La lettre juridique n°882 du 28 octobre 2021 : Procédure civile

[Textes] Décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 : la réforme de la réforme de la réforme de la procédure civile

Réf. : Décret n° 2021-1322, du 11 octobre 2021, relatif à la procédure d'injonction de payer, aux décisions en matière de contestation des honoraires d'avocat et modifiant diverses dispositions de procédure civile (N° Lexbase : L4794L83)

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[Textes] Décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 : la réforme de la réforme de la réforme de la procédure civile. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/73720620-textes-decret-n-20211322-du-11-octobre-2021-la-reforme-de-la-reforme-de-la-reforme-de-la-procedure-c
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par Rudy Laher et Charles Simon, Professeur à l’Université de Limoges et Avocat au barreau de Paris

le 27 Octobre 2021


Mots-clés : procédure civile • réforme • placement de l’assignation • injonction de payer

Jamais deux sans trois ! Après un premier décret de réforme de la procédure civile du 11 décembre 2019, un deuxième réformant la réforme du 27 novembre 2020, voici venir un troisième décret en date du 11 octobre 2021 qui réforme donc la réforme de la réforme, soit une réforme au cube. Nul doute que d’autres décrets suivront puisque de nouvelles réformes (puissance n, avec n compris entre 4 et l’infini) sont déjà annoncées. Dans l’attente, le (provisoirement) dernier décret contient deux modifications majeures : la suppression du délai de deux mois pour placer l’assignation à date devant le tribunal judiciaire lorsque cette date a été donnée par voie électronique et une refonte de la procédure d’injonction de payer.


 

Les praticiens auront beau fulminer, les universitaires auront beau fustiger, la « réforme permanente » [1] du Code de procédure civile se poursuit. Dernier stigmate : le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 relatif à la procédure d’injonction de payer, aux décisions en matière de contestation des honoraires d’avocat et modifiant diverses dispositions de procédure civile (N° Lexbase : L4794L83).

Il est la conséquence d’une réforme en cascade entamée par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC). Lui ont succédé divers décrets d’application relatifs à la procédure civile : décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 (N° Lexbase : L8421LT3) et décret n° 2019-1419 du 20 décembre 2019 (N° Lexbase : L1578LUY), puis décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 (N° Lexbase : L2353L8N) [2].

Si l’on veut bien prendre un peu de recul, la situation paraît ubuesque. Les fameux « chantiers de la justice » et la réflexion collective approfondie qu’ils devaient mettre en place durant de nombreux mois ont finalement donné naissance à un texte perfectible, unanimement critiqué et qui a dû faire l’objet de nombreuses corrections postérieures.

Le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire [lien] actuellement discuté au Parlement est un signe supplémentaire de cet échec autant que d’une incapacité des gouvernements successifs à réformer la procédure civile de manière globale, cohérente et véritablement concertée. Reste à voir ce qui sortira maintenant des États généraux de la Justice lancés le 18 octobre 2021.

Naturellement, et comme nous allons le voir, certaines des modifications apportées par le décret du 11 octobre 2021 méritent d’être saluées. Comme il a pu déjà être souligné [3], de nombreuses questions restent néanmoins sans réponses et le texte de 2021 paraît globalement décevant. Peut-être pèche-t-il par excès de prudence. Si l’on met de côté celles ne s’appliquant qu’aux îles de Wallis et Futuna [4], les évolutions concernent l’action (I), l’instance (II), le titre exécutoire (III) et l’appel (VI).

I. L’action

Les modifications concernant l’exercice de l’action touchent la demande aux fins de tentative préalable de conciliation (A), le délai de remise au greffe de l’assignation à date (B) et les mentions de l’acte de saisine du tribunal paritaire des baux ruraux (C).

A. Demande aux fins de tentative préalable de conciliation et tentative préalable de résolution amiable

L’une des grandes innovations du décret du 11 décembre 2019 a été la mise en place, devant le tribunal judiciaire, d’une tentative préalable obligatoire de conciliation, de médiation, ou de procédure participative, lorsque la demande tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est rPelative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 (N° Lexbase : L0421LSE) et R. 211-3-8 (N° Lexbase : L0425LSK) du Code de l’organisation judiciaire [5].

