Le Quotidien du 20 juillet 2022 : Procédure civile

[Jurisprudence] Utilisation de l’annexe dans la déclaration d’appel : les précisions de la Cour de cassation

Réf. : Cass. avis, 8 juillet 2022, n° 22-70.005, FS-B N° Lexbase : A72698AH

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N2262BZS

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[Jurisprudence] Utilisation de l’annexe dans la déclaration d’appel : les précisions de la Cour de cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/86589888-0
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par Yannick Ratineau, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, Directeur adjoint de l’Institut d’Études Judiciaires de Grenoble, Centre de Recherches Juridiques – EA 1965

le 06 Novembre 2023

Mots-clés : appel • déclaration d’appel • annexe • décret n° 2022-245, du 25 février 2022 • communication électronique • application dans le temps

Dans son avis du 8 juillet 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation indique, d’une part, que le décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 sont immédiatement applicables aux déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré ; d’autre part, qu’une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du Code de procédure civile même en l'absence d'empêchement technique.


 

Depuis le 1er septembre 2017, l’ensemble des déclarations d’appel introduites le sont au moyen d'une annexe. Pourquoi ? Parce que l'article 901 du Code de procédure civile [1], modifié par le décret n° 2017-891, du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile [2], précise que la déclaration d'appel est faite par un acte contenant, notamment, « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

Or, le problème qui est apparu dès les premières déclarations d'appel réside dans la capacité limitée du RPVA. En effet, lorsque les chefs du jugement critiqués dépassent 4 080 caractères – limite maximale du RPVA – l'acte d'appel ne peut être adressé, générant un message de refus d'enregistrement. Il faudra donc attendre une circulaire de la chancellerie en date du 4 août 2017 [3] pour qu’une solution se dessine, celle-ci disposant que, « dans la mesure où le RPVA ne permet l'envoi que de 4 080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d'appel une pièce jointe la complétant afin de lister l'ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fera ainsi corps avec la déclaration d'appel ».

Nombre d'avocats ont donc renseigné les éléments d'identification des appelants, des intimés et de la décision attaquée, comme d'habitude par voie électronique, et ont annexé un fichier joint afin de préciser les chefs de jugement critiqués. Le problème est que la circulaire précitée conditionne la possibilité de joindre une annexe à la déclaration d’appel à la contrainte technique liée aux 4 080 caractères.

Et c'est ainsi que devait naître un contentieux particulièrement nourri de l'annexe à la déclaration d'appel qui a divisé les cours d'appel. Souhaitant mettre visiblement fin à une pratique qui devait rester exceptionnelle, mais qui s’était en réalité généralisée, la Cour de cassation a affirmé que les chefs de jugement critiqués doivent figurer dans la déclaration d'appel qui est un acte de procédure se suffisant à lui seul, et que l'appelant peut la compléter par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer, à la condition de justifier d'un empêchement technique [4]. Cette jurisprudence, qui a fortement déstabilisé les avocats, était pourtant prévisible au regard de la position de la Cour de cassation en matière de cause étrangère où elle avait déjà affirmé que la possibilité de mentionner les chefs critiqués dans un acte séparé n'est ouverte que lorsqu'il est démontré une impossibilité technique, ce qui est le cas lorsque le fichier joint excède la taille de 4 Mo et qu'il ne peut en conséquence être envoyé par voie électronique [5].

À la suite de l’arrêt du 13 janvier 2022, le décret n° 2022-245, du 25 février 2022, favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et modifiant diverses dispositions N° Lexbase : L5564MBP, accompagné d’un arrêté du même jour modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel [6], était alors intervenu pour modifier le contenu de l’article 901 du Code de procédure civile, qui disposait désormais en son alinéa 1er que : « La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité […] ».

Ainsi, à compter du 27 février 2022 date d’entrée en vigueur de ces textes, la déclaration d'appel devenait un acte de procédure qui, le cas échéant lorsque la communication électronique est imposée, peut prendre la forme de deux fichiers, un fichier XML (qui fait l’objet d’un traitement automatisé) et un fichier PDF contenant une annexe éventuelle [7].

