Le Quotidien du 16 juin 2022 : Baux commerciaux

[Brèves] La clause d’indexation ne variant qu’à la hausse réputée non écrite… la suite : appréciation du caractère divisible de la stipulation litigieuse

Réf. : CA Paris, 5-3, 1er juin 2022, n° 21/15441 N° Lexbase : A64567YR

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N1839BZ7

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par Vincent Téchené

le 15 Juin 2022

► La clause d’échelle mobile interdisant une indexation à la baisse, en violation de l'article L. 145-39 du Code de commerce et de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier est réputée non-écrite ;

Mais seul l'alinéa de la clause d'indexation excluant la variation du loyer à la baisse doit être réputé non écrit, dès lors que la commune intention des parties a été d'assortir le bail d'une clause d'échelle mobile et qu'en déclarant non écrite la seule disposition selon laquelle « Cette indexation ne s'effectuera que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse de ce dernier indice », les autres dispositions de la clause d'indexation peuvent s'appliquer sans aucune difficulté pratique ou juridique, privant seulement le bailleur de l'avantage illégal que lui conférait la disposition ainsi retranchée, ce qui suffit à atteindre l'objectif d'équilibre et de stabilité de la loi n° 77-1457, du 29 décembre 1977.

Faits et procédure. Un contrat de bail en date du 23 février 2009, à effet au 1er mai 2009, comporte une clause d'indexation annuelle stipulant notamment que l'indexation ne s'effectuera qu'en cas de variation à la hausse. La locataire a fait assigner la bailleresse devant le tribunal auquel elle a demandé de déclarer non écrite la clause d'indexation et de condamner la bailleresse à lui restituer la somme de 96 379,31 euros sur le fondement de la répétition de l'indu pour la période allant du 1er trimestre 2011 au 2e trimestre 2016.

Elle a fait valoir notamment que son action en réputé non écrit était imprescriptible et que la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation du loyer n'était pas conforme aux dispositions d'ordre public de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L5471ICM.

La bailleresse a conclu à l'irrecevabilité de l'action, et subsidiairement au rejet de celle-ci. Elle a invoqué la prescription tant pour l'action en réputé non écrit que pour l'action en répétition de l'indu, et, sur le fond, le principe de sécurité juridique et la nécessité de maintenir l'équilibre économique du contrat.

Une première cour d’appel a accueilli favorablement la demande du preneur tendant à éliminer la clause d’indexation sur le fondement de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier et a reconnu non écrite dans son ensemble la clause litigieuse.

Saisie d’un pourvoi formé par la bailleresse, la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 30 juin 2021, n° 19-23.038, FP-B+C N° Lexbase : A20224YK, M.-L. Besson, Lexbase Affaires, juillet 2021, n° 685 N° Lexbase : N8425BYP) a censuré l’arrêt d’appel, mais seulement en ce qu’il déclare non écrite dans son ensemble la clause d’indexation. Elle affirme qu’une clause qui a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du Code de commerce N° Lexbase : L5037I3X doit être réputée non écrite, de sorte que l’action en justice y afférente n’est enfermée dans aucun délai de prescription. Elle précise également que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite et non la clause dans son ensemble (v. dans le même sens Cass. civ. 3, 29 novembre 2018, n° 17-23.058, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A9158YNI ; Cass. civ. 3, 12 janvier 2022, n° 21-11.169, FS-B N° Lexbase : A01987I8, A. Confino et J.-Ph. Confino, Lexbase Affaires, février 2022, n° 705 N° Lexbase : N0376BZX ; Cass. civ. 3, 17 février 2022, n° 20-20.463, F-D N° Lexbase : A68937NM, B. Brignon, Lexbase Affaires, mars 2022, n° 711 N° Lexbase : N0919BZ3 ; et encore dernièrement Cass. civ. 3, 1er juin 2022, n° 20-17.691, FS-D N° Lexbase : A800874D).

Décision. Dans l’arrêt rapporté du 1er juin, la cour d’appel de Paris statue donc comme cour de renvoi.

  • Sur le réputé non écrit de la clause d’échelle mobile

Le caractère non écrit de la stipulation litigieuse ne faisait plus vraiment débat. La cour d’appel rappelle donc, d'une part, que le propre d'une clause d'échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse, de sorte que la clause figurant au bail et écartant toute réciprocité de variation fausse le jeu normal de l'indexation et, d'autre part, que la neutralisation des années de baisse de l'indice de référence a mathématiquement pour effet de modifier le délai d'atteinte du seuil de variation du quart, conditionnant la révision du loyer, tel qu'il résulterait de l'évolution réelle de l'indice.

Elle relève que les deux parties s'accordent à reconnaître que le deuxième alinéa de la clause litigieuse interdit une indexation à la baisse, en violation de l'article L. 145-39 du Code de commerce N° Lexbase : L5037I3X et de l'article L. 112-1 du Code monétaire et financier. Cette disposition doit donc être réputée non écrite.