Quand ils étaient menacés par le terme imminent d’un délai de forclusion ou de prescription, certains praticiens ont eu l’idée de former une requête aux fins de tentative préalable de conciliation prévue à l’article 820 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9123LT3). En effet, « la prescription et les délais pour agir sont interrompus par l’enregistrement [d’une telle] demande ». L’astuce était loin d’être incohérente mais elle vidait l’article 750-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9295LTG) d’une partie de sa substance.

Le décret du 11 octobre 2021 a donc interdit ce que d’aucuns pouvaient juger comme une instrumentalisation procédurale en ajoutant un premier alinéa audit article 820. Celui-ci dispose désormais que « la demande en justice peut être formée aux fins de tentative préalable de conciliation hors les cas dans lesquels le premier alinéa de l’article 750-1 s’applique ». Les demandeurs se trouvent donc définitivement astreints à passer par l’étape préalable d’un mode alternatif de résolution des litiges avant de pouvoir saisir le juge dès lors que le montant de leur demande pécuniaire est inférieur à 5 000 euros.

Cette modification est applicable aux instances nouvelles et en cours à partir du 1er novembre 2021.

B. Simplification du délai de remise au greffe de l’assignation à date

Voilà l’une des mesures les plus heureuses de ce nouveau décret. Depuis le 1er janvier 2020, l’article 754 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L5412L8X) prévoyait que les praticiens amenés à prendre date devant le tribunal judiciaire étaient soumis à un double délai fort complexe lorsque la date leur était communiquée par voie électronique. Non seulement devaient-ils alors remettre au greffe l’assignation quinze jours avant l’audience [6], délai applicable quelles que soient les modalités de communication de la date par le greffe, mais encore étaient-ils dans l’obligation de réaliser ce dépôt dans les deux mois à compter de la communication de la date par le greffe, exclusivement lorsque celle-ci s’était effectuée par voie électronique.

En pratique, les premières prises de date par voie électronique, entraînant l’application de ce deuxième délai de deux mois à compter de la prise de date, ne sont intervenues qu’à partir du 1er juillet 2021 (ou peu avant pour certains tribunaux). Ce délai est désormais supprimé et disparaît des articles 754 et 1108 (N° Lexbase : L8626LY7) du Code de procédure civile. Personne ne le regrettera.

Ne reste donc plus que le délai de quinze jours dont l’utilité pour l’organisation interne du tribunal demeure tout à fait justifiée.

Cette simplification est en vigueur depuis le 14 octobre 2021, mais le délai de deux mois reste applicable pour toutes les dates communiquées par voie électronique plus tôt, soit dans une fenêtre de l’ordre de trois mois et demi compris entre début juillet et mi-octobre 2021. Les praticiens ayant instrumenté pendant cette période doivent donc rester vigilants.

Ce point d’attention mis à part, le schéma pour le placement de l’assignation devant le tribunal judiciaire est désormais le suivant :

C. Correction des mentions de l’acte de saisine du tribunal paritaire des baux ruraux

Le premier alinéa de l’article 885 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9176LTZ) a été réécrit concernant les mentions portées sur l’acte de saisine du tribunal paritaire des baux ruraux. Il dispose désormais que « la demande est formée et le tribunal saisi par requête remise ou adressée au greffe du tribunal ou par acte d’huissier de justice adressé à ce greffe conformément aux dispositions des articles 54 (N° Lexbase : L8645LYT), 56 (N° Lexbase : L8646LYU) à l’exception de ses deuxième et cinquième alinéas, et 57 (N° Lexbase : L9288LT8) ».

La correction opérée – portant sur le renvoi aux textes du droit commun – a pour conséquence de supprimer l’obligation de faire figurer dans l’acte la date d’audience et l’indication des modalités de comparution devant la juridiction. Une telle formalité n’avait, effectivement, aucun sens puisque le défendeur est en toute hypothèse convoqué par le greffe [7]. Il s’agit donc là encore de corriger une scorie d’une réforme de la procédure civile faite à la va-vite.

