Le Quotidien du 4 juillet 2022 : Procédure pénale

[Brèves] Impartialité de la procédure pénale : ne peut intervenir en qualité de JLD le magistrat instructeur qui a procédé à la mise en examen dans le même dossier

Réf. : Cass. crim., 28 juin 2022, n° 22-82.698, F-B N° Lexbase : A8576787

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N2064BZH

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[Brèves] Impartialité de la procédure pénale : ne peut intervenir en qualité de JLD le magistrat instructeur qui a procédé à la mise en examen dans le même dossier. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/86155948-breves-impartialite-de-la-procedure-penale-ne-peut-intervenir-en-qualite-de-jld-le-magistrat-instruc
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par Adélaïde Léon

le 27 Juillet 2022

► Le juge d'instruction ayant mis en examen un individu ne peut intervenir en qualité de juge des libertés et de la détention dans ce même dossier ; En outre, en l'absence de convocation ou de débat contradictoire, il n'est pas établi que l’intéressé ait eu connaissance de l'identité du JLD avant la notification de l'ordonnance, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de n’avoir pas engagé de procédure de récusation.

Rappel des faits. À la suite d’un incident grave survenu dans un centre pénitentiaire, un individu est mis en examen pour tentative de meurtre en récidive par le juge d’instruction. Saisi par ce dernier, le juge des libertés et de la détention (JLD) a placé l’intéressé en détention provisoire, mesure prolongée par la suite.

Le prévenu a par la suite formé une demande de mise en liberté.

Cette demande a été rejetée par ordonnance d’un JLD, lequel n’était autre que le magistrat qui, en sa qualité de juge d’instruction, avait procédé à la mise en examen du détenu.

L’intéressé a interjeté appel de cette décision arguant du défaut d’impartialité du JLD.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a dit n’y avoir lieu à annulation de l’ordonnance rejetant la demande de mise en liberté. Elle considérait notamment qu’il n’existait aucune incompatibilité légale ou conventionnelle pour un magistrat à exercer successivement les fonctions du juge d’instruction pour de JLD.

Les juges soulignaient par ailleurs que la décision même de placement en détention provisoire avait été prise à l’époque par un magistrat indépendant du juge d’instruction ayant notifié la mise en examen, et que cette décision ne présumait pas de parti pris de la part du magistrat.

Le prévenu a formé un pourvoi contre l’arrêt d’appel.

Moyen du pourvoi. Il était fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir confirmé l’ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté alors que l’exigence d’impartialité objective avait été méconnue.

Le moyen rappelait qu’en sa qualité de juge d’instruction, le magistrat dont la partialité était mise en cause avait eu à apprécier de l’existence d’indices graves ou concordants de la commission d’une infraction. Or, plus tard, en sa qualité de JLD, ce même magistrat avait notamment justifié son ordonnance de rejet par l’existence d’indices graves ou concordants à l’encontre de l’intéressé.

En rejetant le moyen tiré du défaut d’impartialité du JLD, la chambre de l’instruction avait nécessairement méconnu les articles 6, §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) N° Lexbase : L7558AIR et préliminaire du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9741IPH.

Décision. La Chambre criminelle casse et annule l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa des articles 6 de la CESDH et 137-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L6259LBG.

La Cour déduit de ces textes, en précisant qu’elle lit le second à la lumière des travaux préparatoires de la loi n° 2000-516, du 15 juin 2000 N° Lexbase : L0618AIQ, qu’un magistrat ayant porté, en tant que juge d’instruction, une appréciation sur l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation à la commission des infractions dont il est saisi ne peut, dans la suite de la procédure, intervenir en qualité de JLD dans la mesure ou ce dernier est amené, pour statuer sur les mesures de sûretés, à apprécier l’existence de tels indices.

Rappelons que la loi du 15 juin 2000 avait notamment retiré au juge d’instruction la possibilité de placer une personne en détention provisoire pour confier cette prérogative au JLD. La Cour faisant référence aux travaux préparatoires, on pourra notamment citer le rapport de Madame Christine Lazerges, Rapporteure à l’Assemblée nationale de ladite loi [en ligne] : « le présent projet de loi tente donc de répondre, à son tour, aux critiques récurrentes formulées contre la procédure pénale en vigueur, qui confie au juge chargé de l'instruction le pouvoir de placer la personne mise en examen en détention provisoire. […] Cette situation, est très souvent mise à l'index, ses détracteurs soulignant, à juste titre, que la confusion des rôles au profit du juge d'instruction affecte l'impartialité objective de la procédure pénale, que requiert l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. […] Pour pallier ces inconvénients, le projet de loi propose dans son article 10 la création d'un « juge de la détention provisoire ».

La Chambre criminelle affirme sans détour que le juge d’instruction ayant mis en examen l’intéressé ne pouvait intervenir en qualité de JLD dans le même dossier.

La Haute juridiction précise également qu’en l’absence de convocation ou de débat contradictoire, il n’était pas établi que le mis en examen ait eu connaissance de l’identité du JLD avant la notification de l’ordonnance. Dans ces conditions il ne pouvait lui être reproché de n’avoir pas engagé la procédure de récusation.

Pour aller plus loin :

  • Ch. Lazerges, Les 20 ans de la loi du 15 juin 2000 : la genèse de l’article préliminaire du Code de procédure pénale, Lettre juridique, Lexbase, 18 juin 2020 N° Lexbase : N3670BYL ;
  • F. Nguyen, Les 20 ans de la loi du 15 juin 2000 - Le juge des libertés et de la détention : à la recherche du sens perdu, Lexbase Pénal, juin 2020 N° Lexbase : N3694BYH.

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