Le 13 avril dernier, la Cour de cassation était saisie d’une demande d'avis par la cour d'appel de Paris, dans une instance opposant un plaideur à deux sociétés.

En l’espèce, la cour d’appel de Paris posait deux questions à la Cour de cassation. La première était relative à l’application des dispositions du décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel aux déclarations d'appel formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes. La seconde portait sur la possibilité pour l’appelant de joindre à sa déclaration d’appel une annexe en l’absence d’empêchement technique.

Dans son avis du 8 juillet 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation répond, à la première question, que les nouvelles dispositions régissent, dans les instances en cours, les déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur et qu'elles ont pour effet de conférer validité aux déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré ; à la deuxième question, qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du Code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique.

L’avis rendu le 8 juillet 2022 mérite d’être commenté sur les deux points de réponse apportés par la Cour de cassation à la demande dont elle était saisie. Il conviendra donc d’aborder en premier lieu la question de l’application dans le temps des dispositions du décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et de l'arrêté du même jour (I), et dans un second temps, celle de la généralisation de la possibilité pour l’appelant de compléter sa déclaration d’appel par une annexe, même en l’absence d’un empêchement technique (II).

I. Application dans le temps des dispositions du décret et de l’arrêté du 25 février 2022

Il était acquis que les dispositions résultant du décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et de l’arrêté du même jour modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, entrées en vigueur le lendemain de leur publication (soit le 27 février 2022), étaient en principe applicables aux instances en cours, ce qui avait notamment pour effet de régulariser les déclarations d’appel antérieures dès lors que l’instance était en cours et que la déclaration d’appel renvoyait expressément au fichier joint listant les chefs du jugement. Si la Cour de cassation confirme cette interprétation en reconnaissant que les dispositions litigieuses sont d’application immédiate dans les instances en cours (A), elle rejette l’éventualité d’appliquer ces dernières rétroactivement aux déclarations d’appel annulées par le conseiller de la mise en état ou la cour d’appel (B).

A. Application immédiate du décret et de l’arrêté du 25 février 2022 aux instances en cours

En l'absence de textes spécifiques, les conflits résultant de l’application des lois dans le temps en procédure civile obéissent à l'article 2 du Code civil, ce que rappelle la Cour de cassation. C’est à partir de ce texte que la jurisprudence a dégagé des solutions de principe, dont celle de l'application immédiate aux instances en cours [8].

En vertu de ce principe de l'application immédiate de la loi nouvelle, celle-ci peut être appliquée aux instances en cours et aux instances à venir, ce qui provoque l’exclusion de son champ d’application des actes valablement passés sous l'empire de la loi ancienne, lesquels ne peuvent pas être remis en cause par la loi nouvelle, ainsi que les actes irrégulièrement pris dans le passé, lesquels ne peuvent être validés par la loi nouvelle. Naturellement, la loi nouvelle ne peut davantage produire effet lorsqu’un pourvoi est pendant devant la Cour de cassation. S'agissant plus spécifiquement des modalités d'exercice du recours, comme pour les autres lois de forme, la loi applicable est la loi en vigueur à la date de l'acte [9].

Pour la Cour de cassation, l’application de la loi nouvelle aux instances en cours ne doit pas avoir pour conséquence de priver d'effet les actes qui ont été régulièrement accomplis sous l'empire de la loi ancienne [10], ce principe découlant tant du principe de non-rétroactivité de la loi que de l'exigence de protection des droits acquis, liée au principe de sécurité juridique. Elle ne peut donc s’appliquer qu’à des situations qui, ayant leur origine dans le passé, ne sont pas définitivement acquises. Toutes ces solutions de principe dégagées à propos de la loi sont naturellement applicables aux dispositions nouvelles issues d’actes réglementaires, ce qui est conforme à la jurisprudence du Conseil d’État qui décide de longue date que les décrets et arrêtés ne peuvent avoir un caractère rétroactif [11], ces derniers ne disposant que pour l’avenir [12].

