Le Quotidien du 4 juillet 2022 : Bancaire

[Brèves] Précisions sur la juridiction compétente en cas de préjudice réalisé sur un compte bancaire ouvert en France

Réf. : Cass. com., 15 juin 2022, n° 21-10.742, F-B N° Lexbase : A4697774

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N2012BZK

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par Jérôme Lasserre-Capdeville

le 01 Juillet 2022

► Il résulte de de l’article 7, § 2, du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (« Bruxelles I bis »), tel qu’interprété par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 28 janvier 2015, aff. C-375/13 ; CJUE, 16 juin 2016, aff. C-12/15 ; CJUE, 12 septembre 2018, aff. C-304/17), que, lorsque le préjudice purement financier invoqué par le demandeur à une action en responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle s’est réalisé directement sur un compte bancaire ouvert à son nom en France, à la suite d’un virement ordonné pour le paiement d’un cocontractant français dont il est allégué qu'un tiers a usurpé la qualité, le juge ne peut exclure la compétence des juridictions françaises qu’après avoir recherché si les autres circonstances particulières de l’affaire ne concouraient pas à attribuer la compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice.

Voilà une décision notable intéressant à la fois le droit bancaire et le droit international privé. Celle-ci porte sur l’article 7, §2, du Règlement « Bruxelles I bis » (Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 N° Lexbase : L9189IUU) qui prévoit, pour mémoire, qu’« une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre : […] en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».

Faits et procédure. La société F. avait ordonné plusieurs virements, depuis son compte ouvert à Paris auprès de la banque X., vers un compte ouvert au Portugal dans les livres de la banque Y., dont les coordonnées lui avaient été transmises par une personne se faisant passer pour le chef comptable d'une société française avec laquelle elle était en relation d'affaires.

Invoquant des manquements des deux banques à leurs obligations professionnelles, la société F. les avait assignées aux fins de condamnation in solidum à lui payer une indemnité égale au montant détourné. Or, la banque portugaise contestait la compétence des juridictions françaises.

La cour d’appel de Paris avait considéré, par un arrêt du 4 novembre 2020, que les juridictions françaises étaient ici incompétentes pour connaître des demandes formées à l'encontre de la société portugaise Y. La société F. avait alors formé un pourvoi en cassation. Plusieurs arguments y étaient développés.

Décision. La Cour de cassation se montre sensible à ceux-ci, et casse la décision des juges du fond sur le fondement de l’article 7 § 2 du Règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (« Bruxelles I bis »).

Selon la Haute juridiction, il résulte de ce texte qu’une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire.

Il est alors rappelé que pour la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 28 janvier 2015, aff. C-375/13 N° Lexbase : A4083NAH), les juridictions du domicile du demandeur sont compétentes, au titre de la matérialisation du dommage, pour connaître d'une telle action, notamment lorsque ledit dommage se réalise directement sur un compte bancaire de ce demandeur auprès d'une banque établie dans le ressort de ces juridictions. Toutefois, ce critère ne saurait être, à lui seul, qualifié de « point de rattachement pertinent ». C'est uniquement dans la situation où les autres circonstances particulières de l'affaire concourent également à attribuer la compétence à la juridiction du lieu de matérialisation d'un préjudice purement financier qu'un tel préjudice pourrait, d'une manière justifiée, permettre au demandeur d'introduire l'action devant cette juridiction (CJUE, 16 juin 2016, aff. C-12/15 N° Lexbase : A1128RTX ; CJUE, 12 septembre 2018, aff. C-304/17 N° Lexbase : A7626X3T).

Or, pour déclarer les juridictions françaises incompétentes à l'égard de l'action dirigée contre la banque portugaise Y., l’arrêt des juges du fond avait retenu que le lieu où le dommage était survenu n’était pas celui à partir duquel les virements avaient été opérés par la société F., c'est-à-dire sur son compte bancaire ouvert dans une agence parisienne de la banque X., mais celui où avait eu lieu l'appropriation indue des fonds par le débit du compte destinataire du virement, ouvert et géré au Portugal.

En conséquence, en se déterminant ainsi, alors que le préjudice purement financier s'était réalisé directement sur un compte bancaire de la société Immobilière F. ouvert en France, à la suite d'un virement ordonné pour le paiement d'un cocontractant français dont il était allégué qu'un tiers avait usurpé la qualité, de sorte qu'il lui appartenait, pour exclure la compétence des juridictions françaises, de rechercher si les autres circonstances particulières de l'affaire ne concouraient pas à attribuer la compétence à une autre juridiction que celle du lieu de matérialisation de ce préjudice, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale.

Voilà une solution importante pour déterminer la juridiction compétente dans un tel cas de figure. Ce type de décision devrait se rencontrer plus régulièrement dans l’avenir tant les opérations de banque tendent à s’internationaliser.

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