► Le Conseil d’État a, dans un arrêt du 17 novembre 2021, requalifié des plus-values d’intéressement réalisées par des cadres en traitement et salaires.
Les faits :
- le fonds d'investissement britannique LC a acquis en juin 2004, par l'intermédiaire de la société Materne Luxembourg Holdco, société de droit luxembourgeois créée à cet effet, la totalité des parts de la SAS Holding Materne contrôlant la société Materne BOIN Holding France, tête d'un groupe opérationnel ayant pour activité la fabrication et la commercialisation de compotes de fruits, confitures et biscuits ;
- en amont de la cession de Materne BOIN Holding France au fonds d'investissement Activa Capital survenue en novembre 2006, a été créée une société, la SAS Materne et Cie, en vue de faire bénéficier des cadres du groupe Materne d'un intéressement au capital du groupe ;
- le directeur d'usine au sein de la SAS Materne a souscrit des actions de la SAS Materne et Cie ; cette société, ayant elle-même acquis 2 030 050 bons de souscription d'action (BSA) émis le 3 octobre 2006 par la SAS Holding Materne pour un prix de 0,10 euro par BSA, a été rachetée dans son intégralité le 19 janvier 2007 par Materne Luxembourg Holdco au prix de 9,667 euros par action ;
- à la suite d'un contrôle portant sur les revenus de l'année 2007 de l'intéressé, après avoir estimé qu'aucun élément ne mentionnait la cession des titres litigieux, l'administration a regardé les gains résultant de cette opération comme une rémunération supplémentaire occulte imposable entre les mains du requérant au titre des revenus de capitaux mobiliers ;
- le tribunal administratif de Lyon, après avoir fait droit à la demande de substitution de base légale formulée par l'administration fiscale visant à maintenir les impositions en litige au titre des traitements et salaires, a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré et rejeté le surplus de la demande ;
- la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l’appel du requérant (CAA Lyon, 19 décembre 2019, n° 18LY04724 N° Lexbase : A72493AQ).
🔎 Principes :
- les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu (CGI, art. 79 N° Lexbase : L1669IPI) ;
- pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits (CGI, art. 82 N° Lexbase : L1172ITL) ;
- sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB (N° Lexbase : L3214LCZ) et 150 UC (N° Lexbase : L3832KWT), les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 20 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2007 (CGI, art. 150-0 A N° Lexbase : L0732L7A).
️⚖️ Solution du CE. Il en résulte que la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, au motif que les cadres du groupe Materne avaient bénéficié, dans des conditions avantageuses trouvant essentiellement leur source dans l'exercice de leurs fonctions de salarié, d'un mécanisme leur garantissant le prix de cession de ces titres, que le gain réalisé par le requérant à l'issue de cette cession constituait un avantage en argent devant être imposé dans la catégorie des traitements et salaires, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance qu'aucun lien de subordination direct n'existait entre celui-ci et la société Materne Luxembourg Holdco, cessionnaire.
💡 Précisions du CE : - les gains nets retirés par une personne physique de la cession à titre onéreux de valeurs mobilières sont en principe imposables suivant le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers institué par l'article 150-0 A du CGI, y compris lorsque ces titres ont été acquis ou souscrits auprès d'une société dont le contribuable était alors dirigeant ou salarié, ou auprès d'une société du même groupe ;
- il en va toutefois autrement lorsque, eu égard aux conditions de réalisation du gain de cession, ce gain doit essentiellement être regardé comme acquis, non à raison de la qualité d'investisseur du cédant, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant et constitue, ainsi, un revenu imposable dans la catégorie des traitements et salaires en application des articles 79 et 82 du CGI, réalisé et disponible l'année de la cession de ces titres.
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💡 Cette décision du Conseil d’État confirme sa position adoptée dans trois arrêts en date du 13 juillet 2021 (CE Plénière, 13 juillet 2021 n° 428506, n° 435452 et n° 437498, publiés au recueil Lebon N° Lexbase : A79804Y9).
Lire sur cet arrêt, O. Sube, Précisions sur le traitement fiscal des gains issus des « Management Packages », Lexbase Fiscal, septembre 2021, n° 878 (N° Lexbase : N8830BYP).
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