Le Quotidien du 1 mars 2023 : Sûretés

[Brèves] Devoir de mise en garde de la caution dans le cadre d’une opération de LBO

Réf. : Cass. com., 15 février 2023, n° 21-20.512, F-D N° Lexbase : A46429DB

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N4483BZ3

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par Vincent Téchené

le 28 Février 2023

► La caution, qui prétend que la banque a manqué à son obligation de mise en garde, doit rapporter la preuve, notamment, de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur, lesquelles incluent les dividendes attendus de la société pour l’acquisition de laquelle le prêt a été contracté, une telle inadaptation ne résultant d’ailleurs pas nécessairement du fait que le prêt était destiné à financer une opération de LBO.

Faits et procédure. Une banque a consenti à une société un prêt d'un montant de 285 000 euros, outre intérêts au taux contractuel de 2,25 %, destiné à financer l'acquisition de la totalité des actions d’une autre société. Par un acte séparé du même jour, M. M. s'est rendu caution solidaire envers la banque du remboursement du prêt. La société emprunteuse ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution, qui lui a opposé un manquement à son devoir de mise en garde.

La cour d’appel (CA Versailles, 13e ch., 1er juin 2021, n° 20/02426 N° Lexbase : A35674UN) ayant rejeté la demande de la caution, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation rappelle que pour démontrer que le banquier dispensateur de crédit est tenu, à son égard, d'un devoir de mise en garde, la caution non avertie doit établir qu'à la date à laquelle son engagement a été souscrit, celui-ci n'est pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

En l’espèce la caution soutenait que l'acquisition des actions de la société cible au moyen du financement par l'emprunt bancaire cautionné était une opération de « Leveraged buy-out » (LBO), et que la société emprunteuse, créée en septembre 2015, n'ayant aucune expérience, et lui-même étant une caution non avertie, la banque devait appeler leur attention sur les particularités d'une telle opération et sur le risque d'un endettement excessif qu'elle engendrait.

Or, pour la Haute juridiction, les juges d’appel ayant constaté que la caution ne rapportait pas la preuve, qui lui incombait, de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de la société emprunteuse, lesquelles incluaient les dividendes attendus de la société cible, une telle inadaptation ne résultant pas nécessairement du fait que le prêt était destiné à financer une opération de LBO, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

Observations. La Cour de cassation rappelle ici une exigence classique concernant la charge de la preuve en matière d'obligation de mise en garde de la caution (Cass. com., 15 novembre 2017, n° 16-16.790, FS-P+B+I N° Lexbase : A0222WZA ; Cass. com., 21 octobre 2020, n° 18-25.205, F-P+B N° Lexbase : A88853YQ). Encore dernièrement, la Chambre commerciale a précisé que le fait que la banque ait octroyé un prêt sans disposer d'éléments comptables sur l'activité prévisionnelle de l'emprunteur ne dispense pas la caution d'établir qu'à la date à laquelle son engagement a été souscrit, il existait un risque d'endettement né de l'octroi du prêt, lequel résultait de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur (Cass. com., 9 mars 2022, n° 20-16.277, F-B N° Lexbase : A94287PU, V. Téchené, Lexbase Affaires, mars 2022, n° 709 N° Lexbase : N0742BZI).

L’ordonnance de réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021 a consacré dans les texte l’obligation de mise en garde de la caution qui était une création prétorienne. Le nouvel article 2299 du Code civil N° Lexbase : L0173L8W, qui est désormais le siège de l’obligation de mise en garde, contient trois nouveautés (v. not., G. Piette, Réforme du droit des sûretés par l’ordonnance du 15 septembre 2021 : formation et étendue du cautionnement, Lexbase Affaires, octobre 2021, n° 691 N° Lexbase : N8978BY8). D’abord, la mise en garde ne porte plus que sur les capacités financières du débiteur principal. Ensuite, la sanction est modifiée. Il ne s’agit plus de la responsabilité du créancier, mais d’une déchéance : à défaut de mise en garde, le créancier est déchu de son droit contre la caution, à hauteur du préjudice subi par celle-ci. Enfin, et c’est l’innovation majeure, le devoir de mise en garde profite à toute caution, dès lors qu’elle est une personne physique.

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Les effets du cautionnement entre le créancier et la caution, La responsabilité du créancier à l'égard de la caution pour non-respect de son obligation de mise en garde, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E3566E4T.
  • v. ÉTUDE : Le cautionnement, La mise en garde de la caution, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase N° Lexbase : E8622B44.

 

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