Reste que, pour la Haute juridiction administrative, une réglementation nouvelle a, en principe, vocation à s'appliquer immédiatement, sous réserve, d'une part, du respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, d'autre part, de l'obligation qui incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Tel est le cas, par exemple, lorsque l'application immédiate des règles nouvelles de procédure, entraînerait, au regard de leur objet et de leurs effets, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause [13].

B. Rejet de l’application rétroactive du décret et de l’arrêté du 25 février 2022

Le principe de non-rétroactivité des lois en procédure civile s’impose au pouvoir réglementaire, ainsi qu’aux juges et aux parties. Seul le législateur peut s’y soustraire. Cela tient au fait que, contrairement à la matière pénale au sein de laquelle ce principe a une valeur constitutionnelle et conventionnelle, il n'a qu’une valeur législative en matière civile, de sorte que le législateur peut y déroger pour édicter des lois rétroactives. Toutefois, pour qu’une loi de procédure civile puisse s’appliquer de manière rétroactive, encore faut-il que le législateur manifeste nettement sa volonté en ce sens dans la loi nouvelle, auquel cas elle sera appliquée par le juge, conformément à l'article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4.

Au regard de ce qui vient d’être dit, l’on ne peut donc qu’être surpris de constater que la Cour de cassation prend bien soin d’écarter cette hypothèse alors même que la question de l’application rétroactive des dispositions issues du décret et de l’arrêté du 25 février 2022 ne lui était nullement posée. La Cour de cassation, à l’image de ce pauvre chat dans l’expression populaire « chat échaudé craint l’eau froide », s’inquiéterait-elle d’une possible intervention législative tendant à introduire la possibilité d’appliquer les solutions retenues par le décret et l’arrêté du 25 février 2022 de manière rétroactive ? L’hypothèse prête à sourire, et pourtant, les dispositions du décret et de l’arrêté du 25 février 2022 ont été prises en réaction à l’arrêt que la Cour de cassation a rendu le 13 janvier 2022.

Peut-être la Cour de cassation souhaite-t-elle ainsi rappeler au législateur que la possibilité dont il dispose de se soustraire au principe de non-rétroactivité des lois nouvelles trouve une limite dans la prohibition des lois ayant pour effet la remise en cause des décisions de justice passées en force de chose jugée, laquelle a été consacrée par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 [14] ? Il nous semble plus probable que la Cour de cassation, de manière implicite le plus souvent, se contente de rappeler aux juges du fond et aux avocats la distinction qu’il convient d’opérer entre l’application immédiate d’une norme nouvelle en procédure civile et son application rétroactive, soucieuse d’endiguer préventivement un contentieux futur dont elle pourrait être éventuellement saisie.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’argumentation de la Cour de cassation lorsqu’elle prend la peine de préciser que, si ces textes réglementaires ne peuvent remettre en cause des actes régulièrement accomplis sous l'empire de textes antérieurs, ils peuvent, en revanche, conférer validité à des actes antérieurs, pour autant qu'ils n'ont pas, à la suite d'une exception de nullité, été annulés par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré ; ou lorsque, dans la réponse qu’elle apporte à la première question dont elle est saisie, elle réaffirme que, si les nouvelles dispositions régissent, dans les instances en cours, les déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur et qu'elles ont pour effet de conférer validité aux déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, pour autant qu’elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

II. La généralisation de l’annexe actée par la Cour de cassation ?

Dans son avis du 8 juillet 2022, la Cour de cassation semble prendre acte de ce que le recours à l’annexe est généralisé par la suppression de l’exigence d’un empêchement technique qui conditionnait jusqu’à présent son utilisation (A). Toutefois, la rédaction même de l’avis laisse planer des zones d’ombre, et nous nous permettrons donc quelques recommandations relatives au formalisme de la déclaration d’appel et de son annexe (B).

