Le Quotidien du 5 décembre 2022 : Construction

[Brèves] Rappel : la contestation des travaux exclut la réception tacite

Réf. : Cass. civ. 3, 16 novembre 2022, n° 21-21577, F-D N° Lexbase : A84938TQ

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 02 Décembre 2022

►La réception tacite suppose la caractérisation de la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage ;
► la volonté non équivoque de recevoir l’ouvrage ne peut être caractérisée en cas de contestation des travaux.

Il serait, sans doute, temps d’intervenir pour mettre un terme à cette création prétorienne qu’est la réception tacite. La multiplicité des contentieux, jusqu’en cassation, est bien la preuve de l’inefficacité du régime mis en place, sans même évoquer l’absence de sécurité juridique consécutif. Devoir aller jusqu’en cassation pour savoir si un ouvrage est réceptionné n’est pas satisfaisant. C’est d’ailleurs pour cette raison que le législateur a souhaité y mettre un terme. L’article 1792-6 du Code civil N° Lexbase : L1926ABX ne prévoit pas la réception tacite. Seules les réceptions expresses et judiciaires sont possibles. La jurisprudence, tant administrative que judiciaire, a toutefois résisté.

Le régime de la réception tacite est trop compliqué. Doit être caractérisée la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage. Si cette volonté est caractérisée, il y a réception tacite mais si, au contraire, est caractérisée la volonté non équivoque de ne pas recevoir l’ouvrage, il n’y a pas de réception tacite possible. L’approche paraît simple mais cela est loin d’être le cas.

Sont ainsi insuffisants, pris isolément, à caractériser une réception tacite, la prise de possession des lieux (Cass. civ. 1, 4 octobre 2000, n° 97-20.990, publié au bulletin N° Lexbase : A7732AHT Constr.-Urb., 2000, n° 298), le paiement du prix (Cass. civ. 3, 30 septembre 1998, n° 96-17.014, publié au bulletin N° Lexbase : A5487AC9, Constr.-Urb., 1998, p. 409), la signature d’une déclaration d’achèvement des travaux et d’un certificat de conformité (Cass. civ. 3, 11 mai 2000, n°98-21.431 N° Lexbase : A4667CRB, AJDI 2000, 741), des difficultés financières (CA Metz, 12 mars 2003, n° 01/01157 N° Lexbase : A8846S3Z) l’achèvement de l’ouvrage (Cass. civ. 3, 25 janvier 2011, n° 10-30.617, F-D N° Lexbase : A8600GQL), la succession d’une entreprise à une autre (Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-17.129, FS-P+B N° Lexbase : A0851RQL), le paiement du solde dû à l’entreprise (Cass. civ. 3, 22 juin 1994, n° 90-11.774, publié au bulletin N° Lexbase : A6284ABD), surtout lorsque des réserves importantes sont émises par le maître d’ouvrage (Cass. civ. 3, 10 juillet 1991, n° 89-21825, publié au bulletin N° Lexbase : A2841ABT).

Mais, a contrario, si le maître d’ouvrage manifeste, au contraire, sa volonté non équivoque de ne pas recevoir les travaux, cela fait obstacle à toute caractérisation de la réception tacite. La solution, posée par un arrêt du 13 juillet 2016 (Cass. civ. 3, 13 juillet 2016, n° 15-17.208, FS-P+B+R N° Lexbase : A2071RXY), a été depuis maintes fois confirmée comme l’illustre l’arrêt rapporté.

En l’espèce, un maître d’ouvrage charge un constructeur d’assurer la conception et la fabrication d’un sommier destiné à supporter une presse à vulcaniser. Malgré l’assemblage et la pose du sommier, le constructeur n’a pas été payé de sa dernière facture et assigne le maître d’ouvrage en paiement.

La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt rendu le 6 juillet 2021 (CA Versailles, 6 juillet 2021, n° 20/03092 N° Lexbase : A39644ZT), condamne le maître d’ouvrage à payer la facture. Selon les conseillers, il est entré en possession de l’ouvrage qu’il a accepté sans réserve et ne peut arguer du non-paiement du prix pour justifier l’absence de réception. La Haute juridiction censure. La cour d’appel aurait dû caractériser la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir les travaux.

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