Le Quotidien du 13 avril 2022 : Voies d'exécution

[Jurisprudence] Réitération des enchères : précisions sur l’appel du jugement statuant sur la contestation du certificat

Réf. : Cass. civ. 2, 24 mars 2022, n° 21-11.452, F-B N° Lexbase : A27997R4

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N1111BZ8

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par Aude Alexandre Le Roux, avocat associé AARPI TRIANON Avocats, secrétaire-adjoint de l’AAPPE

le 12 Avril 2022

Mots-clés : certificat de non consignation • certificat de non-paiement • licitation • partage appel du jugement statuant sur la contestation du certificat • réitération des enchères • saisie immobilière

Lorsqu’un jugement rendu à l’issue d’une contestation du certificat prévu aux articles R. 322-67 et R. 322-68 du Code des procédures civiles d’exécution statue également sur d’autres demandes reconventionnelles, appel peut être interjeté du seul chef de ces dernières.


 

La procédure de réitération des enchères et ses aléas n’a de cesse de saisir les hauts magistrats d’interrogations spécifiques.

Une banque introduit devant le tribunal de grande instance une action afin que soit provoqué le partage des biens appartenant à son débiteur et ordonnée la vente sur licitation du bien immobilier à la barre du tribunal.

La lecture de l’arrêt d’appel apprend au lecteur que la décision n’est pas rendue dans le cadre d’une vente sur saisie immobilière, mais à l’occasion d’une vente sur licitation qui emprunte nombre de spécificités de la saisie immobilière tout en s’en distinguant sur le fond. Nous y reviendrons.

Les biens sont adjugés à une société par jugement de vente sur licitation du 10 octobre 2013. Un lot consistant en un droit de jouissance privative d’un jardin auquel on accède par une servitude de passage a été omis lors de la procédure initiale. L’adjudicataire s’est acquitté du paiement des frais, mais n’a pas procédé à la consignation du prix de vente.

Parallèlement, il saisit le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation de la vente au motif qu’une servitude ne lui avait pas été révélée. Lassé d’attendre l’issue de la demande d’annulation et dès lors que le paiement du prix de vente n’a pas été consigné, la banque fait signifier le certificat de non-consignation du prix établi par le greffe. L’adjudicataire conteste le certificat et sollicite du juge de l’exécution que soit ordonné le sursis à statuer dans l’attente de l’issue de sa demande d’annulation de la vente sur adjudication. Le juge fait droit à la demande de sursis à statuer, mais déclare irrecevables les demandes formées par les indivisaires.

La cour d’appel saisie l’appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance, l’infirme et déclare l’adjudicataire irrecevable en sa demande en constatant qu’au jour de la signification de l’assignation en annulation du jugement d’adjudication, la vente était résolue de plein droit faute de consignation du prix, il ne pouvait donc plus se prévaloir de sa qualité de propriétaire. Ce n’est donc que par jugement du 7 novembre 2019 statuant sur la contestation du certificat que le juge de l’exécution déclare irrecevables les contestations des indivisaires relatives à la vente par adjudication, la nullité du cahier des conditions de vente et déclare irrecevables les contestations de l’adjudicataire tout en déboutant la banque de ses demandes de réitération et d’amende civile.

La banque interjette appel du jugement qualifié en premier ressort par le juge de l’exécution. L’adjudicataire demande à la cour de déclarer irrecevable cet appel au visa de l’article R. 322-68 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2487ITB, aux termes duquel la décision statuant sur la contestation du certificat n’est pas susceptible d’appel. La cour d’appel fait droit à cette analyse et déclare irrecevable l’appel de la banque.

La Cour de cassation est donc saisie de la question de la recevabilité de l’appel d’un jugement rendu à l’issue d’une contestation du certificat prévu à l’article R. 322-67 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2486ITA lorsqu’il est statué par ce dernier sur plusieurs chefs de demandes distincts.

Cet arrêt est l’occasion de s’attarder un instant sur les spécificités de la vente sur licitation à la barre du tribunal (I) avant d’aborder la solution dégagée (II).

I. Spécificités des ventes à la barre du tribunal sur licitation

Cette vente emprunte de nombreuses règles à la saisie immobilière (A) n’étant toutefois pas une voie d’exécution, elle s’en distingue cependant (B).

