Le Quotidien du 9 septembre 2022 : Données personnelles

[Brèves] Condamnation de la France par la CEDH après la collecte et la conservation de données personnelles fondées sur des suppositions relatives à l’orientation sexuelle d’un candidat au don du sang

Réf. : CEDH, 8 septembre 2022, Req. n° 3153/16 et 27758/18, Drelon c. France N° Lexbase : A23788HK

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N2521BZE

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[Brèves] Condamnation de la France par la CEDH après la collecte et la conservation de données personnelles fondées sur des suppositions relatives à l’orientation sexuelle d’un candidat au don du sang. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/88086067-breves-condamnation-de-la-france-par-la-cedh-apres-la-collecte-et-la-conservation-de-donnees-personn
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par Laïla Bedja

le 08 Septembre 2022

► La collecte et la conservation, par l’Établissement français du sang, de données personnelles reflétant l’orientation sexuelle supposée du requérant, mais dépourvues de base factuelle avérée entraînent une violation de l’article 8 de la CESDH (droit au respect de la vie privée et familiale).

Les faits et procédure. En 2004, alors qu’il souhaite donner son sang, le requérant a refusé, au cours de l’entretien médical préalable, de répondre quand il lui avait été demandé s’il avait déjà eu un rapport sexuel avec un homme. La possibilité de procéder au don lui a été refusée et dans un fichier informatique, il fut renseigné la contre-indication au don « FR08 », correspondant à celle qui était prévue, à l’époque, pour les hommes ayant eu un rapport sexuel avec un autre homme.

En 2006, un nouveau refus lui est opposé au regard de la mention dans son dossier informatique. Après un dépôt de plainte du requérant auprès des juridictions françaises, la chambre de l’instruction de la cour d’appel jugea que les faits dénoncés n’étaient pas constitutifs d’une discrimination pénalement répréhensible.

La Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant, au motif que le traitement de données litigieux était prévu par l’article 8, II, 6e de la loi du 6 janvier 1978 et qu’il ne relevait donc pas du domaine de l’incrimination prévue à l’article 226-19 du Code pénal (Cass. crim., 8 juillet 2015, n° 13-86.267, FS-P+B N° Lexbase : A7517NMD, lire N° Lexbase : N8525BUB).

En 2016, une nouvelle tentative de don est effectuée et de nouveau refusée. Le requérant forma ensuite deux recours contre la nomenclature des contre-indications. Les deux furent rejetés. La Cour européenne écarte la requête sur ce point, l’arrêté du 5 avril 2016, entrant en vigueur le 10 juillet 2016 et la tentative de don étant antérieure (26 mai 2016).

La décision. En premier lieu, la cour relève qu’alors que le requérant avait refusé de répondre aux questions relatives à sa sexualité lors de l’entretien médical préalable au don, le traitement de données a été renseigné par la contre-indication au don propre aux hommes ayant eu un rapport sexuel avec un homme. Elle en déduit que les données collectées, fondées sur de simples spéculations, ne reposaient sur aucune base factuelle avérée. En effet, le requérant s’est vu appliquer une contre-indication propre aux hommes ayant eu un rapport sexuel avec un homme au seul motif qu’il avait refusé de répondre à des questions relatives à sa sexualité lors de l’entretien médical préalable au don. Aucun des éléments soumis à l’appréciation du médecin ne lui permettait de tirer une telle conclusion sur ses pratiques sexuelles.

En second lieu, après avoir relevé que le Gouvernement ne démontrait pas que la durée de conservation des données litigieuses (jusqu'en 2278 à l’époque des faits litigieux) était encadrée de telle sorte qu’elle ne puisse pas excéder celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles avaient été collectées, la Cour juge que la durée excessive de conservation des données litigieuses a rendu possible leur utilisation répétée à l’encontre du requérant, entraînant son exclusion automatique du don de sang.

Concernant l’interdiction aux hommes homosexuels de procéder à un don, il convient de préciser qu’après une réduction de la période d’abstinence de un an à quatre mois en 2019, elle a été complètement supprimée avec l’absence de toute référence à l’orientation sexuelle dans les questionnaires d’entretien préalable au don (arrêté du 11 janvier 2022 modifiant l'arrêté du 17 décembre 2019, fixant les critères de sélection des donneurs de sang N° Lexbase : L4778MA9).

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