Le Quotidien du 14 novembre 2022 : Contrat de travail

[Brèves] Un salarié, désigné expert judiciaire, doit-il reverser à son employeur la rémunération perçue grâce à ses missions d’expertise ?

Réf. : Cass. soc., 26 octobre 2022, n° 20-17.105, FS-B N° Lexbase : A01008R7

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par Lisa Poinsot

le 10 Novembre 2022

Est nulle, la clause d'un contrat de travail par laquelle un salarié s'engage à reverser à son employeur les rémunérations qui lui ont été versées pour des missions pour lesquelles il a été désigné expert personnellement.

Telle est la solution énoncée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 26 octobre 2022.

Faits et procédure. Un expert judiciaire est engagé en qualité de chargé de mission par une entreprise. Selon les termes de l’article 4 bis de son contrat de travail, il est prévu que la rémunération directe ou indirecte des expertises judiciaires qui lui serait versée doit être intégralement reversée à l’employeur.

Les parties signent, par la suite, une convention de rupture conventionnelle. Toutefois, l’employeur saisit la juridiction prud’homale afin d’obtenir le paiement des sommes correspondant aux expertises en cours au moment de la rupture du contrat de travail en vertu de l’article 4 bis du contrat.

La cour d’appel (CA Lyon, 12 mars 2020, n° 18/04405 N° Lexbase : A49743I3) retient, tout d’abord, que le salarié est inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel dans la rubrique incendies.

Ensuite, elle constate que la clause contractuelle litigieuse n'apparaît pas contraire aux dispositions de l'article 233 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1722H4K qui dispose que l'expert doit réaliser sa mission personnellement, dès lors qu'il résulte en effet du contrat de travail que le salarié accomplissant ses missions d'expertises judiciaires pendant le temps de son travail et avec les outils mis à disposition par l'employeur, il devait en reverser la rémunération correspondante au dit employeur.

Enfin, elle affirme que la clause du contrat de travail dont le salarié demande la nullité a été librement consentie entre lui et son employeur en contrepartie de l'exécution pendant le temps de travail et avec le matériel de l'entreprise par le salarié des missions d'expertise judiciaire qui lui ont été confiées par les juges, missions qu'il a exercées personnellement.

Par conséquent, la clause contractuelle litigieuse n’est entachée d’aucune illégalité. Le salarié est ainsi débouté de sa demande de nullité de cette clause. La cour d’appel fait droit à la demande de l’employeur quant au versement d’une somme au titre du remboursement des frais et honoraires que le salarié a perçus pour ses missions d’expertise judiciaires au moment de la rupture du contrat de travail.

Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.

La solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel en application des articles 232 N° Lexbase : L1719H4G et 233 du Code de procédure civile. Pour justifier sa décision, la Haute juridiction affirme que pour qu’une personne morale puisse percevoir la rémunération afférente à l’expertise, il faut qu’elle ait été elle-même désignée. Or, en l’espèce, l’employeur, en qualité de personne morale, n’était pas l’expert inscrit sur la liste de la cour d’appel et habilité à être désigné en qualité d’expert judiciaire et à facturer ses prestations.  

Autrement dit, si l’employeur a été lui-même inscrit sur la liste de la cour d’appel en qualité d’expert judiciaire, son salarié peut être tenu, par son contrat de travail, de lui reverser les sommes perçues lors de ces missions d’expertises judiciaires.

Pour aller plus loin : v. É. Vergès, ÉTUDE : La preuve civile, Les mesures d'instructions ordonnées par le juge durant le procès, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E9366B4N.

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