Le Quotidien du 26 novembre 2021 : Construction

[Brèves] Principe de proportionnalité dans l’appréciation de la demande de démolition/reconstruction, même en cas de défaut d’implantation altimétrique

Réf. : Cass. civ. 3, 17 novembre 2021, n° 20-17.218 FS-B (N° Lexbase : A94677BA)

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N9540BYY

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[Brèves] Principe de proportionnalité dans l’appréciation de la demande de démolition/reconstruction, même en cas de défaut d’implantation altimétrique. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/74755423-breves-principe-de-proportionnalite-dans-lappreciation-de-la-demande-de-demolitionreconstruction-mem
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 25 Novembre 2021

► Le principe de réparation intégrale du préjudice n’empêche pas de mesurer la proportion de la mesure réparatoire au préjudice invoqué ;
► la demande de démolition/reconstruction, la plus absolue des mesures réparatoires, doit être appréciée à l’aune de ce principe de proportionnalité ;
► l’appréciation du critère de proportionnalité relève de la libre appréciation des juges du fond.

La position de la Haute juridiction est maintenant bien tranchée et la solution ne peut qu’être approuvée. Le principe de réparation intégrale du préjudice doit être concilié avec un autre principe, qui est celui de la proportionnalité de la sanction. L’arrêt rapporté en est une nouvelle illustration.

En l’espèce, un accédant à la propriété a conclu des contrats de construction de maisons individuelles avec fourniture de plans avec un constructeur. Une garantie de livraison a été souscrite. Se plaignant de l’inachèvement des maisons ainsi que de diverses malfaçons dont un défaut d’implantation altimétrique, il assigne le constructeur aux fins d’obtenir sa condamnation à exécuter les travaux nécessaires à la livraison des travaux en l’état d’achèvement en application de l’article R. 261-1 du Code de la construction et de l’habitation (N° Lexbase : L8002LQG). Faute d’y parvenir, le garant de livraison est, ensuite, condamné à faire terminer les travaux. Une expertise judiciaire est ordonnée et, à la suite, l’accédant à la propriété sollicite finalement la démolition/reconstruction des maisons. Il soutient, notamment, que le garant de livraison couvre l’obligation de résultat du constructeur et seule la démolition/reconstruction serait de nature à mettre fin aux désordres.

La cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt rendu le 20 février 2020 sur renvoi après cassation (CA Bordeaux, 20 février 2020, n° 19/01054 N° Lexbase : A22553GM), déboute l’accédant à la propriété de cette demande. Les conseillers considèrent que les non-conformités invoquées sont soit non établies soit non substantielles. Ils ajoutent que la démolition/reconstruction se heurterait au principe de proportionnalité des réparations au regard de l’absence des conséquences dommageables de ces non-conformités sur les villas. L’accédant à la propriété forme un pourvoi en cassation. Il y expose, notamment, que le contrat oblige les parties et que les réparations doivent permettre d’exécuter l’ensemble des obligations dues au contrat, ce qui ne serait pas possible sans démolition/reconstruction. Le pourvoi est rejeté. L’appréciation du critère de proportionnalité de la sanction relève de la libre appréciation des juges du fond. La Haute juridiction n’opère qu’un contrôle de motivation. La solution étant motivée, il n’y a pas à casser la décision.

L’objectif de proportionnalité des sanctions contractuelles s’applique depuis longtemps (pour exemple Cass. civ. 3, 15 octobre 2015, n° 14-23.612, FS-P+B+R N° Lexbase : A5827NTY, Cass. crim., 16 février 2016, n° 15-82.732, FS-P+B N° Lexbase : A4692PZS) dans le domaine de la construction (Malinvaud, Le principe de proportionnalité et le droit de la construction, RDI 2016, p. 437) et le secteur particulièrement protégé de la maison individuelle n’y déroge pas. La solution n’est pas nouvelle et mérite d’être saluée. Ainsi, en cas de non-conformité à la règlementation parasismique, la démolition/reconstruction n’est pas systématiquement ordonnée (pour exemple Cass. civ. 3, 14 février 2019, n° 18-11.836, FS-D N° Lexbase : A3357YXM).

La solution est moins évidente en cas de défaut d’implantation ou d’erreur d’altimétrie dans la mesure où il est parfois compliqué d’imaginer des variantes techniques réparatoires à la démolition/reconstruction (pour exemple, Cass. civ. 3, 13 septembre 2006, n° 05-12.938, FS-D N° Lexbase : A0293DRB). Difficile ne veut pas dire impossible. C’est ainsi que la Haute juridiction n’a rien trouvé à redire sur la motivation d’une cour d’appel qui avait souverainement retenu que la construction de l’immeuble était affectée et que la non-conformité résultant du défaut d’implantation pouvait être régularisée par la construction d’un préau (Cass. civ. 3, 26 septembre 2012, n° 11-15.186, FS-D N° Lexbase : A6267ITB).

Il faut dire que le nouvel article 1221 du Code civil (N° Lexbase : L1985LKQ) soumet désormais l’exécution forcée des obligations contractuelles à un contrôle de la proportionnalité entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

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