A. La possibilité de recourir à l’annexe même en l’absence d’empêchement technique

L’on se souvient que, dans son arrêt du 13 janvier 2022, la Cour de cassation avait approuvé une cour d'appel d'avoir dit que le document joint (l’annexe) ne valait pas déclaration d'appel, en tempérant immédiatement, sauf à justifier d'un « empêchement technique à renseigner la déclaration ». Cette précision avait soulevé de nombreuses interrogations : l'annexe est-elle le complément de l'acte d'appel uniquement en cas de contrainte technique ? Lorsque l'avocat constate que les chefs de jugement qu'il va reprendre dépassent 4 080 caractères (ce qui concerne en pratique des dispositifs particulièrement longs), peut-il tous les mentionner directement sur une annexe qui fait corps avec la déclaration d'appel ou doit-il commencer par les préciser sur l'acte d'appel et poursuivre sur une annexe pour que celle-ci fasse corps avec l'acte d'appel ? Et à suivre le raisonnement qui était proposé alors par la haute juridiction, puisque la déclaration d'appel « est un acte de procédure se suffisant à lui seul » lorsqu'y sont mentionnés les chefs de jugement critiqués, une déclaration d'appel avec seulement les éléments d'identification des parties et la décision attaquée peut-elle être complétée, en cas de contrainte technique, par une annexe sur laquelle figure l'ensemble des chefs de jugement ? Plusieurs solutions s’offraient aux praticiens pour éviter une éventuelle sanction sans qu’aucune ne soit clairement satisfaisante, y compris sur le renvoi à l’annexe qui a donné lieu à des pratiques disparates selon les ressorts. Si certains cabinets ont préféré inclure une phrase de type « compte tenu de la contrainte technique liée au nombre limité de caractères, une annexe à la déclaration d'appel est établie », d’autres se sont contentés d’une simple indication du renvoi à une annexe dans la déclaration d’appel. De ce point de vue, la reconnaissance par la Cour de cassation, de la possibilité d’utiliser l’annexe même en l’absence d’empêchement technique est un soulagement. Deux observations doivent toutefois être faites.

La première porte sur le fait que la Cour de cassation rappelle le pouvoir réglementaire à ses obligations en ce qui concerne l’intelligibilité des textes qu’il produit en faisant remarquer que l'expression « le cas échéant » figurant à l'article 901 modifié par le décret du 25 février 2022 est ambigüe, et elle pourrait renvoyer à une condition d'utilisation de l'annexe, tel l'empêchement technique, lequel pourrait résulter du dépassement du nombre de caractères maximum prévus par le RPVA… L’on ne peut raisonnablement donner tort à la Haute juridiction de pointer ainsi la maladresse du pouvoir réglementaire qui procède une réforme en réaction à un arrêt de la Cour de cassation, sans finalement désavouer clairement la solution retenue par cette dernière en précisant, dans les textes, la pratique qu’il souhaite effectivement supprimer ou valoriser. Il faut savoir appeler un chat, un chat !

La deuxième porte sur le fait que la Cour de cassation sème le doute quant à la nécessité de mentionner expressément la présence d’une annexe dans la déclaration d’appel. En effet, l’on peine à comprendre la raison qui pousse la Haute juridiction à préciser, préalablement à son avis, que le présupposé introduit dans la formulation de la question, telle que posée par la cour d'appel de Paris, par la locution « dès lors que la déclaration d'appel mentionne expressément l'existence d'une annexe », doit être regardé comme une simple donnée du litige à l'occasion duquel a été formulée la demande d'avis. Faut-il comprendre que l’exigence d’une mention expresse de l’annexe dans la déclaration d’appel n’est plus d’actualité ? Il est vrai que l’article 901 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 25 février 2022 n’impose pas à l’appelant de mentionner expressément dans sa déclaration d’appel l’existence d’une annexe. Mais tel n'est pas le cas de l’article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020, tel que modifié par l'arrêté du 25 février 2022, qui précise que lorsqu'un document doit être joint à un acte (soit, en l'espèce, l'annexe qui liste les chefs du jugement critiqués), ledit acte doit renvoyer expressément à ce document.

