Le Quotidien du 5 décembre 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Affaire des écoutes de Paul Bismuth : Nicolas Sarkozy rejugé en appel pour corruption

Lecture: 6 min

N3519BZD

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[A la une] Affaire des écoutes de Paul Bismuth : Nicolas Sarkozy rejugé en appel pour corruption. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/90342138-alauneaffairedesecoutesdepaulbismuthnicolassarkozyrejugeenappelpourcorruption
Copier

par Vincent Vantighem

le 05 Décembre 2022

            Nouvelle salle d’audience. Même ambiance pour Nicolas Sarkozy. L’ancien chef de l’État est rejugé, à partir du lundi 5 décembre et pendant deux semaines, par la cour d’appel de Paris dans l’affaire dite « des écoutes de Paul Bismuth ». Prévenu des chefs de corruption active et de trafic d’influence, l’ex-Président de la République encourt une peine de dix ans de prison et un million d’euros d’amende. Et comme en première instance, il devrait contester les faits qui lui sont reprochés. « Jamais ! Jamais je n’ai trafiqué ! », avait-il juré à la barre en décembre 2020. Sans parvenir à convaincre, la trente-deuxième chambre du tribunal judiciaire de Paris l’ayant condamné à trois ans de prison dont un an ferme aménageable sous forme d’une détention sous bracelet électronique à domicile.

            À l’époque, sonné par cette première condamnation, il avait immédiatement fait appel. Ce qui vaut donc, aujourd’hui, un second examen de cette affaire qui nous replonge quasiment dix ans en arrière. En 2013 et 2014 exactement. À cette époque, Nicolas Sarkozy n’était déjà plus le locataire de l’Élysée, mais déjà bien ennuyé par les affaires judiciaires. Ainsi, c’est en enquêtant sur un possible financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 que des juges ont décidé de le placer sur écoute. Et c’est ainsi qu’ils ont découvert que l’ancien chef incontesté de la droite utilisait une deuxième ligne ouverte sous un nom d’emprunt. « Un portable de guerre », dirait-on dans une série policière. Pour l’occasion, Nicolas Sarkozy avait décidé de l’ouvrir au nom de Paul Bismuth, un de ses anciens camarades de lycée, qui aurait, lui, bien voulu que son nom ne soit jamais mêlé à cette affaire.

            Sur cette ligne, Nicolas Sarkozy discutait tranquillement d’affaires sensibles avec son avocat historique, Thierry Herzog, qui l’accompagne aujourd’hui sur le banc des prévenus. C’est pourquoi le petit monde judiciaire a affublé ce dossier du surnom d’affaire « NSTH », reprenant les initiales des deux principaux protagonistes. Oubliant un peu vite qu’il y en a un troisième dans l’affaire : Gilbert Azibert. Haut magistrat à la Cour de cassation à l’époque des faits, il échangeait régulièrement avec Thierry Herzog. Et dans le flot des 3 700 conversations captées entre les trois pointes de ce triangle, les enquêteurs ont découvert des choses étranges qui nourrissent l’accusation aujourd’hui et qui constituent, selon eux, un pacte de corruption. Entre d’un côté, Nicolas Sarkozy qui aurait recherché des informations sur la procédure « Bettencourt » en cours devant la Cour de cassation et, de l’autre, Gilbert Azibert qui aurait souhaité « un coup de pouce » de l’ex-Président pour obtenir un poste prestigieux à Monaco… Donnant-donnant…

L’intention de commettre le délit suffit à le caractériser

            Lors de l’instruction comme lors du procès en première instance, les trois prévenus ont toujours contesté les faits reprochés. Arguant notamment que Nicolas Sarkozy n’est jamais intervenu, auprès des autorités monégasques, en faveur de Gilbert Azibert et que ce dernier n’a jamais obtenu le poste convoité. Mais en droit, les faits sont têtus. Et en matière de corruption et de trafic d’influence, la seule intention de commettre un délit suffit, en réalité, à le caractériser.

            Voilà donc pourquoi tout le dossier repose sur les fameuses écoutes téléphoniques. Celles-là mêmes qui avaient suscité un débat déontologique électrique en première instance. Les avocats s’étaient insurgés de pouvoir être placés sur écoutes. À tel point que l’existence même du parquet national financier (PNF) avait semblé, un temps, menacée. Mais cette époque est aujourd’hui révolue. D’abord parce que le dossier a depuis longtemps quitté les armoires du PNF pour s’abriter dans celles de la cour d’appel. Et surtout parce que les avocats n’ont pas décidé de se relancer dans cette bataille.

            Ainsi, tous les protagonistes semblent désormais d’accord pour que les fameuses écoutes soient diffusées à l’audience d’appel. L’accusation y voyant un moyen évident de prouver la culpabilité des trois hommes qui, eux, estiment que cela démontrera que toute cette histoire de pacte de corruption n’est que du vent. Et que le ton sur lequel Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog parlent de tout ça viendra aisément le démontrer…

« Je n’ai jamais commis le moindre acte de corruption… »

            Car, sur le fond, on l’a dit : chacun entend rester campé sur ses positions. Thierry Herzog, dont la carrière d’avocat est menacée par la procédure (il a été condamné en première instance à cinq ans d’interdiction d’exercer la profession) ne devrait répondre à aucune question sur ce qu’il estime être son « secret professionnel », Gilbert Azibert qui a toujours prétendu qu’il n’était pas intéressé par le fameux poste à Monaco et Nicolas Sarkozy, donc, qui a toujours assuré que cela ne relevait pas d’un « trafic » au sens juridique du terme. 

            « Permettez-moi de le dire de façon solennelle : je n’ai jamais commis le moindre acte de corruption, avait-il lâché, grave, à la barre du tribunal de première instance. Vingt ans député. Vingt ans maire. Sept ans ministre. Et cinq ans Président… Je n’ai jamais trafiqué ! » Une véhémence qui n’avait pas suffi à convaincre le tribunal après des réquisitions très sévères, en raison notamment du statut particulier de l’ex-chef de l’État et de l’exemple qu’il était censé donner, selon le PNF.

            Depuis cette condamnation, l’aura politique de Nicolas Sarkozy s’est un peu assombrie. Mais, depuis cette condamnation aussi, il a eu le temps de voir que la justice n’hésitait désormais plus à « embastiller » les anciens puissants. Patrick Balkany, Claude Guéant ou François Fillon dont les dossiers ont animé les tribunaux ces derniers mois sont là pour le lui rappeler. D’autant plus que le risque est désormais réel pour Nicolas Sarkozy. En première instance, il avait été condamné à un an de prison ferme sous la forme d’un placement sous détention électronique à domicile. Si la cour d’appel venait à confirmer cette peine et à prononcer l’exécution provisoire de la sentence, même un pourvoi en cassation ne pourrait le sauver de « l’infamie » d’avoir désormais une ligne indélébile sur son casier judiciaire.

            Une ligne qui serait forcément remarquée lorsque viendra le tour d’examiner, en appel, l’affaire Bygmalion pour laquelle il a aussi été condamné en première instance et surtout l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2017 pour laquelle il pourrait bien être jugé dans les prochaines années. C’était de là que tout était parti à l’aube des années 2010. C’est peut-être par là que les juges voudront boucler la boucle de la présidence Sarkozy.

newsid:483519

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus