Le Quotidien du 1 mars 2023 : Autorité parentale

[Brèves] Enlèvement international d’enfant : impératif d'efficacité et de célérité tant dans le cadre de l’adoption, que dans celui de l'exécution de la décision ordonnant le retour de l’enfant

Réf. : CJUE, 16 février 2023, aff. C-638/22 PPU, T.C. N° Lexbase : A23879DR, et le communiqué

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N4487BZ9

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[Brèves] Enlèvement international d’enfant : impératif d'efficacité et de célérité tant dans le cadre de l’adoption, que dans celui de l'exécution de la décision ordonnant le retour de l’enfant. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/93539586-brevesenlevementinternationaldenfantimperatifdefficaciteetdeceleritetantdanslecadredel
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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 28 Février 2023

► Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s'oppose à une législation nationale conférant à des autorités n'ayant pas la qualité de juridiction la faculté d'obtenir la suspension de plein droit, pendant une durée d'au moins deux mois, de l'exécution d'une décision de retour rendue sur la base de la Convention sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, conclue à La Haye le 25 octobre 1980, sans devoir motiver leur demande de suspension.

Législation polonaise. La législation en cause dans cette affaire était la législation polonaise qui, depuis 2022, permet au procureur général, au médiateur des droits des enfants et au médiateur d’obtenir la suspension de l’exécution d’une décision judiciaire définitive ordonnant le retour d’enfants rendue sur la base de la Convention de la Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Ces autorités ne sont pas tenues de motiver leur demande de suspension. Cette demande entraîne la suspension de l’exécution pour une période de deux mois. En outre, si les autorités susvisées forment un pourvoi en cassation contre une décision de retour, la suspension est prolongée de plein droit jusqu’au terme de la procédure devant la Cour suprême. Par ailleurs, même si ce pourvoi était rejeté, la suspension pourrait être obtenue à nouveau dans le cadre d’un pourvoi extraordinaire.

Décision CJUE. Dans son arrêt rendu le 16 février 2023, la CJUE rappelle que, conformément au Règlement « Bruxelles II bis » (Règlement (CE) n° 2201/2003 Conseil, 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le Règlement (CE) n° 1347/2000 N° Lexbase : L0159DYK), les juridictions compétentes des États membres sont tenues d’adopter une décision de retour de l’enfant concerné dans un délai particulièrement bref et strict. En principe, une telle décision doit intervenir au plus tard dans un délai de six semaines à compter de la saisine, en utilisant les procédures les plus rapides prévues par le droit national. Ce n’est que dans des cas précis et exceptionnels, dûment justifiés, que le retour d’un enfant illicitement enlevé peut ne pas être ordonné.

La Cour souligne, à cet égard, que le Règlement « Bruxelles II bis » complète et précise la Convention de la Haye de 1980 (Convention La Haye, 25 octobre 1980, sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants N° Lexbase : L0170I8S). Ces deux textes constituent un ensemble normatif indivisible qui s’applique aux procédures de retour des enfants illicitement déplacés au sein de l’Union. 

La Cour indique que l’exigence d’efficacité et de célérité qui régit l’adoption d’une décision de retour s’impose aux autorités nationales également dans le cadre de l’exécution d’une telle décision. L’exécution à bref délai d’une décision permettant le prompt retour de l’enfant vise également à assurer le respect des droits fondamentaux garantis par la charte des droits fondamentaux et, notamment, des droits fondamentaux de l’enfant.

Selon la Cour, la solution adoptée par le législateur polonais est susceptible de porter atteinte à l’effet utile du Règlement « Bruxelles II bis ». La Cour souligne qu’une suspension initiale d’une durée de deux mois excède, à elle seule, le délai dans lequel la décision de retour doit être adoptée, conformément à ce règlement. De plus, étant donné que les autorités habilitées à demander la suspension ne sont pas tenues de motiver leur demande et que l’exercice de ce pouvoir n’est pas soumis à un quelconque contrôle juridictionnel, la législation en cause ne garantit pas que le retour de l’enfant vers son lieu de résidence habituelle ne puisse être suspendu que dans des cas précis, exceptionnels et dûment motivés.

La Cour rejette aussi l’argument selon lequel cette législation permettrait aux autorités de former un pourvoi en cassation et d’éviter que les enfants concernés ne subissent un préjudice irréparable. Sur ce point, la Cour constate que la protection juridictionnelle de l’enfant contre un tel risque est, en principe, déjà assurée par l’existence d’un recours devant une instance juridictionnelle. La Cour estime que le droit de l’Union n’impose pas aux États membres de prévoir un degré supplémentaire de juridiction contre une décision de retour, lorsque cette décision a été adoptée dans le cadre d’une procédure prévoyant déjà deux degrés de juridiction et que ladite procédure permet de tenir compte de l’existence de risques en cas de retour de l’enfant concerné. A fortiori, ce droit ne permet pas aux États membres d’assortir les recours introduits contre une telle décision d’un effet suspensif de plein droit, tel que celui prévu par la législation polonaise en cause.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les aspects civils de l'enlèvement d'enfant, in L'autorité parentale, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase N° Lexbase : E5830EYL.

Il convient par ailleurs de renvoyer à la décision rendue quelques jours plus tard, par la CEDH, qui vient rappeler les principes issus de la Convention de la Haye (CEDH, 21 février 2023, Req. 16205/21, aff. G.K. c. Chypre, disponible en anglais ; v. notre brève, Enlèvement international d’enfant : rappel des principes par la CEDH, Lexbase Droit privé, février 2023, n° 936 N° Lexbase : N4486BZ8).

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