Il est donc impératif que la déclaration d'appel (sous fichier XML) renvoie expressément à l'annexe contenant la liste des chefs du jugement critiqués. En l'absence de renvoi exprès, il y a tout lieu de penser que l'annexe ne fait pas corps avec la déclaration d'appel, ce qui signifie qu'il n'y aura pas d'effet dévolutif ! Il est regrettable que, dans un avis, la Cour de cassation trouve le moyen de distiller le doute sur un élément qui ne fait pas partie de l’équation qui lui est demandée de résoudre…

B. Le formalisme renouvelé de la déclaration d’appel… et son annexe

Dans sa décision du 13 janvier 2022, qui avait soulevé de vives critiques, la Cour de cassation avait considéré qu’un appel formé par une déclaration d’appel qui ne contient pas, dans le fichier XML lui-même, l’énoncé des chefs du jugement expressément critiqués jusqu’à hauteur de 4 080 caractères, éventuellement complété par un fichier PDF, ne produisait aucun effet dévolutif.

Désormais, au lendemain de l’entrée en vigueur des dispositions du décret et de l’arrêté du 25 février 2022, lesquels sont applicables immédiatement aux instances en cours, lorsque la communication électronique est imposée, la déclaration d’appel peut prendre la forme de deux fichiers, un fichier XML et un fichier PDF, contenant le cas échéant une annexe, qui doit comprendre obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du Code de procédure civile (autrement dit, les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 N° Lexbase : L8645LYT et par le cinquième alinéa de l’article 57 N° Lexbase : L9288LT8 ; la constitution de l’avocat de l’appelant ; l’indication de la décision attaquée ; et l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté). De fait, l’alinéa 5 de l’article 901 qui prévoit que « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible » ne figure pas parmi les mentions obligatoires dans le fichier XML de la déclaration d’appel.

Cette solution est logique puisque les chefs du jugement critiqués peuvent figurer dans une annexe jointe sous la forme d’un fichier PDF, sans aucune considération du nombre de caractères, et ce, contrairement à ce que la Cour de cassation avait affirmé dans son arrêt du 13 janvier 2022. L’annexe est en effet régulière quel que soit le nombre de signes qu’elle comporte, fut-il inférieur à 4 080 caractères et même si le fichier XML de la déclaration d’appel, qui, lui, est limité à 4 080 caractères, ne contient aucun chef de jugement critiqué. Il faut bien comprendre que, matériellement, les chefs du jugement critiqués peuvent figurer dans une annexe. Mais attention, si ce fichier PDF n’est pas joint et transmis à la cour d’appel avec le fichier XML, la sanction de l’absence d’effet dévolutif et de la nullité pour vice de forme s’appliqueront !

Concernant cette annexe justement, elle se présente sous la forme d’un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. Elle est communiquée sous la forme d’un fichier séparé de la déclaration d’appel XML. Pour faire corps avec la déclaration d’appel, l’arrêté du 25 février 2022 précise que lorsque l’annexe qui liste les chefs du jugement critiqués doit être joint à un acte, ledit acte doit renvoyer expressément à ce document. Il est donc impératif que la déclaration d’appel (le fichier XML) renvoie expressément à l’annexe contenant la liste des chefs du jugement critiqués. En l’absence de renvoi exprès, l’annexe ne fait pas corps avec la déclaration d’appel, ce qui signifie qu’il n’y aura pas d’effet dévolutif ! La nouvelle formulation de l’article 4 de l’arrêté semble aussi imposer un renvoi exprès au fichier PDF qui contient le jugement attaqué (l’article 901 du Code de procédure civile, dernier alinéa, rappelle que la déclaration d’appel est accompagnée d’une copie de la décision, mais il ne s’agit pas d’une formalité prévue à peine de nullité de la déclaration d’appel), à moins de considérer que l’indication contenue dans le fichier XML suffise à remplir cette exigence ! En cas de contradiction entre les mentions contenues dans la déclaration d’appel (fichier XML) et le document joint (annexe fichier PDF), les mentions de la déclaration d’appel XML prévalent sur le fichier PDF.

