La lettre juridique n°882 du 28 octobre 2021 : Environnement

[Brèves] Lutte contre le réchauffement climatique : l’État devra réparer ses engagements non tenus de baisse des émissions de gaz à effet de serre

Réf. : TA Paris, 14 octobre 2021, n° 1904967 (N° Lexbase : A039549I)

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par Yann Le Foll

le 27 Octobre 2021

► L’État devra réparer les conséquences de sa carence en matière de lutte contre le changement climatique en compensant au 31 décembre 2022, au plus tard, le dépassement du plafond des émissions de gaz à effet de serre fixé par premier budget carbone (2015-2018).

Rappel. Plusieurs associations ont introduit en 2019 des requêtes devant le tribunal administratif de Paris afin de faire reconnaître la carence de l’État français dans la lutte contre le changement climatique, d’obtenir sa condamnation à réparer non seulement leur préjudice moral mais également le préjudice écologique et de mettre un terme aux manquements de l’État à ses obligations en matière de réduction des gaz à effet de serre. La Haute juridiction a déjà enjoint à l’État d’agir pour prouver l’efficacité de son action en la matière (CE 5° et 6° ch.-r., 19 novembre 2020, n° 427301, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A944734N).

En février 2021, le tribunal administratif de Paris a reconnu l’État responsable de manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique, sa carence partielle à respecter les objectifs qu’il s’est fixés en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre engageant sa responsabilité en la matière (TA Paris, 3 février 2021, n° 1904967, 1904968, 1904972, 1904976 N° Lexbase : A39684EP et lire la réaction de Corinne Lepage dans Y. Le Foll, Le Quotidien Lexbase, 3 février 2021 N° Lexbase : N6351BYU).

Montant du préjudice réparable. Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport annuel publié en juin 2021 par le Haut Conseil pour le Climat s’appuyant sur les données définitives du Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution, que le dépassement constaté est de 62 millions de tonnes « d’équivalent dioxyde de carbone » (Mt CO2eq) sur la période 2015-2018. Pour l’année 2020, les émissions de gaz à effet de serre se sont établies à 396 Mt CO2eq, soit une différence de l’ordre de 40 Mt CO2eq au regard de la part annuelle indicative fixée à 436 Mt CO2eq.

Si cette réduction d’une ampleur inédite est liée, de façon prépondérante, aux effets de la crise sanitaire de la covid-19 qu’a connue la France au cours de l’année passée et non à une action spécifique de l’État, il y a néanmoins lieu de la prendre en compte en tant qu’elle permet, pour partie, de réparer le préjudice constaté ainsi que de prévenir l’aggravation du dommage. Le préjudice perdure à la date du jugement à 15 Mt CO2eq.

Modalités de réparation du préjudice. Il y a lieu, d’ordonner au Premier ministre et aux ministres compétents de prendre toutes les mesures sectorielles utiles de nature à réparer le préjudice à hauteur de la part non compensée d’émissions de gaz à effet de serre au titre du premier budget carbone, soit 15 Mt CO2eq. Les mesures concrètes de nature à permettre la réparation du préjudice peuvent revêtir diverses formes et expriment, par suite, des choix relevant de la libre appréciation du Gouvernement.

Échéance. S’agissant de l’effet cumulatif du préjudice lié à la persistance des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et des dommages susceptibles d’en résulter, en l’absence d’éléments permettant de quantifier un tel préjudice, il y a lieu d’ordonner l’édiction de telles mesures dans un délai suffisamment bref pour prévenir l’aggravation de ces dommages. Le tribunal ordonne en conséquence que la réparation du préjudice constaté de 15 MtCo2eq soit effective au 31 décembre 2022 au plus tard. Et, à ce stade, il n’assortit pas cette injonction d’une astreinte.

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