Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 1er mars 2022, n° 458272, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A07187PB
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par Vincent Téchené
le 09 Mars 2022
► La décision de l'Autorité de la concurrence d'ouvrir, à la demande des parties à un projet de concentration, une phase de « pré-notification » n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, de sorte qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la QPC dirigée contre les dispositions du Code de commerce sanctionnant l’opposition à fonctions et l’obstruction à l'instruction.
Faits et procédure. Par un communiqué de presse publié le 17 mai 2021, deux groupes de médias ont annoncé avoir conclu des protocoles d'entrée en négociations exclusives en vue de fusionner les activités de TF1 et Métropole Télévision. À l'issue de cette opération, Bouygues détiendrait 30 % de la nouvelle entité tandis que RTL Group en détiendrait 16 %. La société Free, active sur le marché de la distribution de contenus audiovisuels, et la société Iliad, sa société-mère, ont alors demandé au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la décision de l'Autorité de la concurrence de procéder à l'instruction de l'affaire relative au projet de prise de contrôle de Métropole Télévision par le groupe Bouygues, se traduisant notamment par l'envoi de questionnaires dont elles ont été destinataires.
C’est dans ces circonstances que les requérantes ont demandé au Conseil d'État de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 450-8 N° Lexbase : L6275L48 et du V de l'article L. 464-2 N° Lexbase : L6286L4L du Code de commerce.
Décision. Le Conseil d’État refuse la transmission de la QPC au Conseil constitutionnel au motif que les conclusions des requérantes tendant à l'annulation de la décision qu'elles contestent ne sont pas recevables.
En effet, les juges du Palais royal relèvent qu’en amont de la notification d'une opération de concentration prévue par les dispositions de l'article L. 430-3 du Code de commerce N° Lexbase : L2043KGR, les points 191 à 200 des lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations organisent une phase de « pré-notification » susceptible d'être déclenchée à l'initiative des parties à la concentration « qui souhaiteraient présenter leur projet de concentration au service des concentrations, en particulier lorsque des incertitudes pèsent sur la contrôlabilité de l'opération ou pour anticiper des discussions sur des délimitations de marché ou une analyse concurrentielle complexe » ou « lorsque la partie notifiante envisage un renvoi à la Commission ».
Selon les lignes directrices, cette phase de « pré-notification permet aux entreprises d'échanger de manière informelle avec le service des concentrations pour compléter leur dossier de notification et être en mesure de présenter un dossier susceptible de recevoir l'accusé de réception ». Le point 200 des lignes directrices précise que « sous réserve de l'accord préalable de la partie notifiante, une consultation de marché (test de marché) peut être effectuée afin de réunir des informations plus précises sans attendre la notification et de contribuer ainsi à minimiser le risque d'incomplétude de la notification ou à anticiper d'éventuels problèmes de concurrence ».
Ainsi, pour le Conseil d’État, la décision de l'Autorité de la concurrence d'ouvrir, à la demande des parties à un projet de concentration, une telle phase de « pré-notification » de l'opération susceptible de lui être notifiée ultérieurement en application de l'article L. 430-3 du Code de commerce constitue un élément de la procédure pouvant conduire l'Autorité à se prononcer sur l'opération de concentration en cause. Elle revêt, dès lors, un caractère purement préparatoire et n'est, par suite, et alors même qu'au cours de cette phase les agents chargés de l'instruction de l'affaire peuvent demander, sous peine des sanctions prévues à l'article L. 450-8 et au V de l'article L. 464-2 du Code de commerce, la communication d'informations ou de documents auprès de tiers à l'opération, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
Ainsi, les conclusions des requérantes ne sont pas recevables.
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