Si, au regard de l’article 901 du Code de procédure civile, l’annexe est toujours possible, il nous semble toutefois qu’il existe des hypothèses dans lesquelles elle n’est pas nécessaire (par exemple, lorsque les 4080 caractères du fichier XML suffisent à remplir la déclaration d’appel). Naturellement, outre le fait que la déclaration d’appel (fichier XML) doive impérativement contenir l’objet de l’appel, à savoir la réformation ou l’annulation, qui doit être expressément mentionné, la notification de l’annexe contenant les chefs du jugement critiqués à l’intimé en même temps que la déclaration d’appel s’impose pour garantir les droits de la défense.

À retenir : Les dispositions issues du décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et de l'arrêté du 25 février 2022 sont immédiatement applicables aux déclarations d'appel formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes, dès lors qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du conseiller de la mise en état qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.
Il est possible de joindre une annexe comportant les chefs de jugement critiqués à la déclaration d’appel, même en l’absence d’empêchement technique. La déclaration d’appel doit expressément renvoyer à l’annexe contenant la liste des chefs du jugement critiqués. En l'absence de renvoi exprès, l'annexe ne faisant pas corps avec la déclaration d'appel, il n'y aura donc pas d'effet dévolutif !

Néanmoins, il convient de relever qu’un changement majeur est intervenu récemment dans l’usage du RPVA. L’espace qui y était limité à 4080 signes pour régulariser une déclaration d’appel a été augmenté à hauteur à 8000 signes. En cas de dépassement de cette limite, un message d’alerte est généré.


[2] Décret n° 2017-891, du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile N° Lexbase : L2696LEL.

[3] Circ. DACS, NOR : JUSC1721995C du 4 août 2017, de présentation des dispositions du décret n° 2017-891, du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, modifié par le décret n° 2017-1227, du 2 août 2017 N° Lexbase : L6244LGD.

[4] Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B N° Lexbase : A14867IU, C. Bléry, Application inopportune de la notion d’accessoire à la déclaration d’appel, Lexbase Droit privé, janvier 2022 N° Lexbase : N0197BZC ; A. Martinez-Ohayon, Annexe à la déclaration d’appel : valable uniquement en présence d’un empêchement d’ordre technique !, Lexbase Droit privé, janvier 2022  N° Lexbase : N0084BZ7 ; D. 2022, 325, note M. Barba ; AJ fam. 2022, 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra.

[5] Cass. civ. 2, 16 novembre 2017, n° 16-24.864, FS-P+B+I N° Lexbase : A1935WZP.

[6] Arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel N° Lexbase : L5628MB3.

[7] Sur cette question et les enjeux pratiques qu’elle porte, Y. Joseph-Ratineau, Précisions des chefs de jugement critiqués dans le dispositif des conclusions d’appel : Tout va bien (ou presque), Lexbase Droit privé, mars 2022 N° Lexbase : N0911BZR sur Cass. civ. 2, 3 mars 2022, n° 20-20.017, F-B N° Lexbase : A24677P3.

[8] Cass. avis, 22 mars 1999, n° 09-00.005, Bull. avis, n°2 N° Lexbase : A70458BK.

[9] Cass. 5 mars 1862, S. 1863. 1. 28. ; Cass. 21 mars 1908, S. 1910. 1. 525 ; V. plus récem. : CE, 26 janvier 2015, n° 373715 N° Lexbase : A6912NAA.

[10] Cass. civ. 3, 18 juin 2008, n° 07-10.915, FS-D N° Lexbase : A2174D9E ; v. déjà : Cass. civ. 2, 30 avril 2003, n° 00-14.333, FS-P+B N° Lexbase : A7482BSW.

[11] CE, Ass., 25 juin 1948, n° 94511, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7255B89.

[12] CE, 4 octobre 1974, n° 88930, Dame David N° Lexbase : A3098B7U.

[13] CE, 24 mars 2006, n° 288460, KPMG N° Lexbase : A7837DNL ; CE, 23 juillet 2008, n° 310157 N° Lexbase : A7930D9L.

[14] Cons. const., décision, n° 2008-571, 11 décembre 2008 N° Lexbase : A6887EBP.

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