Le Quotidien du 13 avril 2022 : Droit des étrangers

[Brèves] Étranger ayant perdu le statut mais non la qualité de réfugié : l’administration doit pouvoir conclure, au terme d'un examen approfondi, à l'absence de risque de subir un traitement prohibé

Réf. : CE 2°-7° ch. réunies, 28 mars 2022, n° 450618, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A53557RR

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[Brèves] Étranger ayant perdu le statut mais non la qualité de réfugié : l’administration doit pouvoir conclure, au terme d'un examen approfondi, à l'absence de risque de subir un traitement prohibé. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/83337579-breves-etranger-ayant-perdu-le-statut-mais-non-la-qualite-de-refugie-ladministration-doit-pouvoir-co
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par Marie Le Guerroué

le 12 Avril 2022

►La personne à qui le statut de réfugié a été retiré, mais qui a conservé la qualité de réfugié, ne peut être éloignée que si l'administration, au terme d'un examen approfondi de sa situation personnelle prenant particulièrement en compte cette qualité, conclut à l'absence de risque pour l'intéressé de subir un traitement prohibé dans le pays de destination.

Faits et procédure. Un ressortissant russe originaire de la république du Daghestan en Russie, s'était vu accorder le statut de réfugié. Par une nouvelle décision du 28 février 2018, l'Ofpra avait, sur le fondement du 2° de l'article L. 711-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L1904LMH, mis fin à son statut de réfugié. Par un arrêté du 13 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne avait rejeté la demande de titre de séjour en qualité de réfugié présentée par l'intéressé, l'avait obligé à quitter sans délai le territoire français, l'avait interdit de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et avait fixé la destination au pays dont il avait la nationalité ou tout pays où il est légalement admissible. Par un arrêté du même jour, le préfet l'avait assigné à résidence. Le tribunal administratif de Toulouse avait ensuite rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés. L’intéressé se pourvoit en cassation.

Réponse du Conseil d’État. La Haute juridiction administrative rappelle les dispositions applicables des articles 14 de la Directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 N° Lexbase : L8922IRU, L. 711-6 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés N° Lexbase : L6810BHP. Elle en déduit qu’il appartient à l'étranger qui conteste son éloignement de démontrer qu'il y a des raisons sérieuses de penser que, si la mesure incriminée était mise à exécution, il serait exposé à un risque réel de se voir infliger des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales N° Lexbase : L4764AQI ou aux articles 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne N° Lexbase : L8117ANX. Toutefois, ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 15 avril 2021 de la Cour européenne des droits de l'Homme « K.I. contre France » (CEDH, 15 avril 2021, Req. 5560/19, K.I. c/ France N° Lexbase : A36924PG), le fait que la personne ait la qualité de réfugié est un élément qui doit être particulièrement pris en compte par les autorités. Dès lors, la personne à qui le statut de réfugié a été retiré, mais qui a conservé la qualité de réfugié, ne peut être éloignée que si l'administration, au terme d'un examen approfondi de sa situation personnelle prenant particulièrement en compte cette qualité, conclut à l'absence de risque pour l'intéressé de subir un traitement prohibé par les stipulations précitées dans le pays de destination. Par suite, en jugeant que la décision d’éloignement vers le pays dont l’intéressé a la nationalité ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la CESDH, ni celles des articles 4 et 19 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, au seul motif qu’il ne faisait état, tant en première instance qu'en appel, d'aucun élément de nature à établir la réalité et l'actualité des risques encourus, sans rechercher si, eu égard à la qualité de réfugié de l'intéressé, l'administration avait procédé, à la date de la décision d'éloignement en litige, à un examen approfondi de sa situation, prenant particulièrement en compte cette qualité, au regard de l'existence de risques de traitement prohibé par ces stipulations à son retour en Russie, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit (CAA Bordeaux, 6e ch., 1er mars 2021, n° 20BX01726 N° Lexbase : A80684IN).

Annulation. Le ressortissant russe est donc fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

 

 

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