II. L’instance

Le décret apporte des modifications utiles au sujet du dépôt de dossier (A) et de la procédure participative (B) ainsi qu’une précision sur la représentation obligatoire par avocat devant le tribunal de commerce (C).

A. Réintroduction du dépôt de dossier en procédure écrite ordinaire

L’ancien article 779 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9317LTA) permettait, en procédure écrite ordinaire, au président ou au juge de la mise en état, d’autoriser, à la demande des avocats, le dépôt des dossiers au greffe de la chambre à une date qu’il fixait quand il lui apparaissait que l’affaire ne nécessitait pas de plaidoiries. Étrangement, cette faculté avait disparu avec la réforme de 2019, le dépôt des dossiers étant réservé à la seule hypothèse d’un accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire (N° Lexbase : L0598LTC).

Sans concurrencer la nouvelle règle, le décret du 11 octobre 2021 réintroduit opportunément l’ancienne au troisième alinéa de l’article 799 (N° Lexbase : L9329LTP). Cette modification est applicable aux instances nouvelles et en cours à partir du 1er novembre 2021.

B. Renforcement de la procédure participative de mise en état

Deux modifications importantes, applicables aux instances nouvelles et en cours à partir du 1er novembre 2021, sont à signaler concernant la procédure participative de mise en état.

La première modification importante concerne la question des exceptions de procédure et fins de non-recevoir. À l’origine, les penseurs de la procédure participative de mise en état avaient cru judicieux de prévoir que la signature de la convention vaudrait « renonciation de chaque partie à se prévaloir d’une fin de non-recevoir, de toute exception de procédure et des dispositions de l’article 47 (N° Lexbase : L7226LED) du présent code, à l’exception de celles qui surviennent ou sont révélées postérieurement à la signature de la convention de procédure participative » [8]. Seulement, la radicalité de cette purge des exceptions de procédure et des fins de non-recevoir avait découragé nombre d’avocats d’avoir recours à la nouvelle procédure en raison des risques importants qui en résultaient au regard de leur responsabilité professionnelle. Il se murmure que le nombre de procédures participatives qui auraient été mises en place depuis le décret d’application n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 se compterait chaque année sur les doigts d’une main.

Pour corriger le tir et encourager les praticiens à opter pour cette mise en état déjudiciarisée, le décret du 11 octobre 2021 transforme cette renonciation automatique en une simple faculté. Le deuxième alinéa de l’article 1546-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9190LTK) prévoit, désormais, que « les parties ont, à tout moment, la possibilité de renoncer expressément à se prévaloir de toute fin de non-recevoir, de toute exception de procédure et des dispositions de l’article 47, à l’exception de celles qui surviennent ou sont révélées postérieurement à la signature de la convention de procédure participative ».

Symétriquement, le dernier alinéa de l’article 1546-1 du Code de procédure civile qui prévoyait la purge automatique des exceptions de procédure et fins de non-recevoir est supprimé.

L’autre modification importante concerne la valeur des expertises réalisées dans ce cadre. Pour encourager le recours à la procédure participative, il a également été décidé que le rapport d’expertise privé obtenu dans ce cadre aura « valeur de rapport d’expertise judiciaire ». L’évolution interroge car il pourrait sembler discutable qu’un expert privé, même choisi d’un commun accord par les parties, présente les mêmes garanties – en termes déontologiques ou même techniques – qu’un expert judiciaire. Cette équivalence n’est toutefois pas dénuée d’intérêt pratique et les avis sur le sujet sont donc partagés, même au sein des auteurs de la présente chronique.

C. Représentation de l’État devant le tribunal de commerce

La loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit (N° Lexbase : L5483H3H) avait édicté une dispense générale de représentation par avocat au profit des personnes publiques devant le tribunal de grande instance mais sa portée pouvait être discutée. Même si la règle sera reprise au nouvel article 761 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8600LY8) relatif au tribunal judiciaire, la Cour de cassation a dû récemment se prononcer pour indiquer qu’il en allait de même devant le juge de l’exécution [9] qui est, rappelons-le, une fonction particulière du tribunal judiciaire, plus précisément de son Président (COJ, art. L. 213-5 N° Lexbase : L7741LPE).

