Réf. : Cass. civ. 1, 23 mars 2022, n° 20-22.567, F-D N° Lexbase : A32477RP
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 12 Avril 2022
► En prévoyant le cas où le demandeur à l'attribution préférentielle d'une entreprise agricole était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès d'une partie des biens la composant, l’article 831 du Code civil n'a pas entendu exclure l'hypothèse où il bénéficierait d'un bail rural.
Pour rappel, l'article 831, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L9963HNC dispose que : « Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut demander l'attribution préférentielle par voie de partage, à charge de soulte s'il y a lieu, de toute entreprise, ou partie d'entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ou quote-part indivise d'une telle entreprise, même formée pour une part de biens dont il était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès, à l'exploitation de laquelle il participe ou a participé effectivement. Dans le cas de l'héritier, la condition de participation peut être ou avoir été remplie par son conjoint ou ses descendants » (nous soulignons).
Concrètement, ce texte vise à permettre à un héritier ayant participé à une entreprise agricole (ou commerciale, industrielle, artisanale, ou libérale), dépendant de la succession et pour laquelle il se retrouve copropriétaire avec d’autres héritiers, d’en solliciter l’attribution préférentielle.
Dans son arrêt rendu le 23 mars 2022, la Cour de cassation apporte quelques précisions utiles concernant les conditions d’application de ce texte, et plus précisément les conditions à remplir par le demandeur à l’attribution préférentielle d’une entreprise agricole.
Tout d’abord, il résulte de l’article précité que, « si l'héritier qui demande l'attribution préférentielle d'un domaine rural doit avoir la qualité de copropriétaire, il peut toutefois être tenu compte, pour l'appréciation de la consistance de l'exploitation, des biens appartenant à son conjoint et formant, avec ceux dont cet héritier est copropriétaire, l'entreprise agricole exigée par la loi ». Il s’agit là d’un rappel d’une solution admise de longue date, dans le cadre des dispositions antérieures à la réforme de 2006 (C. civ., anc. art. 832 N° Lexbase : L3469AB4) (Cass. civ. 1, 10 décembre 1980, n° 79-13.059, publié au bulletin N° Lexbase : A9757CGH).
Ensuite, une lecture trop rapide de ces dispositions, qui envisagent l’hypothèse où le demandeur à l’attribution préférentielle était déjà propriétaire ou copropriétaire avant le décès d'une partie des biens la composant (v. dispositions soulignées supra), ne doit pas laisser croire que ce texte exclut l’hypothèse où il bénéficierait d'un bail rural. Telle est la clarification – si tant est qu’elle était nécessaire – ici apportée par la Haute juridiction, selon les termes reproduits ci-dessus.
C’est ainsi que la Cour suprême approuve la décision rendue par la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 6 octobre 2020, n° 19/05081 N° Lexbase : A88263WS) : ayant relevé, par motifs adoptés, que l'époux de la demandeuse à l’attribution exploitait des terres agricoles d'une surface globale de 184 hectares, incluant les parcelles d'une surface de 23 hectares qui lui avaient été données à bail, avec son épouse, par le défunt, et qui produisaient du lait et des céréales, et que la perte de ces terres mettrait en péril la continuité de l'activité laitière tandis que leur maintien permettrait de salarier leur fils, la cour d'appel en avait souverainement déduit que les terres litigieuses constituaient, avec l'exploitation agricole de l'époux de la demandeuse, une entreprise agricole et que les intérêts en présence justifiaient qu'elles soient attribuées par préférence à celle-ci.
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