Réf. : Cass. civ. 3, 30 mars 2023, n° 21-21.084, FS-B+R N° Lexbase : A53099L9
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 05 Avril 2023
► L’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute dolosive de son assuré ; la faute dolosive s’entend d’un acte délibéré de l’assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables.
Que cette décision fait plaisir à lire. Impossible de se lasser de cette motivation, aux allures d’attendus de principes, qui se réfère expressément à la jurisprudence, bien établie maintenant, de la deuxième chambre civile sur la faute dolosive (pour un exemple récent, Cass. civ. 2, 20 janvier 2022, n° 20-13.245, FS-B N° Lexbase : A79527ID).
En l’espèce, pour les besoins de son activité de design et d’architecture intérieure, une société souscrit une assurance RC. La société est chargée de travaux de décoration de « restaurants » Mac Donald’s. À la suite d’une réclamation d’un ayant droit d’un designer, la société déclare le sinistre à son assureur qui refuse sa garantie, aux motifs que son assuré aurait commis une faute dolosive en raison du caractère flagrant et massif de la contrefaçon.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 20 mai 2021, rejette les demandes de l’assuré contre son assureur (CA Aix-en-Provence, 20 mai 2021, n° 18/08231 N° Lexbase : A37454SI). Les conseillers ont retenu qu’un simple examen visuel des œuvres attribuées au contrefait et celle utilisée par le contrefacteur permet de constater le caractère flagrant de leur exacte similitude. Ce faisant, elle a pris un risque ayant pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l’aléa rattaché à la couverture du risque.
Un pourvoi est formé mais la Cour de cassation le rejette. L’appréciation du caractère dolosif de la faute est une question de fait dont elle n’exerce qu’un contrôle de motivation. Ce faisant, la troisième chambre civile reprend, mot pour mot, la définition de la faute dolosive donnée par la deuxième chambre. Cet alignement est salvateur, non seulement pour l’uniformisation de la règle juridique mais, encore, pour différencier la faute intentionnelle de la faute dolosive.
Au-delà des clauses d’exclusion stipulées dans les polices, le Législateur a instauré notamment deux cas d’exclusion, assez difficiles à caractériser. L’article L. 113-2 du Code des assurances N° Lexbase : L9563LGB permet, en effet, à l’assureur de refuser sa garantie en cas de faute intentionnelle ou dolosive.
Jusqu’alors, la faute d’une particulière gravité était très difficile à sanctionner. Rapporté au droit de la construction, il suffit, pour illustrer, de rappeler les débats et jurisprudences relatives aux clauses de violation délibérée des règles de l’art (pour exemple, Cass. civ. 3, 7 octobre 2008, n° 07-17.969, F-D N° Lexbase : A7234EA8). Alors, nombreux sont ceux qui ont tenté de se tourner vers les exclusions légales. Toujours rapportée au droit de la construction, la difficulté est que l’exclusion de faute intentionnelle ne reçoit pas vraiment d’application. Aucun constructeur ou maître d’ouvrage ne cherche l’action ou l’omission mais encore le dommage lui-même. L’intention de nuire, en cette matière, est probatio diabolica.
Il était donc temps que la faute dolosive soit autonome. Il faut que l’assuré ait la volonté de créer le dommage tel qu’il s’est produit. L’assuré doit s’être placé dans une situation qui rend le dommage inéluctable.
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