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par Vincent Vantighem
le 16 Mars 2023
Ça aurait pu être un peu moins sévère... Mais, ça aurait pu être bien pire aussi ! Voilà sans doute comment Marine Le Pen a réagi, mercredi 15 mars, en découvrant la décision de la cour d’appel de Paris dans l’affaire dite des « kits de campagne du Front national ». Certes, son parti qui répond désormais au nom de Rassemblement national devra s’acquitter d’une amende de 250 000 euros. Mais il échappe, dans le même temps, à la menace de devoir verser plus de 10 millions d’euros de dommages et intérêts à l’État.
Condamné en première instance à 18 750 euros d’amende pour « recel d’abus de biens sociaux », le parti d’extrême-droite a été relaxé de ce chef par la cour d’appel mais a été reconnu coupable d’« escroquerie » et condamné à 250 000 euros d’amende pour « le surplus des faits ». Lors de l’audience en appel, le parquet général avait réclamé le double, soit 500 000 euros d’amende.
Au cœur de ce dossier d’un autre temps : les fameux « kits de campagne » du Front national. En 2012, à l’occasion des élections législatives, ces kits rassemblaient le matériel électoral nécessaire à chaque candidat. Tracts, affiches « personnalisées » avec la photo de Marine Le Pen, site internet : tout était prévu pour permettre aux candidats à l’Assemblée nationale de se lancer dans la bataille. À condition de verser 16 650 euros à l’association Jeanne, autre nom du micro-parti de Marine Le Pen. Les kits en question étaient alors fournis par Riwal, une société de communication dirigée par Frédéric Châtillon, ancien président du Groupe Union Défense (GUD) et réputé proche de la leader du FN.
La justice avait rapidement soupçonné le dispositif de cacher une manœuvre frauduleuse destinée à tromper l’État. Pour l’accusation, le système dissimulait en fait des prestations surévaluées mais bien facturées et destinées à obtenir le maximum de l’État qui rembourse les dépenses des candidats dépassant le score de 5 % lors du premier tour.
Une « atteinte aux règles de la démocratie »
Pour la cour d’appel, il n’y a pas de doute : le système « a porté atteinte aux règles de la démocratie », a résumé la présidente. Et dans l’ensemble, la cour a confirmé le jugement qui avait été rendu en première instance par le tribunal judiciaire de Paris.
Outre la peine d’amende infligée au parti, elle a donc condamné les principaux protagonistes de cette affaire. Frédéric Châtillon, au centre du viseur, écope de la peine la plus lourde avec deux ans et demi de prison dont dix mois ferme ainsi que 250 000 euros d’amende. Jean-François Jalkh, juriste du Front national à l’époque, ainsi que Wallerand de Saint-Just, trésorier du parti, sont également sanctionnés. Deux ans de prison dont six mois ferme pour le premier et une inéligibilité de trois ans ; six mois de prison avec sursis et deux ans d’inéligibilité pour le second.
La cour d’appel n’a donc pas été convaincue par les dénégations répétées, à longueur d’audience, de ces cadres du Front national qui ont voulu expliquer qu’il n’y avait rien de frauduleux dans la mise en place de leur stratégie électorale. La preuve étant que l’arrêt de la cour condamne aussi spécifiquement le micro-parti Jeanne d’une amende de 300 000 euros dont 150 000 euros avec sursis.
La plus grosse sanction financière évitée
Mais pour l’actuel Rassemblement national, la principale sanction a été évitée. Sur le plan civil, l’État réclamait en effet 11,6 millions d’euros de dommages et intérêts, estimant avoir remboursé les dépenses de campagne des candidats FN de l’époque en raison de ce système illégal. Des dépenses indues, selon lui. La cour n’est donc pas allée dans ce sens, apportant une bouffée d’oxygène à Marine Le Pen. Après des années de disette l’amenant à devoir recourir à un emprunt russe pour financer ses activités politiques, la présidente du Front national aurait sans doute vu d’un mauvais œil l’obligation de puiser dans ses caisses – remplies depuis l’arrivée de 89 députés à l’Assemblée nationale – pour rembourser l’État pour une affaire de 2012. Pas de quoi donc perturber sa lutte contre la réforme des retraites.
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