Le Quotidien du 13 février 2023 : Concurrence

[Brèves] Précisions sur le périmètre de la compétence de l’Autorité de la concurrence pour sanctionner les personnes chargées d'un service public

Réf. : Cass. com., 1er février 2023, n° 20-21.844, FS-B N° Lexbase : A02049B8

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[Brèves] Précisions sur le périmètre de la compétence de l’Autorité de la concurrence pour sanctionner les personnes chargées d'un service public. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/93055747-0
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par Vincent Téchené

le 10 Février 2023

► L'Autorité de la concurrence est compétente pour poursuivre et sanctionner les pratiques anticoncurrentielles qui sont le fait de personnes publiques ou des personnes privées chargées d'un service public, comme un ordre professionnel, dès lors qu’elles ne relèvent pas de la mission de service public confiée à ces personnes ni des prérogatives de puissance publique qui leur sont conférées pour cette mission.

Faits et procédure. L'Autorité de la concurrence, qui s'était saisie d'office de pratiques mises en œuvre dans le secteur d'activité des architectes, a sanctionné, sur le fondement des articles L. 420-1 du Code de commerce N° Lexbase : L6583AIN et 101 du TFUE N° Lexbase : L2398IPI, l'Ordre des architectes, six sociétés d'architectes et quatre architectes  pour avoir mis en œuvre des décisions d'association d'entreprises constitutives d'ententes anticoncurrentielles (Aut. conc., décision n° 19-D-19, 30 septembre 2019 N° Lexbase : X4501CH8, V. Téchené, Lexbase Affaires, octobre 2019, n° 609 N° Lexbase : N0704BYQ). Ces décisions consistaient, pour la première, à diffuser et à imposer une méthode de calcul d'honoraires à l'ensemble des architectes de plusieurs régions, la seconde, à diffuser un modèle de saisine de la chambre de discipline en cas d'allégation de concurrence déloyale contre les architectes pratiquant des prix bas, ces saisines ayant vocation à être déposées et défendues par les conseils régionaux de l'Ordre (CROA).

La cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-7, 24 mars 2022, n° 20/15631 N° Lexbase : A95077RK) ayant prononcé une sanction pécuniaire de 1 500 000 euros contre l'Ordre des architectes au titre des pratiques anticoncurrentielles commises, ce dernier a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation rappelle d’abord que selon la jurisprudence de la CJUE, si une activité, qui, par sa nature, les règles auxquelles elle est soumise et son objet, est étrangère à la sphère des échanges économiques ou se rattache à l'exercice de prérogatives de puissance publique, échappe à l'application des règles de concurrence du Traité, lorsqu'une organisation comme un ordre professionnel n'exerce pas de prérogatives typiques de puissance publique, elle apparaît comme l'organe de régulation d'une profession dont l'exercice constitue, par ailleurs, une activité économique entrant dans le champ d'application du TFUE (CJUE, 19 février 2002, aff. C-309/99, § 57 et 58 N° Lexbase : A0074AYE).

La Haute juridiction relève également que le Tribunal des conflits a retenu que, « si dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, les décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission de service public qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction administrative pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la responsabilité encourue par ces personnes publiques » (T. confl., 18 octobre 1999, n° 03174, Aéroports de Paris N° Lexbase : A5618BQ7).

Il s'ensuit que les personnes publiques qui effectuent des activités de production, de distribution ou de services peuvent être sanctionnées par l'Autorité de la concurrence, sous le contrôle de la cour d'appel de Paris, sauf lorsque les pratiques s'inscrivent dans l'accomplissement de la mission de service public et/ou mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique pour effectuer les activités en cause.

Par un autre arrêt du 4 mai 2009 (T. confl., 4 mai 2009, n° 3714 N° Lexbase : A08253Y9), ce même Tribunal a jugé que si les règles définies au livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et à la concurrence s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public, l'Autorité de la concurrence n'est pas, pour autant, compétente pour sanctionner la méconnaissance des règles prohibant les pratiques anticoncurrentielles en ce qui concerne les décisions ou actes portant sur l'organisation du service public ou mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique.

Il en résulte, selon la Haute juridiction, que si les décisions par lesquelles les personnes publiques ou les personnes privées chargées d'un service public exercent la mission qui leur est confiée et mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique et qui peuvent constituer des actes de production, de distribution ou de services au sens de l'article L. 410-1 du Code de commerce, entrant dans son champ d'application, ne relèvent pas de la compétence de l'Autorité de la concurrence, il en est autrement lorsque ces organismes interviennent par leur décision hors de cette mission ou ne mettent en œuvre aucune prérogative de puissance publique.

Or, en l’espèce, les pratiques en cause ne relevaient pas de la mission de service public confiée à l'Ordre des architectes ni des prérogatives de puissance publique qui lui étaient conférées pour cette mission. Ainsi, la cour d'appel a-t-elle exactement déduit que l'Autorité de la concurrence était compétente pour les poursuivre et les sanctionner.

Par ailleurs, la Cour approuve l’arrêt d’appel d’avoir déduit de la combinaison de textes spécifiques à l’Ordre des architectes (loi n° 77-2, du 3 janvier 1977, sur l'architecture, art. 21, 22, 23, 25, 26 N° Lexbase : L6905BH9) que ce dernier était la seule entité dotée en l'espèce de la personnalité morale, tandis que le CNOA et les CROA ne sont ni totalement indépendants de cet ordre ni totalement autonomes entre eux, mais sont des organes décisionnels et opérationnels de celui-ci.

En outre, la cour d'appel a exactement retenu que l'Autorité de la concurrence pouvait décider de ne retenir que la seule responsabilité de l'Ordre, unique entité dotée en l'espèce de la personnalité morale, en raison de la dimension nationale des pratiques et du fait que ces dernières avaient été mises en œuvre par ses composantes que sont le CNOA et les CROA, de sorte qu'il devait être tenu pour responsable de I’infraction en cause en sa qualité d'auteur.

La Cour de cassation rejette donc le pourvoi.

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