Le Quotidien du 6 septembre 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Accusations de viol visant Richard Berry : vif débat autour du classement sans suite de la procédure

Lecture: 6 min

N2499BZL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[A la une] Accusations de viol visant Richard Berry : vif débat autour du classement sans suite de la procédure. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/88044102-a-la-une-accusations-de-viol-visant-richard-berry-vif-debat-autour-du-classement-sans-suite-de-la-pr
Copier

par Vincent Vantighem

le 21 Septembre 2022

C’est assez rare pour être souligné : mercredi 31 août, une décision de justice est parvenue à satisfaire toutes les parties en présence. Celle qui accusait et celle qui défendait. En l’espèce, celle qui défendait l’acteur Richard Berry visé, depuis janvier 2021, par des accusations de viols portées par sa fille, Coline, lorsque celle-ci était enfant. La décision en question est un classement sans suite de toute la procédure notifiée par le parquet de Paris, mercredi, pour cause de prescription de l’action publique. Qu’elle satisfasse la défense de Richard Berry embourbé dans cette histoire d’inceste depuis dix-huit mois, cela tombe sous le sens ! Mais qu’elle soit saluée par la défense de Coline Berry, c’est beaucoup plus surprenant….

            Et pourtant, Patrick Klugman, l’avocat de Coline Berry n’y est pas allé par quatre chemins pour commenter ce classement. « Coline Berry a dénoncé les faits effroyables qu’elle a subis dans son environnement familial pendant une grande partie de sa jeunesse, en sachant parfaitement qu’ils étaient prescrits. Je salue la décision du parquet, qui après une enquête longue et minutieuse, prend acte de la prescription et les estime ainsi suffisamment caractérisés et donc vraisemblables. Personne ne pourra plus dire que Coline Berry est une menteuse, mais simplement que les faits ne peuvent plus être poursuivis. C’est la seule chose que nous demandions », a-t-il indiqué.

            « Suffisamment caractérisés » ? « Vraisemblables » ? Pour bien comprendre, il faut remonter le temps. Jusqu’en janvier 2021. À l’époque, Coline Berry dépose une plainte à Paris contre son père, Richard, pour des faits de « viols par ascendant ». Elle explique que son père a abusé d’elle lorsqu’elle était âgée de six à dix ans. Soit entre 1982 et 1986. À l’époque, le comédien était en couple avec Jeane Manson, une chanteuse américaine. Dans sa plainte, puis dans les colonnes du Monde quelques jours plus tard, et sur les ondes de BFM, Coline Berry expliquait alors que son père l’avait forcée à avoir des relations sexuelles, notamment le week-end, sous couvert d’un sordide jeu baptisé « le jeu de l’orchestre ». À l’époque, Richard Berry a démenti via un simple communiqué diffusé sur les réseaux sociaux avant de se résoudre à ne plus accorder la moindre expression publique. Et surtout avant d’être entendu, en audition libre, sur le sujet par la brigade de protection des mineurs, le 14 juin.

Derrière l’affaire, une circulaire du ministère de la Justice

            Nous en étions donc là, mercredi 31 août, quand le parquet a finalement confirmé que l’enquête était classée sans suite pour cause de prescription de l’action publique. Assez logique pour des faits remontant aux années 1980, c’est-à-dire à quatre décennies. Mais alors, pourquoi Patrick Klugman considère-t-il que les faits dénoncés par sa cliente sont « suffisamment caractérisés » ou « vraisemblables » ? Sans manquer au passage d’ulcérer Hervé Témime, l’avocat de Richard Berry : « Contrairement à ce qui a pu être indiqué à tort, rien ne permet de dire que les faits sont établis. Le parquet ne l’a pas dit et n’avait d’ailleurs pas à le dire… »