  • Sur le caractère indivisible de la stipulation litigieuse

En revanche, l’essentiel du débat se focalisait, ici, sur la question de savoir si la clause devait être déclarée non écrite dans son ensemble. La cour d’appel y répond par la négative.

Elle se réfère d’abord à l'article 1217 du Code civil N° Lexbase : L1319ABH, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 (les nouvelles dispositions figurent désormais à l'article 1320 du Code civil N° Lexbase : L0977KZ9), selon lequel l'obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.

En outre, reprenant les termes d’un arrêt très récent de la Cour de cassation, elle retient que l'intention du bailleur de faire de la clause d'indexation une condition essentielle et déterminante sans laquelle il n'aurait pas contracté, en se référant à cette clause dans son ensemble, ne suffit pas à établir l'indivisibilité de toutes les stipulations contenues dans cet article du contrat (v. Cass. civ. 3, 12 janvier 2022, n° 21-11.169, FS-B, préc. et les obs. préc.), car il n'est pas établi ni par la clause litigieuse ni par aucun élément de preuve extrinsèque, que cette exclusion d'une variation de l'indice à la baisse était essentielle en l'espèce, à l'expression de la volonté des parties de soumettre le loyer à une indexation.

Ensuite, les juges parisiens relèvent que l'article 18 du contrat de bail stipule une indivisibilité du bail au profit du seul bailleur dans les termes suivants : « Le bail est déclaré indivisible au seul bénéfice du Bailleur. En cas de co-preneurs par l'effet du présent bail, de cession ou de décès, l'obligation des co-preneurs sera réputée indivisible et solidaire ». Or, les juges d’appel retiennent que cette clause ne concerne pas l'indivisibilité des différentes modalités d'application de la clause d'indexation. Elle ne s'applique pas aux clauses du bail mais vise à protéger le bailleur d'une division du bail dans les hypothèses de décès, de cession et plus généralement de toutes opérations pouvant entraîner la division du fonds de commerce à l'occasion de sa transmission, de sorte que le bailleur soit assuré de ne conserver qu'un seul locataire, ou de bénéficier de la solidarité de toutes les personnes pouvant acquérir un droit sur le bail.

Enfin, les juges estiment que la suppression de la seule variation de l'indice à la baisse ne fait pas perdre à la convention d'indexation sa cohérence, sans qu'il y ait lieu de recourir aux règles d'interprétation, la limitation de la hausse à 3 % pendant les trois premières années d'exécution du bail, stipulée à l'alinéa 3, n'ayant pas de lien affirmé ou pouvant être supposé avec l'exclusion pendant toute la durée du bail des variations de l'indice à la baisse.

Ainsi, la cour en conclut que seul l'alinéa de la clause d'indexation excluant la variation du loyer à la baisse doit être réputé non écrit, dès lors que la commune intention des parties a été d'assortir le bail d'une clause d'échelle mobile et qu'en déclarant non écrite la seule disposition selon laquelle « Cette indexation ne s'effectuera que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse de ce dernier indice », les autres dispositions de la clause d'indexation peuvent s'appliquer sans aucune difficulté pratique ou juridique, privant seulement le bailleur de l'avantage illégal que lui conférait la disposition ainsi retranchée, ce qui suffit à atteindre l'objectif d'équilibre et de stabilité de la loi n° 77-1457, du 29 décembre 1977.

  • Sur la demande en répétition de l’indu

Enfin, la cour précise que la prescription ne s'applique qu'à l'action en paiement et non l'indexation elle-même qui a joué automatiquement. Or, les parties ont convenu, par la clause d’indexation du contrat de bail, d'une révision de plein droit chaque année du loyer et du dépôt de garantie, sans accomplissement d'aucune formalité judiciaire ou extrajudiciaire et pour la première fois le 1er mai 2010, en fonction de la variation de l'indice Insee du coût de la construction en prenant pour indice de base celui du 3e trimestre 2008 et l'indice de comparaison étant celui du 3e trimestre correspondant de chacune des années suivantes.

Les juges d’appel estiment alors que le calcul du loyer par application depuis l'origine de la clause d'indexation, sans la partie réputée non écrite, ne contrevient pas à la prescription de l'action, car il n'a pas pour effet de remettre en cause les loyers payés en vertu de l'indexation illégale au cours de la période prescrite mais seulement de déterminer le montant du loyer indexé non prescrit.

La demande en répétition de l'indu pour la période du 23 septembre 2011 au 23 septembre 2016 est en conséquence fondée pour une certaine somme.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La clause d'indexation ou clause d'échelle mobile du bail commercial, L'irrégularité de la clause d'indexation « à la hausse », in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E0759E9Y.

 

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