Le décret du 11 octobre 2021 étend cette dispense au tribunal de commerce devant lequel « l’État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration » [10]. Les praticiens seront donc bien avisés de veiller à mettre à jour leurs modèles d’assignation pour cette modification qui est applicable aux instances nouvelles et en cours à partir du 1er novembre 2021.

À noter que cette façon de légiférer, consistant à prévoir une même exception à la représentation obligatoire par avocat au bénéfice de l’État à coup de copier/coller dans les dispositions propres à chaque juridiction, est une façon de procéder particulièrement besogneuse et source de difficultés. Il n’est donc pas exclu de voir ce texte dupliqué à nouveau ailleurs à l’avenir, quand l’État s’apercevra qu’il a oublié de prévoir une exception à ses conditions de représentation devant telle ou telle autre juridiction.

III. Le titre exécutoire

Des modifications non négligeables sont à noter concernant les titres exécutoires que constituent l’ordonnance d’injonction de payer (A) et certaines décisions rendues par le bâtonnier en matière de contestation d’honoraires (B).

A. Ordonnance d’injonction de payer et formule exécutoire

Tout d’abord, il convient de rappeler que la Juridiction unique nationale des injonctions de payer (Junip) prévue par l’article 27 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 (N° Lexbase : Z62612RE) et de réforme pour la justice est morte-vivante. Il s’agissait de prévoir un traitement par voie électronique de l’ensemble des requêtes en injonction de payer au niveau national.

Un amendement au projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire présenté par le Gouvernement prévoit sa suppression. Les raisons invoquées sont, en particulier, « des difficultés techniques majeures, dans la perspective de flux de requêtes en injonction de payer convergeant tous vers une juridiction unique, et en lien avec la performance des outils informatiques » . Pour faire simple, on comprend que l’outil ne fonctionnait pas. Après cet échec, le Gouvernement change donc de pied, avec toujours pour objectif de réduire les coûts.

Afin de décharger les créanciers (et les greffes) d’une tâche jugée rébarbative, le décret du 11 octobre 2021 prévoit ainsi qu’« en cas d’acceptation de la requête, le greffe remet au requérant une copie certifiée conforme de la requête et de l’ordonnance revêtue de la formule exécutoire et lui restitue les documents produits » [11]. C’est-à-dire que le greffe ne conserve plus les documents produits, y compris provisoirement, la phrase qui le prévoyait à l’article 1410 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6347H79) étant supprimée. Bien au contraire, ces documents devront désormais être joints à la copie de la requête signifiée au débiteur avec l’ordonnance. On décharge donc le greffe pour charger l’huissier et, par voie de conséquence, le demandeur à l’injonction qui devra payer la signification de ces documents complémentaires. Ce n’est pas pour autant un mal : au moins le débiteur connaîtra-t-il tout de suite les documents qui lui sont opposés.

La nouvelle rédaction de l’article 1422 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6364H7T) indique, au surplus, que « quelles que soient les modalités de la signification, le délai d’opposition prévu au premier alinéa de l’article 1416 (N° Lexbase : L6356H7K) est suspensif d’exécution. L’opposition formée dans ce délai est également suspensive » et que « l’ordonnance ne constitue un titre exécutoire et ne produit les effets d’un tel titre ou d’une décision de justice qu’à l’expiration [de ces] causes suspensives d’exécution […]. Elle produit alors tous les effets d’un jugement contradictoire. Elle n’est pas susceptible d’appel même si elle accorde des délais de paiement ».

Si cette innovation peut se comprendre d’un point de vue gestionnaire, elle a de quoi surprendre d’un point de vue plus théorique. En effet, ainsi que l’écrivait Hébraud, la formule exécutoire est moins une condition d’obtention de la force exécutoire qu’un « signe » [12] ; un « indice » permettant aux praticiens de contrôler son existence d’un simple coup d’œil pour mieux obéir aux ordres de la « République française ». Ce nouveau mécanisme est donc pour le moins étrange et nous semble remettre en cause la solennité symbolique de la formule autant que sa vocation pratique. Il existait des titres exécutoires par principe malgré l’absence de la formule exécutoire ; il existera désormais des titres inexécutables par principe (du moins, temporairement) malgré la présence de la formule exécutoire.

