Réf. : Cass. civ. 3, 22 juin 2022, n° 21-18.612, FS-B N° Lexbase : A1665788
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 29 Juin 2022
► Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui rejette la demande de résiliation du bail du locataire d'un logement conventionné sous-louant régulièrement l'une de ses chambres, sans examiner, comme il le lui était demandé, la gravité de la faute du preneur au regard des circonstances résultant du régime applicable aux logements conventionnés, de l'interdiction légale de sous-location et d'un changement de destination des locaux susceptible d'être caractérisé par l'utilisation répétée et lucrative d'une partie du logement.
Telle est la nouvelle précision apportée par la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans le contentieux des sous-locations pratiquées par les locataires de logements via une plate-forme de location type « airbnb ».
La particularité, dans cette affaire, tenait à la caractéristique du logement, puisqu’il s’agissait d’un logement conventionné, ainsi soumis à un régime spécifique.
Aux termes de l’article R. 353-37 du Code de la construction et de l'habitation N° Lexbase : L8852ABH, dans sa rédaction applicable, antérieure à celle issue du décret n° 2005-1733 du 30 décembre 2005, les logements conventionnés sont loués nus à des personnes physiques, à titre de résidence principale, et occupés au moins huit mois par an. Ils ne peuvent faire l'objet de sous-location sauf au profit de personnes ayant passé avec le locataire un contrat conforme à l'article L. 443-1 du Code de l'action sociale et des familles N° Lexbase : L4792DKP et doivent répondre aux conditions d'occupation suffisante telles que définies par l'article L. 621-2 du même Code.
En l’espèce, le 15 décembre 2004, la Régie immobilière de la ville de Paris (le bailleur) avait signé avec un locataire un bail portant sur un local à usage d'habitation qui interdisait la sous-location. Alléguant que le preneur offrait une partie de son logement en location par l'intermédiaire d'une plate-forme dédiée, le bailleur l'avait assigné en résiliation du bail.
Pour rejeter la demande en résiliation du bail, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 4, 4, 23 mars 2021, n° 18/14932 N° Lexbase : A07864M3) avait notamment relevé que la moyenne mensuelle des locations n'était que de trois et demi, que la location ne portait que sur une des trois chambres du logement que le preneur continuait d'occuper et que le bailleur n'avait pas mis le preneur en demeure de cesser cette activité, de sorte que le manquement dénoncé n'était pas suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail.
La décision est censurée par la Cour suprême, au visa des articles 1728 N° Lexbase : L1850AB7 et 1729 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, et R. 353-37 précité du Code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2005-1733 du 30 décembre 2005.
Elle rappelle en effet qu’il résulte de l’article 1729 précité que « le preneur est tenu d'user de la chose louée suivant la destination qui lui a été donnée par le bail », et que selon l’article 1729, « si le preneur emploie la chose louée à un autre usage que celui auquel elle a été destinée, ou dont il puisse résulter un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail ».
Aussi, en se déterminant comme elle l’avait fait, sans examiner, comme il le lui était demandé, la gravité de la faute du preneur au regard des circonstances résultant du régime applicable aux logements conventionnés, de l'interdiction légale de sous-location et d'un changement de destination des locaux susceptible d'être caractérisé par l'utilisation répétée et lucrative d'une partie du logement conventionné, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
La décision de la cour d’appel de Paris est également censurée s’agissant du montant auquel elle a condamné le preneur en restitution des fruits civils perçus par les sous-locations non autorisées.
Après avoir évalué à une certaine somme les fruits issus de la sous-location non autorisée, l'arrêt avait condamné le preneur à rembourser au bailleur une somme moindre en déduisant les loyers perçus par ce dernier en exécution du bail.
La Haute juridiction censure, au visa des articles 548 N° Lexbase : L3122ABA et 549 N° Lexbase : L3123ABB du Code civil, après avoir relevé que le loyer constitue un fruit civil de la propriété et que le preneur, auteur de la sous-location interdite, ne pouvait être un possesseur de bonne foi.
Cette décision apporte ainsi une réponse de la Cour suprême à la jurisprudence disparate des juridictions du fond, sur cette question de la déduction de la part des loyers du locataire en titre (X. Demeuzoy, Sous-location d’un bail d’habitation sur une plateforme de type « Airbnb » : la réponse des tribunaux, Lexbase Droit privé, n° 853, 4 février 2021 N° Lexbase : N6297BYU).
Pour aller plus loin : l’arrêt fera l’objet d’un commentaire détaillé par Marine Parmentier, Avocat au barreau de Paris, à paraître prochainement dans Lexbase Droit privé. |
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