A. Similitudes avec les règles de la saisie immobilière

L’organisation de la vente des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués est faite par le tribunal qui ordonne le partage dans les conditions qu’il détermine (CPC, art. 1377 N° Lexbase : L1631IUX).

Concernant la vente des immeubles, cette dernière est faite à la fois selon les modalités des ventes des immeubles appartenant à des mineurs ou majeurs en tutelle (CPC, art. 1271 N° Lexbase : L2150H4E à 1281 N° Lexbase : L2177H4E).

L’article 1278 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1637IU8, déclare communes à ces ventes plusieurs sous-sections du Code des procédures civiles d’exécution relatives à la procédure de saisie immobilière.

Ainsi, de nombreuses règles de la procédure de saisie immobilière ont vocation à s’appliquer à la vente sur licitation.

Il s’agit, dans leur grande majorité, des règles gouvernant les enchères fixées aux articles R. 322-39 N° Lexbase : L2458IT9 à R. 322-49 N° Lexbase : L2468ITL du Code des procédures civiles d’exécution.

À cet égard, il est à noter que la demande de copie du casier judiciaire faite par le greffe lorsque l’adjudicataire n’indique pas dans l’attestation sur l’honneur, prévue à l’article R. 322-41-1 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L8428LQ9, que le bien qu’il achète est destiné à son occupation personnelle, n’est pas applicable à la vente sur licitation, sans doute par oubli d’actualisation des dispositions de l’article 1278 du Code de procédure civile à l’occasion de la création de cette disposition par le décret n° 2019-488, du 22 mai 2019 N° Lexbase : L3412LQG.

La forme du jugement d’adjudication et du titre de vente sont également similaires pour les ventes sur licitation (CPCEx, art. R. 322-59 N° Lexbase : L2478ITX, R. 322-61 N° Lexbase : L2480ITZ et R. 322-62 N° Lexbase : L2481IT3).

Par ailleurs et conformément à l’affaire commentée en l’espèce, les règles gouvernant la réitération des enchères sont également communes aux ventes sur licitation et sur saisie immobilière (CPCEx, art. R. 322-66 N° Lexbase : L2485IT9 à R. 322-72 N° Lexbase : L2491ITG).

La réitération des enchères d’une vente sur licitation sera donc poursuivie selon les mêmes modalités que la vente sur saisie immobilière.

Concernant les sanctions de l’adjudicataire défaillant, celui sur licitation comme celui sur saisie immobilière sera tenu des intérêts au taux légal sur son enchère jusqu’à la nouvelle vente (CPCEx, art. R. 322-72).

En outre, bien qu’aucune disposition des règles gouvernant la licitation ne renvoie à l’article L. 322-12 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5890IRL prévoyant que l’adjudicataire défaillant s’exposera à la perte des sommes acquittées et au paiement de la différence entre son enchère et le prix de revente prévus, l’article 10 du cahier des conditions de vente sur licitation rétablit cette distinction.

Ces renvois législatifs et normatifs ne semblent pas exclusifs des règles gouvernant la saisie immobilière devant également trouver application lors des ventes sur licitation.

Ainsi, par deux arrêts récents (Cass. civ. 2, 19 novembre 2020, n° 19-18.800, F-P+B+I, et n° 19-18.801, F-P+B+I N° Lexbase : A945634Y et Cass. civ. 2, 10 décembre 2020, n° 19-16.691, F-P+B+I N° Lexbase : A594139W), la deuxième chambre civile a jugé qu’un jugement d’adjudication sur licitation statuant sur une contestation est bien susceptible d’appel bien qu’il n’existe aucun renvoi express à l’article R. 322-60 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2479ITY et ce, au visa du principe général posé par l’article 543 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6694H73.

B. Distinction des règles de la saisie immobilière

En premier lieu, le créancier qui engage l’action en partage par la voie de l’action oblique (C. civ., art. 815-17 N° Lexbase : L9945HNN) n’exerce pas une voie d’exécution.

L’action est ouverte au créancier personnel d’un indivisaire sans qu’il ne soit nécessaire de disposer d’un titre exécutoire.

La licitation des biens immobiliers aux enchères publiques constitue une des modalités du partage judiciaire qui sera ordonné par le tribunal judiciaire ou le juge aux affaires familiales selon l’origine de l’indivision.