Concernant les modifications moins fondamentales de la procédure d’injonction de payer, relevons que :

  • la requête doit être accompagnée du « bordereau des documents justificatifs produits à l’appui de la requête » [13]. Est-ce bien utile ? Nous en doutons mais cela fait toujours de la paperasse en plus ;
  •  le délai d’opposition qui figure dans l’acte de signification de l’ordonnance doit désormais être indiqué « de manière très apparente » [14] mais il n’est plus fait mention que le débiteur peut « prendre connaissance au greffe des documents produits par le créancier » puisqu’elles lui sont désormais signifiées avec la requête ;
  • le débiteur qui forme opposition doit, à peine de nullité de celle-ci, mentionner son adresse [15]. En cas de désistement de cette opposition, celui-ci obéit « aux règles prévues aux articles 400 (N° Lexbase : L6501H7W) à 405 (N° Lexbase : L6506H74) » [16].

Ces différentes modifications ne sont pas encore entrées en vigueur. Une date sera fixée par arrêté du garde des Sceaux et au plus tard le 1er mars 2022.

B. Décision du bâtonnier et force exécutoire

Le décret du 11 octobre 2021 est à l’origine d’un nouvel article 175-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat (N° Lexbase : Z96497TL) relatif aux décisions du bâtonnier en matière de contestation d’honoraire. Il mérite d’être reproduit en intégralité :

 « La décision du bâtonnier peut, même en cas de recours, être rendue exécutoire dans la limite d’un montant de 1 500 euros, ou, lorsqu’il est plus important, dans la limite des honoraires dont le montant n’est pas contesté par les parties. Ce montant doit être expressément mentionné dans la décision. Les articles 514-3 (N° Lexbase : L9082LTK) à 514-6 (N° Lexbase : L9086LTP) du Code de procédure civile s’appliquent en cas de recours devant le premier président de la cour d’appel.

Pour les honoraires excédant le montant fixé en application du premier alinéa, le bâtonnier peut, à la demande d’une des parties, décider, s’il l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, que tout ou partie de sa décision pourra être rendu exécutoire même en cas de recours. Il peut assortir sa décision de garanties dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 517 et 518 (N° Lexbase : L9095LTZ) à 523 (N° Lexbase : L9099LT8) du Code de procédure civile. Les articles 517-1 (N° Lexbase : L9091LTU) à 517-4 (N° Lexbase : L9094LTY) du même code s’appliquent en cas de recours formé devant le premier président de la cour d’appel.

Les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables à la part des honoraires fixés en exécution d’une convention établie sur le fondement du cinquième alinéa de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée (N° Lexbase : Z08982NQ) ».

En cas de recours devant le premier président de la cour d’appel, l’article 177 (N° Lexbase : L1578H49) prévoit également que ce dernier « peut ordonner la radiation du rôle de l’affaire dans les conditions fixées au premier, septième et huitième alinéas de l’article 524 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9293LTD) ».

Ces évolutions sont applicables aux réclamations introduites à compter du 1er novembre 2021.

Deux points importants :

  • les avocats ont été entendus, les décisions du bâtonnier en matière d’honoraires peuvent enfin avoir l’exécution provisoire. C’est une avancée majeure pour eux, alors que les délais de traitement des appels des décisions du bâtonnier se comptent en années devant bon nombre de cours d’appel ;
  •  mais, de façon incompréhensible, l’exécution provisoire qui est désormais de droit en première instance ne l’est pas lorsqu’il s’agit des décisions du bâtonnier. Au contraire, un système alambiqué est mis en place.

Tout d’abord, l’exécution provisoire en cas d’appel est toujours soumise à l’obtention d’une ordonnance du président du tribunal judiciaire, ce n’est pas le bâtonnier qui l’ordonne. C’est donc toujours un processus lourd puisqu’il nécessite une action en plus que la simple réception de la décision du bâtonnier.

