Le Quotidien du 9 septembre 2022 : Fiscalité internationale

[Brèves] Retenue à la source sur des sommes correspondant à des prestations artistiques en France : « Les vieilles Canailles » sur le devant de la scène

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 5 juillet 2022, n° 455789, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A916579C

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[Brèves] Retenue à la source sur des sommes correspondant à des prestations artistiques en France : « Les vieilles Canailles » sur le devant de la scène. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/86647688-breves-retenue-a-la-source-sur-des-sommes-correspondant-a-des-prestations-artistiques-en-france-les-
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par Marie-Claire Sgarra

le 08 Septembre 2022

Dans le cadre d’un litige portant sur une société redevable ayant coproduit un spectacle, auquel a participé un l’artiste Johnny Hallyday, le Conseil d’État a jugé que l’ensemble des sommes facturées par la société américaine à la société contribuable en contrepartie de prestations de services doivent être soumises à la retenue à la source prévue à l’article 182 A bis du CGI, sans qu’ait d’incidence à cet égard l’absence de lien juridique direct entre la société contribuable et l’artiste.

Les faits :

  • la société Encore B a coproduit avec la société Valéry Zeitoun Productions un spectacle intitulé « Les vieilles Canailles », auquel a participé Johnny Hallyday ;
  • en vertu d’un contrat de prestation de services et de cession de droits conclu avec la société Encore B, la société américaine Bornrocker Inc. s'engageait à ce que Johnny Hallyday participe aux répétitions et représentations, assurait la validation des différents aspects du spectacle et la gestion du planning des représentations et concédait aux producteurs les droits de propriété intellectuelle pour la promotion du spectacle ;
  • la société Bornrocker bénéficiant, en contrepartie, d'une avance minimum garantie de 1 500 000 euros hors taxes qui lui a été versée en six échéances, à l'issue de chaque représentation, la société Encore B a déclaré une retenue à la source sur une base de 900 000 euros correspondant aux seuls salaires versés par Bornrocker à Johnny Hallyday ;
  • à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que la retenue à la source devait être assise sur la totalité des sommes versées à la société Bornrocker et a mis à la charge de la société Encore B un complément de retenue à la source au titre des années 2014 et 2015, ainsi que la majoration pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du CGI ;
  • après rejet de sa réclamation, la société Encore B a porté le litige devant le tribunal administratif de Paris qui a partiellement rejeté sa demande par un jugement du 17 avril 2019 ; la société Encore B se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre l'article 2 de ce jugement (CAA Paris, 24 juin 2021, n° 19PA01920 N° Lexbase : A50094XS).

Législation française. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source les sommes payées, y compris les salaires, en contrepartie de prestations artistiques fournies ou utilisées en France, par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente (CGI, art. 182 A bis N° Lexbase : L6956LZN). Relèvent de ces dispositions les prestations artistiques ainsi que les prestations qui en constituent l'accessoire indissociable.

Dispositions de la convention fiscale franco-américaine N° Lexbase : E1957EUZ :

  • les bénéfices d'une entreprise d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé (art. 7) ;
  • les redevances provenant d'un État contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l'autre État contractant ne sont imposables que dans cet autre État (art. 12) ;
  • lorsque les revenus d'activités qu'un artiste du spectacle ou un sportif exerce personnellement et en cette qualité sont attribués non pas à l'artiste ou au sportif lui-même mais à une autre personne, qu'elle soit ou non un résident d'un État contractant, ces revenus sont imposables, nonobstant les dispositions des articles 7 (bénéfices des entreprises), 14 (professions indépendantes) et 15 (professions dépendantes), dans l'État contractant où les activités de l'artiste ou du sportif sont exercées (art. 17).

Solution du Conseil d’État. Après avoir relevé par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que les sommes facturées par la société Bornrocker à la société Encore B l'avaient été en contrepartie de prestations artistiques fournies par Johnny Hallyday en France et que cette facturation par la société Bornrocker ne trouvait aucune contrepartie dans une intervention de cette dernière distincte de ces prestations artistiques, la cour a pu, sans erreur de droit, en déduire que la convention franco-américaine ne faisait pas obstacle à l'imposition en France des revenus tirés de cette activité personnelle d'artiste du spectacle.

Le pourvoi de la société Encore B est rejeté.

Précisions. S’agissant de l’application de l’article 155 A du CGI N° Lexbase : L2518HLT. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières :

  • soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ;
  • soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ;
  • soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.

Le Conseil d’État a jugé que les dispositions de l'article 155 A du CGI visent uniquement l'imposition des services essentiellement rendus par une personne établie ou domiciliée en France et ne trouvant aucune contrepartie réelle dans une intervention propre d'une personne établie ou domiciliée hors de France. En l'absence d'une telle contrepartie permettant de regarder les services concernés comme rendus pour le compte de cette dernière personne, les dispositions de l'article 155 A du CGI ne sauraient porter atteinte au principe de liberté de prestation de services (CE, 3°-8° ssr., 4 décembre 2013, n° 348136, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8496KQQ).

Lire en ce sens : Questions à C. Gerschel et J. Lebel, Le droit à l'image des sportifs : enjeux fiscaux, Lexbase Fiscal, avril 2015, n° 607 N° Lexbase : N6681BUY.

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