À ce titre il doit être rappelé que l’action en partage de droits indivis entre époux devra être portée devant le juge aux affaires familiales même en l’absence de séparation : la « compétence spéciale du juge aux affaires familiales pour connaître de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, qui résulte de l’article L. 213-3, 2°, du Code de l’organisation judiciaire, n’est pas subordonnée à la séparation des époux et que l’action fondée sur l’article 815-17, alinéa 3, du Code civil, par laquelle le créancier personnel d’un indivisaire provoque le partage d’une indivision, exercée au nom de ce dernier, doit être portée devant le juge compétent pour connaître de l’action de ce débiteur »  (Cass. civ. 1, 1er juin 2017, n° 15-28.344, FS-P+B N° Lexbase : A2594WG8).

Le jugement qui ordonne le partage rendu selon les cas par le juge aux affaires familiales ou par le tribunal judiciaire ordonnera la vente devant le juge des criées du tribunal.

Si, en pratique, l’audience se tiendra aux jour et heure des audiences d’adjudication devant le juge de l’exécution, c’est bien devant le juge des criées que la vente se tiendra.

Les incidents éventuels relatifs à cette vente et autres contestations seront portés devant le tribunal judiciaire ou le juge aux affaires familiales saisi de la demande en partage le cas échéant.

Ainsi, la déclaration de surenchère devra également être déposée devant le greffe du tribunal qui a ordonné le partage.

Dans les mêmes conditions, les conclusions de contestation de surenchère qui doivent être déposées dans les quinze jours de la déclaration de surenchère ne pourront l’être devant le juge de l’exécution à peine d’irrecevabilité (Cass. civ. 2, 23 juin 2016 n° 15-21.090, F-P+B N° Lexbase : A2455RUH).

En outre, l’avocat qui accompagne son client à l’occasion d’une adjudication sur licitation devra penser à l’alerter sur deux distinctions d’importance d’avec les ventes sur saisie immobilière.

La première : le titre de vente sur licitation ne constitue pas un titre d’expulsion à l’égard du saisi. Cette différence fondamentale aura, en pratique, des conséquences pécuniaires d’importance. En effet, si l’adjudicataire sur saisie immobilière pourra envisager d’initier immédiatement l’expulsion du saisi en lui faisant signifier un commandement de quitter les lieux à la faveur du jugement d’adjudication (CPCEx, art. L. 322-13 N° Lexbase : L5891IRM), après s’être acquitté des charges relatives à l’adjudication (CPCEx, art. R. 322-64 N° Lexbase : L2483IT7) l’adjudicataire sur licitation devra, en outre, initier une procédure afin que soit ordonnée l’expulsion des indivisaires occupant l’immeuble.

La seconde, qui ne doit en aucun cas être négligée : le paiement du prix de l’immeuble vendu sur licitation et des frais de vente ne purge pas l’immeuble des inscriptions hypothécaires grevant le bien, et ce, contrairement à la purge automatique opérée en matière de saisie immobilière (CPCEx, art. L. 322-14 N° Lexbase : L0433L8K).

L’adjudicataire d’un bien sur licitation devra donc ne pas omettre d’initier la procédure de purge ad hoc au risque de voir un créancier hypothécaire poursuivre son droit de suite sur l’immeuble.

II. La solution dégagée

À l’occasion du pourvoi, la banque critique la solution dégagée par la cour d’appel l’ayant déclarée irrecevable en son appel.

Les modalités de contestation du certificat s’appliquent strictement (A), il est toutefois nécessaire de distinguer la contestation initiale des demandes reconventionnelles ayant pu surgir (B).

A. Les modalités de contestations du certificat

La poursuite de la réitération des enchères permettra notamment d’obtenir la résolution de l’adjudication primitive et de parvenir à la remise en vente du bien.

La remise en vente du bien est donc poursuivie par tout intéressé, après signification du certificat visé à l’article R. 322-67 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L2486ITA à l’adjudicataire.

Ce dernier dispose d’un délai de quinze jours pour le contester à compter de sa signification (CPCEx, art. R. 322-68 N° Lexbase : L2487ITB).

