Le Quotidien du 19 octobre 2022 : Syndicats

[Brèves] Société européenne : participation des syndicats au conseil de surveillance

Réf. : CJUE, 18 octobre 2022, aff. C-677/20 N° Lexbase : A68958P3

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N2986BZM

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par Charlotte Moronval

le 18 Octobre 2022

► La transformation d’une société de droit national en société européenne ne doit pas réduire la participation des syndicats à la composition du conseil de surveillance.

Telle est la solution retenue par la Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt en date du 18 octobre 2022. La Cour précise que lorsque le droit national impose, pour la société à transformer, un scrutin distinct pour élire les représentants des travailleurs proposés par les syndicats, une telle modalité électorale doit être maintenue.

Dans les faits. Deux syndicats allemands, contestent devant les juridictions allemandes les modalités de désignation des représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance d’une société européenne, lequel est composé de manière paritaire de membres représentant les actionnaires et les travailleurs.

Les modalités litigieuses ont été convenues entre la société et le groupe spécial de négociation constitué en son sein dans le cadre de la transformation de la société, jusque-là société anonyme de droit allemand, en société européenne. Elles prévoient que, en cas de réduction du nombre des membres du conseil de surveillance de dix-huit à douze, les syndicats peuvent encore proposer des candidats pour une partie des six sièges attribués aux représentants des travailleurs, ces candidats n’étant toutefois plus élus sur la base d’un scrutin distinct de celui mis en place pour l’élection des autres membres représentant les travailleurs. Dès lors, la présence effective d’un représentant des syndicats parmi les représentants des travailleurs au sein de ce conseil de surveillance n’est plus garantie.

Saisie de l’affaire, la Cour fédérale du travail allemande estime que, sur le fondement du seul droit allemand, il y aurait lieu de faire droit à la demande des deux syndicats et d’annuler les modalités litigieuses. En effet, selon le droit allemand, lors de la constitution d’une société européenne par transformation, les éléments d’une procédure d’implication des travailleurs, qui caractérisent l’influence des travailleurs sur la prise de décision au sein d’une société, doivent subsister dans une mesure équivalente.

L’application d’un scrutin distinct pour l’élection des candidats proposés par les syndicats aurait précisément pour but de renforcer l’influence des représentants des travailleurs sur la prise de décision au sein d’une entreprise, en garantissant que, parmi ces représentants, figurent des personnes disposant d’un degré élevé de connaissance des conditions et des besoins de l’entreprise tout en disposant d’une expertise externe.

La question préjudicielle. Ayant des doutes sur la question de savoir si la Directive n° 2001/86 N° Lexbase : L5882A4M, complétant le statut de la société européenne pour ce qui concerne l’implication des travailleurs, ne prévoit pas un niveau de protection uniforme différent et moins élevé que celui prévu en droit allemand et qui s’imposerait, le cas échéant, à tous les États membres, la Cour fédérale du travail a demandé à la Cour de justice d’interpréter cette Directive.

Aux termes de celle-ci, dans le cas d’une société européenne constituée par transformation, l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs applicable à cette SE doit prévoir, pour tous les éléments de l’implication des travailleurs, un niveau au moins équivalent à celui qui existe dans la société qui doit être transformée en SE.

Les précisions de la CJUE. La Cour constate que l’accord portant sur les modalités relatives à l’implication des travailleurs applicable à une société européenne créée par transformation doit prévoir un scrutin distinct pour élire, en tant que représentants des travailleurs au sein du conseil de surveillance de la société européenne, une certaine proportion de candidats proposés par les syndicats, dès lors que le droit national applicable impose un tel scrutin distinct en ce qui concerne la composition du conseil de surveillance de la société devant être transformée en société européenne.

La Cour souligne que le législateur de l’Union a considéré que la grande diversité des règles et des pratiques existant dans les États membres en ce qui concerne la manière dont les représentants des salariés sont impliqués dans le processus de prise de décision des sociétés rendait inopportune l’instauration d’un modèle européen unique d’implication des salariés applicable aux sociétés européennes. Ainsi, il a entendu écarter le risque que la constitution d’une société européenne, notamment par voie de transformation, conduise à un affaiblissement, voire même à une disparition, des droits d’implication dont les travailleurs de la société à transformer en société européenne bénéficiaient en vertu de la législation et/ou de la pratique nationales.

La Cour précise, par ailleurs, que le droit de proposer une certaine proportion des candidats aux élections des représentants des travailleurs au sein d’un conseil de surveillance d’une société européenne créée par transformation, telle que SAP, ne peut être réservé aux seuls syndicats allemands, mais doit être étendu à tous les syndicats représentés au sein de la société européenne, ses filiales et ses établissements, de manière à assurer l’égalité entre ces syndicats en ce qui concerne ce droit.

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