Le Quotidien du 30 juin 2022 : Droit pénal général

[Brèves] Cumul d’infraction : les faits réprimés par les infractions de fraude fiscale par dissimulation et d'omission d’écriture en comptabilité sont nécessairement distincts

Réf. : Cass. crim., 22 juin 2022, n° 21-83.360, F-B N° Lexbase : A166878B

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N2048BZU

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par Adélaïde Léon

le 27 Juillet 2022

► En cas de poursuites concomitantes, le principe ne bis in idem n’interdit le cumul de qualification lors de la déclaration de culpabilité que lorsque les infractions retenues répriment des faits identiques ;

Les faits réprimés par les infractions de fraude fiscale par dissimulation et d’omission d’écriture en comptabilité sont nécessairement distincts puisque le Code général des impôts les sanctionne respectivement dans deux articles différents (CGI, art. 1741 et 1743).

Rappel des faits. Les faits concernent une société exploitant un centre de diagnostic et d’imagerie médicale et ayant pour cogérants plusieurs médecins radiologues. Sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, la direction départementale des finances publiques a adressé au procureur de la République une plainte visant ces cogérants du chef de fraude fiscale et omission d’écritures en comptabilité.

À l’issue d’une enquête préliminaire, les cogérants ont été convoqués devant le tribunal correctionnel pour s’être, en leur qualité de gérant de droit de la société frauduleusement soustrait à l’établissement ou au paiement de l’impôt sur les sociétés dû au titre des années fiscales 2010, 2011, 2012 en dissimulant volontairement une part des sommes sujettes à l’impôt, en l’espèce en ayant souscrit des déclarations de résultat minorées, avec les circonstances que les dissimulations opérées excèdent le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros.

Les intéressés étaient également renvoyés pour avoir, en leur qualité de cogérants, sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures dans les documents comptables obligatoires au titre de l’exercice clos au 31 mars 2010, 2011 et 2012.

Le tribunal correctionnel a relaxé les prévenus.

Le procureur de la République et la direction départementale des finances publiques ont formé appel de cette décision.

En cause d’appel. La cour d’appel a, pour fraude fiscale et omission d’écriture en comptabilité, condamné deux cogérants, l’un à huit mois d’emprisonnement avec sursis et 7 500 euros d’amende, le second à six mois d’emprisonnement avec sursis et 500 euros d’amende.

Les juges d’appel ont écarté le moyen pris de la méconnaissance du principe ne bis in idem aux motifs :

  • que la minoration déclarative des résultats imposables constitue un fait distinct de l’omission en comptabilité des recettes constituées par les rétrocessions trimestrielles puis mensuelles sur les forfaits techniques scanners de la clinique à la société ;
  • et que les omissions comptables n’étaient pas nécessaires à la réalisation de la fraude fiscale mais permettaient à la société de restreindre le pouvoir de contrôle de l’administration.

Les prévenus ont formé des pourvois contre l’arrêt d’appel.

Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la cour d’appel d’avoir méconnu le principe ne bis in idem en déclarant les deux cogérants coupables de soustraction à l'établissement ou au paiement de l'impôt par dissimulation volontaire de sommes sujettes à l'impôt et d'omission de passer des écritures comptables. Selon les prévenus, la cour d’appel s’était livrée à une double déclaration de culpabilité pour des faits procédant de manière indissociable d’une action unique consistant à ne pas avoir enregistré en comptabilité les recettes provenant des forfaits techniques scanners caractérisée par une seule intention coupable.

Décision. La Chambre criminelle rejette les pourvois estimant que la cour d’appel n’a pas méconnu le principe ne bis in idem.

Elle rappelle qu’en cas de poursuites concomitantes, ledit principe n’interdit le cumul de qualification lors de la déclaration de culpabilité que lorsque les infractions retenues répriment des faits identiques (Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 21-81.864, FP-B N° Lexbase : A17417GL).

La Cour ajoute que les faits réprimés par les deux infractions retenues en l’espèce (fraude fiscale par dissimulation et délit d’omission d’écriture en comptabilité) sont nécessairement distincts puisque le Code général des impôts (CGI) les sanctionne respectivement dans deux articles différents :

Pour aller plus loin :

  • J.-C. Saint-Pau, Cumul des qualifications d’usage de faux et d’escroquerie. Évolution de la règle ne bis in idem, Lexbase Pénal, janvier 2022 N° Lexbase : N0178BZM ;
  • P. Cazalbou, Association de malfaiteurs et infractions subséquentes : la révolution n'a pas eu lieu, Lexbase Pénal, avril 2022 N° Lexbase : N1267BZX ;
  • O. Bachelet, Attentats de 1995 : validation strasbourgeoise des condamnations pénales, Lexbase Pénal, février 2018 N° Lexbase : N2690BXW ;
  • E. Gouesse et J. Dilmi, Cumul de l’homicide involontaire et de l’infraction à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs : le principe ne bis in idem en peine, Lexbase Pénal, mai 2019 N° Lexbase : N8909BXA ;
  • S. Fucini, Le principe ne bis in idem ou la révolution des concours de qualifications, Lexbase Pénal, janvier 2020 N° Lexbase : N1831BYH ;
  • S. Fucini, Principe ne bis in idem : rejet du cumul de l’association de malfaiteurs et de la détention d’un dépôt d’armes, Lexbase Pénal, avril 2020 N° Lexbase : N2926BYZ.

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