Réf. : Cass. civ. 3, 28 septembre 2022, n° 21-18.007, F-D N° Lexbase : A08158M7
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par Vincent Téchené
le 18 Octobre 2022
► L'exercice du droit de préférence prévu par une cause du bail en cas de vente de l’immeuble ayant pour effet de substituer le locataire dans les droits et obligations de l'acquéreur évincé, celui-ci est tenu de payer la totalité du prix convenu avec l'acquéreur évincé, y compris la commission de l'agent immobilier.
Faits et procédure. La propriétaire d'un immeuble dans lequel des locaux commerciaux ont été donnés à bail a consenti une promesse de vente de l'immeuble à une société tierce.
Le bail commercial comportant une clause de préférence au profit de la locataire, la propriétaire lui a notifié l'offre de vente aux clauses et conditions acceptées par le candidat acquéreur, à savoir un prix augmenté des honoraires de l'agent immobilier. La locataire a accepté l'offre, à l'exception des honoraires, et a assigné la propriétaire en constatation de la vente à son profit.
La cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 18 mars 2021, n° 18/03890 N° Lexbase : A74184LC) ayant rejeté les demandes de la locataire, cette dernière a formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation, approuvant l’arrêt d’appel, rejette le pourvoi.
La cour d'appel a, en effet, relevé que la clause de préférence stipulée au bail commercial imposait au propriétaire, d'une part, de faire connaître au locataire, avant de réaliser la vente de l'immeuble, l'identité de l'intéressé avec lequel il serait d'accord, le prix offert par celui-ci et les conditions générales et particulières de la vente projetée, d'autre part, de donner la préférence au locataire sur tous autres amateurs à égalité de prix et aux mêmes modalités et conditions.
Selon la Haute juridiction, elle a ainsi souverainement retenu que l'exercice du droit de préférence prévu au bail ayant pour effet de substituer la locataire dans les droits et obligations de l'acquéreur évincé, celle-ci était tenue de payer la totalité du prix convenu avec l'acquéreur évincé, y compris la commission de l'agent immobilier.
Par conséquent, la Cour de cassation en conclut que, ayant constaté que la propriétaire avait informé la locataire de son projet de vente pour le prix, frais d'agence inclus, offert par le candidat acquéreur, et que la locataire n'avait offert de payer que le prix hors frais d'agence, elle en a exactement déduit qu'elle n'avait pas valablement exercé son droit de préférence conventionnel.
Observations. On remarquera ici tout de suite la différence entre l’exercice par le locataire d’un droit de préférence conventionnel, comme dans l’espèce rapportée, et le droit de préemption légal d’ordre public (Cass. civ. 3, 28 juin 2018, n° 17-14.605, FS-P+B+I N° Lexbase : A1598XUQ, J. Prigent, Lexbase Affaires, juillet 2018, n° 559 N° Lexbase : N4790BXP), insaturé par la loi « Pinel » (loi n° 2014-626, du 18 juin 2014 N° Lexbase : L4967I3D ; C. com., art. L. 145-46-1 du Code de commerce N° Lexbase : L4529MBD).
En effet, contrairement à la solution retenue dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation, s’agissant du droit de préemption légal, a précisé que le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation (Cass. civ. 3, 28 juin 2018, n° 17-14.605, FS-P+B+I, préc.). Ceci étant, la seule mention dans la notification de vente, en sus du prix principal, du montant des honoraires de l'agent immobilier, laquelle n’a introduit aucune confusion dans l'esprit du preneur, qui savait ne pas avoir à en supporter la charge, n'est pas une cause de nullité de l'offre de vente (Cass. civ. 3, 23 septembre 2021, n° 20-17.799, FS-B N° Lexbase : A452147L, P. de Platter, Lexbase Affaires, novembre 2021, n° 694 N° Lexbase : N9307BYD).
On relèvera également qu’ici, le droit de préemption légal ne pouvait s’appliquer puisqu’on se trouvait dans le cas d’une exclusion expressément prévue par l’article L. 146-46-1, alinéa 6 : la cession globale d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux. Sur ce point, deux réponses ministérielles successives ont affirmé que « permettre au locataire d’exercer son droit de préférence sur l’ensemble immobilier vendu constituerait une extension de ce droit limité par la loi au seul local commercial où il exerce son activité » (QE n° 92592 de Mme Frédérique Massat, JOANQ 26 janvier 2016, réponse publ. 12 avril 2016 p. 3106, 14ème législature N° Lexbase : L7659K7S ; QE n° 98594 de M. Didier Quentin, JOANQ 30 août 2016, réponse publ. 6 décembre 2016 p. 10078, 14e législature N° Lexbase : L7101LBM).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les obligations du bailleur du bail commercial, Le droit de préférence du preneur en cas de cession de l'immeuble, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E9457ETG. |
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