elle pouvait escompter de l'opération garantie.
Or en l’espèce, si l'ensemble des associés de la SCI ont bien approuvé le cautionnement litigieux, la société avait ainsi engagé à titre de sûreté hypothécaire son seul bien sans aucune contrepartie attendue de l'opération financée. En outre, si le cautionnement avait été limité à une somme inférieure à la valeur du bien hypothéqué, la sûreté consentie appréhendait le bien en son ensemble et faisait peser un risque de perte de la totalité de ce bien en cas de réalisation de la garantie.
Par conséquent, pour la Haute juridiction, la cour d’appel a bien pu déduire qu'en consentant la sûreté litigieuse, la SCI avait conclu un acte contraire à son intérêt social de nature à compromettre son existence.
La Cour de cassation rejette ainsi le pourvoi.
Observations. Il ne s’agit que d’une application du droit commun (C. civ., art. 1833, al. 2 N° Lexbase : L8681LQL). La sûreté est susceptible d’être annulée si elle n’est pas conforme à l'intérêt social. Malgré les incertitudes qui entourent la notion d’intérêt social, la jurisprudence fait une application fréquente de cette règle. Elle estime notamment que le seul fait que la sûreté ait été autorisée par l'unanimité des associés ne suffit pas à établir la conformité à l’intérêt social (Cass. civ. 3, 12 septembre 2012, n° 11-17.948, FS-P+B N° Lexbase : A7475ISN ; Cass. com., 23 septembre 2014, n° 13-17.347, FS-P+B N° Lexbase : A3067MXU). Comme dans l’espèce rapportée, la nullité est notamment encourue lorsque le cautionnement, par son montant, est de nature à compromettre l’existence même de la société.
Le rappel est utile et invite les créanciers à faire preuve de la plus grande prudence lorsqu’ils recueillent une sûreté consentie par une société.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Le cautionnement, La société caution, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E8627B4B. |
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