            Mais alors, qui a raison ? Personne et tout le monde… Dans les faits, le parquet de Paris a classé sans suite pour prescription de l’action publique, estimant donc que « le délai fixé par la loi pour pouvoir juger les faits était dépassé ». Sans prendre position, donc, d’un côté ou de l’autre. Mais le parquet aurait pu indiquer un autre motif de classement. Il aurait pu estimer que l’infraction dénoncée par Coline Berry était « insuffisamment caractérisée », voire qu’elle était « absente ». Mais il ne l’a pas fait…

           En réalité, le parquet n’a fait que suivre les directives de son ministère de tutelle. Dans cette histoire, le parquet de Paris s’est appuyé sur une circulaire rédigée et diffusée par Éric Dupond-Moretti, le garde des Sceaux, le 26 février 2021. Celle-ci précise justement les contours des motifs de classement sans suite des procédures dans une période de libération de la parole des femmes contre les violences sexistes et sexuelles. Que dit cette circulaire exactement ? En cas de classement sans suite, « le motif de la prescription doit être coché uniquement […] lorsque les faits révélés ou dénoncés dans la procédure constituent bien une infraction mais que le délai fixé par la loi pour pouvoir les juger est dépassé ». Comme si cela manquait de clarté, la garde des sceaux a tenu à souligner dans sa circulaire les mots « constituent bien une infraction ».

« Un peu limite » et « fort de café ! »

            Autrement dit : si le parquet a classé pour prescription, c’est bien que « les faits dénoncés constituaient une infraction ». Sauf qu’il faut modérer cette affirmation un peu péremptoire… « Sur des faits aussi anciens, on sait bien que la prescription est acquise dès le dépôt de la plainte, décrypte un fin connaisseur de la procédure judiciaire. Dans ce cas-là, il y a bien une enquête. Mais elle est sans doute moins précise et minutieuse que s’il y avait un vrai risque que cela aboutisse à un procès… De là à conclure que les faits sont caractérisés, c’est donc un peu limite… »

            D’autant plus que cette conclusion tirée par Patrick Klugman, l’avocat de Coline Berry, ne laisse pas vraiment la place au contradictoire, si cher aux avocats de la défense. « Dire que c’est établi sans pouvoir se défendre par exemple lors d’un procès, c’est un peu fort de café ! », s’étrangle l’un d’entre eux. En définitive, on pourrait résumer la situation en trois points clairs : la procédure a été classée parce que les faits sont prescrits ; cela ne veut pas dire que les faits n’ont jamais eu lieu ; mais cela ne veut pas dire que l’enquête a permis de les démontrer avec certitude….

Le débat va se poursuivre à Riom

            Quoi qu’il en soit, le débat ne devrait pas s’arrêter là. Car il y a une affaire dans l’affaire. Pour avoir porté ses accusations contre son père, Coline Berry a été poursuivie en diffamation. Et le 14 avril dernier, le tribunal judiciaire d’Aurillac (Cantal) l’a condamnée à 2 000 euros d’amende et à verser 20 000 euros de dommages et intérêts à Jeane Manson, l’ex-compagne de Richard Berry, éclaboussée par toute cette affaire.

            La fille du comédien a fait appel de cette décision. Un nouveau procès doit se tenir le 9 novembre devant la cour d’appel de Riom (Puy-de-Dôme). Fort de ce classement sans suite et de son analyse, Patrick Klugman attend ça avec impatience. « Coline Berry a trouvé en face d’elle un système remarquablement puissant, orchestré par son père, pour l’interdire de parole. Ce système a même fait de Coline Berry, victime, une personne condamnée pour avoir dénoncé ce qu’elle a vécu. Nous attendons désormais que la cour de Riom rétablisse l’honneur et de la dignité de Coline Berry qui ont été bafoués par la procédure bâillon. »

Pour aller plus loin : V. Vantighem, Trois questions pour comprendre la condamnation de Coline Berry pour diffamation, Lexbase Pénal, avril 2022 N° Lexbase : N1292BZU.
 

newsid:482499

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.