Ensuite, un distinguo est fait selon que les sommes dont le bâtonnier décide qu’elles pourront être rendues exécutoires même en cas de recours, sont contestées ou non et inférieures ou non à 1 500 euros. En l’absence de contestation ou en dessous de 1 500 euros, le bâtonnier ne semble pas avoir à se justifier, voire peut décider que les condamnations à sommes d’argent pourront être rendues exécutoires sans même que les parties ne le sollicitent, ce qui est pour le moins étrange. En cas de désaccord et au-dessus de 1 500 euros, le bâtonnier ne pourra se prononcer sur l’exécution provisoire qu’à la demande des parties, ce qui est la moindre des choses, et s’il estime l’exécution provisoire nécessaire et compatible avec la nature de l’action.

Pourquoi ce distinguo alors que la condition relative à la nécessité de l’exécution provisoire et sa compatibilité avec la nature de l’action n’est ni plus ni moins qu’un décalque de ce qui existait à l’article 515 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9088LTR) avant la réforme du 11 novembre 2019 ? Or, le juge n’a jamais eu à justifier les raisons de sa décision d’accorder ou non l’exécution provisoire ! On voit mal pourquoi le bâtonnier le ferait. Le distinguo auquel les rédacteurs du texte se sont livrés apparaît donc inopérant.

VI. L’appel

Le décret du 11 octobre 2021 procède à une rectification qui apparaît purement matérielle. Désormais, au lieu de renvoyer au « troisième alinéa de l’article 57 », l’article 901 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L8613LYN) relatif aux mentions obligatoires devant figurer sur la déclaration d’appel évoque « le cinquième alinéa de l’article 57 ». Cela fait référence à la date de la déclaration et à la signature de celui qui la dépose. Auparavant, le doute était permis car d’aucuns estiment que le décompte d’un nouvel alinéa implique un passage à la ligne faisant suite à un point. En évoquant le cinquième alinéa de l’article 57, les choses sont plus claires.

Cette modification, qui ne bouleverse pas les pratiques, est applicable aux instances nouvelles et en cours à partir du 1er novembre 2021.


[1] G. Wiederkehr, Le nouveau code de procédure civile : la réforme permanente , in Études offertes à Jacques Béguin, Litec, 2005, p. 787 et s.

[2] C. Simon, Même joueur joue encore : la réforme de la réforme de la procédure civile  (N° Lexbase : N5622BYU) ; F. Seba, Ajustements et restrictions, entre joies et peines : à propos des dispositions relatives à la procédure d'appel du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020, publiés dans Lexbase, Droit privé, décembre 2020, n° 847 (N° Lexbase : N5629BY7).

[3] C. Bléry, Décret du 11 octobre 2021 : la procédure civile à (tout) petits pas, Dalloz actualité, 19 octobre 2021.

[4] V. CPC, art. 1578, al. 2 (N° Lexbase : L5427L8I).

[5] CPC, art. 750-1 (N° Lexbase : L9295LTG).

[6] Sauf à ce que la date soit communiqué mois de quinze jours avant l’audience ; ce qui reste rare en pratique.

[7] CPC, art. 886 (N° Lexbase : L1430I8H).

[8] CPC, art. 1546-1, anc. al. 3 (N° Lexbase : L9190LTK).

[9] Cass. civ. 2, avis, 18 février 2021, n° 15001 (N° Lexbase : A83484HN).

[11] CPC, nouv. art. 1410 (N° Lexbase : L6347H79).

[12] P. Hébraud, L’exécution des jugements civils , RID comparé 1957, p. 174 et s.

[13] CPC, nouv. art. 1407 (N° Lexbase : L9156LTB).

[14] CPC, nouv. art. 1413 (N° Lexbase : L6351H7D).

[15] CPC, nouv. art. 1415 (N° Lexbase : L8419IUD).

[16] CPC, nouv. art. 1419-1 (N° Lexbase : L5422L8C) .

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