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par Vincent Vantighem
le 23 Février 2022
C’est Sylvain Waserman qui l’a annoncé, lui-même, sur Twitter. « La Commission mixte paritaire sur les lanceurs d’alerte est conclusive. C’est un excellent texte, nous avons la meilleure loi sur la protection des lanceurs d’alerte en Europe », s’est félicité le député (MoDem - LREM) de la deuxième circonscription du Bas-Rhin. Après des semaines d’inquiétude et une grosse pression des associations, organisations non-gouvernementales et syndicats, les députés et les sénateurs sont parvenus, mardi 1er février, à un accord sur la proposition de loi devant améliorer la protection des lanceurs d’alerte [1].
Le texte doit encore être validé définitivement à la mi-février par le Parlement. Mais tout semble désormais sur de bons rails. Après une première lecture à l’Assemblée nationale saluée par le secteur associatif pour « ses réelles avancées », les craintes étaient survenues, en décembre, du Sénat dominé par la droite qui avait, en partie, détricoté le texte initial. Finalement, les sept sénateurs qui composaient, avec sept députés, la Commission mixte paritaire ont fait marche arrière en annulant certaines modifications voulues par leurs pairs et en annulant la réécriture de l’article 1er définissant le lanceur d’alerte et qui avait suscité la polémique. Selon La chaîne Parlementaire, la rapporteure (LR) au Sénat, Catherine Di Folco, a souhaité revenir à un texte plus proche de celui adopté par l’Assemblée nationale « dans un souci de compromis ».
« Les lanceurs d’alerte ne seront plus seuls » s’est réjouie, dans un communiqué [2], la Maison des lanceurs d’alerte, à la tête d’une coalition de trente-six associations et syndicats mobilisés sur le sujet. « Un signal fort est donné en faveur de la vigilance citoyenne ».
Les « facilitateurs » seront aussi protégés
Établie avec le concours du ministère de la Justice, le Conseil d’État et les associations, la proposition de loi prévoit de mieux définir le statut des lanceurs d’alerte, alors que bon nombre d’entre eux ont vu leur vie chamboulée après avoir dénoncé des scandales [3]. La proposition du député Sylvain Waserman propose ainsi de les orienter dans leurs démarches et de mieux les protéger, ainsi que ceux qui les assistent. Au surplus, le texte devrait faciliter leur soutien financier et psychologique, nécessaire puisque la plupart se retrouvent sans emploi après avoir révélé des secrets inavouables.
Dans les faits, la proposition de loi transpose en droit français une Directive européenne de 2019 (Directive (UE) n° 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019, sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union N° Lexbase : L6898LTN), en allant même au-delà de ce qu’exige désormais le droit européen. Elle entend aussi corriger les imperfections de la loi pionnière dans ce domaine, dite loi « Sapin II », qui datait de 2016 [4]. En Commission, mardi matin, les parlementaires se sont en effet accordés sur la protection des « facilitateurs » (personnes morales), qui accompagnent les lanceurs d’alerte, en prévoyant que ces derniers puissent être épaulés par des associations dans leurs démarches. C’était le principal point d’achoppement entre les deux chambres. Et la principale revendication des lanceurs d’alerte souvent isolés et démunis.
Autre point positif, l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte ne s’étendra pas aux infractions pénales commisses pour l’obtention illicite des informations qu’ils pourraient, ensuite, divulguer. Le cas d’Antoine Deltour, condamné dans un premier temps par la justice luxembourgeoise pour avoir révélé les rescrits fiscaux dont bénéficiaient certaines multinationales dans l’affaire dite des « LuxLeaks », devait être dans tous les esprits. L’ancien auditeur avait finalement été blanchi en Cassation après des années de lutte.
« La loi met aussi fin […] à l’obligation pour les lanceurs d’alerte de saisir leur employeur en premier lieu avant d’envisager la saisine d’une autorité et impose à ces dernières un délai de réponse » a également salué la Maison des lanceurs d’alerte. « Le processus s’en trouve fluidifié et clarifié ».
Mobilisées sur les réseaux et même dans la rue à l’occasion du passage du texte au Sénat, les associations sont donc satisfaites de l’issue quasi imminente de ce texte. Mais elles préviennent déjà : « Nous resterons vigilantes quant aux suites données à ce texte », et prévoient déjà de continuer à se battre pour réclamer un fonds de soutien financier pour les lanceurs d’alerte. Un dispositif qui serait, ni plus ni moins, qu’une première dans le monde.
[1] Proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte [dossier législatif].
[2] La Maison des lanceurs d'alerte, Les lanceurs d'alerte ne seront plus seuls, 1er février 2022 [en ligne].
[3] v. V. Vantighem, Les lanceurs d’alerte très inquiets de la réécriture d’un texte de loi avant le passage au Sénat, Lexbase Pénal, janvier 2022 N° Lexbase : N0088BZB
[4] Loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique N° Lexbase : L6482LBP.
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