Ce délai court à compter de sa signification à l’adjudicataire, qui a seul qualité pour contester ledit certificat (Cass. civ. 2, 16 décembre 2010, n° 09-71.327, F-P+B N° Lexbase : A2651GNI).

C’est précisément la situation de l’affaire de l’arrêt commenté dans laquelle l’adjudicataire avait contesté le certificat parallèlement à sa demande de résolution de vente formalisée devant le tribunal de grande instance.

Rappelons que par arrêt du 3 février 2022, la deuxième chambre civile a exclu la possibilité de solliciter la résolution de la vente sur saisie immobilière au visa des dispositions du droit commun de la résolution de la vente. Si la résolution de la vente est la conséquence de l’absence du paiement du prix ou des frais, les dispositions d’ordre public du Code des procédures civiles d’exécution s’imposent. Dès lors, la résolution ne pourra être constatée que par le juge de l’exécution au visa de ces dispositions dérogatoires (Cass. civ. 2, 3 février 2022, n° 20-19.522, F-B N° Lexbase : A32147LM).

Il ne semble pas que cette solution puisse également trouver à s’appliquer en matière de vente sur licitation alors que la résolution de l’article L. 322-12 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L5890IRL n’y est pas expressément applicable.

La résolution de la vente initiale pouvait donc, comme c’est le cas en l’espèce, être sollicitée du tribunal de grande instance à la demande de l’adjudicataire.

Toutefois, l’appel du jugement qui statue sur la contestation du certificat n’est pas susceptible d’appel (CPCEx, art. R. 322-68) par dérogation au principe posé à l’article R. 311-7 du Code des procédures civiles d’exécution N° Lexbase : L7260LEM.

B. La distinction des demandes

La procédure s’étant considérablement allongée en raison d’instances connexes, le juge de l’exécution (qui ne pouvait pourtant pas statuer s’agissant d’une vente sur licitation voir supra) connaît également des demandes reconventionnelles des indivisaires et de la banque à l’occasion de la contestation du certificat par l’adjudicataire.

C’est ainsi qu’il qualifie son jugement d’en premier ressort.

La banque interjette appel du jugement afin d’obtenir la réformation du jugement du chef du jugement qui l’obligeait à saisir le tribunal de grande instance pour modification du cahier des conditions de vente.

La cour ayant déclaré son appel irrecevable, la banque forme pourvoi et oppose de la nécessité d’opérer une distinction des chefs de demandes portés au dispositif, lorsqu’un jugement statue sur plusieurs chefs de demandes, pour l’ouverture des voies de recours.

Cette analyse emporte l’approbation de la deuxième chambre civile qui énonce que « lorsque le juge de l'exécution statue en dernier ressort sur la contestation d'un certificat de non-paiement des frais et du prix de l'adjudication et sur d'autres chefs de demandes, l'appel de ces seuls chefs est recevable ».

Cette solution avait déjà été dégagée par la deuxième chambre civile dans une espèce similaire de contestation d’un certificat à l’occasion d’une vente par licitation (Cass. civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-29.687, F-D N° Lexbase : A4258MD3).

La Cour de cassation était ainsi venue préciser par cet arrêt inédit au visa des articles R. 311-7 et R. 322-68 du Code des procédures civiles d’exécution que le jugement statuant sur la contestation du certificat de non-paiement était susceptible d’appel du seul chef du jugement condamnant au paiement d’une indemnité d’occupation.

La deuxième chambre civile conforte cette analyse en statuant cette fois au visa de l’article 543 du Code de procédure civile et non plus à l’article R. 311-7 du Code des procédures civiles d’exécution disposition spéciale régissant les voies de recours des jugements rendus en matière de saisie immobilière. Faut-il y voir une volonté de distinguer davantage le champ des voies de recours ouvertes aux jugements rendus à l’occasion de vente sur licitation ? L’avenir nous le dira.

Par ailleurs, il est légitime de s’interroger sur l’imbrication de la solution dégagée avec l’effet dévolutif.

En effet, concernant la saisie immobilière, l’objet du litige est indivisible. La solution n’est pas nouvelle. Partant, la dévolution s’opère fort logiquement pour le tout.

Dès lors qu’une distinction des chefs de demandes peut s’opérer pour l’ouverture des voies de recours, il apparaît que la dévolution est davantage nuancée.

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