Le Quotidien du 20 juillet 2022 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Notions de « marque trompeuse » et de « mauvaise foi du demandeur » dans le contexte des marques indiquant une provenance géographique

Réf. : Trib. UE, 29 juin 2022, aff. T-306/20 N° Lexbase : A881178T

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[Brèves] Notions de « marque trompeuse » et de « mauvaise foi du demandeur » dans le contexte des marques indiquant une provenance géographique. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/86559938-breves-notions-de-marque-trompeuse-et-de-mauvaise-foi-du-demandeur-dans-le-contexte-des-marques-indi
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par Vincent Téchené

le 19 Juillet 2022

► Une marque contenant un terme relatif à une provenance géographique utilisée par le passé qui est ensuite enregistrée et utilisée pour des produits qui n’ont plus cette provenance est susceptible d’induire les consommateurs en erreur quant à la provenance géographique de ces produits ; une telle marque est susceptible d’être considérée comme ayant été enregistrée de mauvaise foi.

Faits et procédure. Pendant des décennies, la requérante, achetait du beurre irlandais à Ornua Co-operative et le vendait aux îles Canaries (Espagne) sous des marques comprenant l’élément « la irlandesa ». Après la fin de cette relation commerciale en 2011, la requérante a continué de vendre des produits sous ces marques.

En 2014, elle a obtenu, auprès de l’EUIPO, l’enregistrement de la marque de l’Union européenne figurative « La Irlandesa 1943 » pour différents produits alimentaires. L’Irlande et Ornua Co-operative ont présenté à l’EUIPO une demande en nullité de cette marque au motif qu’elle avait un caractère trompeur et que son enregistrement avait été demandé de mauvaise foi au sens du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 N° Lexbase : L0531IDZ.

La division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande en nullité. La grande chambre de recours de l’EUIPO a cependant annulé la décision de la division d’annulation et a déclaré la nullité de la marque contestée. Elle a considéré que, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement, cette marque était de nature à tromper le public sur la provenance géographique des produits en cause et que son enregistrement avait été demandé de mauvaise foi.

La requérante a introduit un recours auprès du Tribunal tendant à l’annulation de la décision de la grande chambre de recours.

Décision. Le Tribunal rejette ce recours en considérant que la marque contestée n’était pas trompeuse au moment de la demande d’enregistrement, mais que la requérante était de mauvaise foi lors de cette demande. À cette occasion, il apporte des précisions concernant les conditions d’application des notions de « marque trompeuse » et de « mauvaise foi du demandeur » dans le contexte des marques indiquant une provenance géographique des produits.

Tout d’abord, le Tribunal relève que, en voyant la marque contestée apposée sur les produits en cause, les consommateurs hispanophones, qui constituent le public pertinent, croiront qu’ils proviennent d’Irlande. Ensuite, l’examen d’une demande en nullité fondée sur le caractère trompeur de la marque exige d’établir que le signe déposé aux fins de l’enregistrement en tant que marque était en lui-même de nature à tromper le consommateur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, la gestion ultérieure dudit signe étant dépourvue de pertinence. En l’occurrence, la grande chambre de recours devait vérifier si, à la date de la demande d’enregistrement, il n’existait pas de contradiction entre l’information que la marque contestée véhiculait et les caractéristiques des produits désignés dans cette demande.

Or, dès lors que la liste des produits ne comportait aucune indication de leur provenance géographique et qu’elle pouvait donc couvrir des produits provenant d’Irlande, il n’existait pas, à la date de la demande, une telle contradiction, de sorte qu’il était exclu de constater que la marque contestée revêtait un caractère trompeur à cette date. Ainsi, c’est à tort que la grande chambre de recours a reproché à la requérante de ne pas avoir limité cette liste aux produits provenant d’Irlande. En outre, la marque contestée ne pouvant être considérée comme trompeuse à la date de la demande d’enregistrement, les preuves ultérieures, qui ne concernaient pas la situation à cette date, ne pouvaient pas confirmer un tel caractère trompeur. Partant, la grande chambre de recours a commis une erreur à cet égard.

Enfin, en ce qui concerne la mauvaise foi de la requérante lors du dépôt de la marque contestée, le Tribunal constate que, afin de trancher cette question, la grande chambre de recours pouvait valablement se fonder sur des éléments de preuve postérieurs à la date dudit dépôt, dès lors qu’ils constituaient des indices portant sur la situation à la date pertinente. En l’occurrence, premièrement, une partie non négligeable des produits vendus par la requérante sous la marque contestée n’était pas d’origine irlandaise et ne correspondait donc pas à la perception qu’en avait le public pertinent. Deuxièmement, les affaires dans lesquelles des marques similaires à celle en cause en l’espèce ont été annulées ou refusées par l’EUIPO et par les autorités espagnoles confirment que la marque contestée pouvait être perçue comme indiquant l’origine irlandaise des produits.

Troisièmement, la requérante avait adopté une stratégie commerciale d’association avec les marques comprenant l’élément « la irlandesa » qui étaient liées à son ancienne relation commerciale avec Ornua Co-operative, afin de continuer de tirer un bénéfice de cette relation terminée et des marques y afférentes.

Partant, le Tribunal constate que l’enregistrement de la marque contestée était contraire aux usages honnêtes en matière industrielle et commerciale et que la grande chambre de recours a conclu à juste titre à la mauvaise foi de la requérante. Cette conclusion étant de nature à justifier, à elle seule, le dispositif de la décision de la grande chambre de recours, le Tribunal rejette le recours.

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