Réf. : Cass. crim., 19 octobre 2021, n° 20-86.559, F-S (N° Lexbase : A465549B)
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par Adélaïde Léon
le 24 Novembre 2021
► Ne constituent pas des injures à caractère raciste les propos dénonçant, dans le cadre d’un conflit de travail par une caricature faisant référence au passé esclavagiste de la France, les méthodes de gestion d’un directeur de centre pénitentiaire, qualifiées d’autoritaristes voire de racistes mais ne visant pas l’intéressé à raison de son origine ou de son appartenance à une race.
Rappels des faits. Des agents pénitentiaires ont organisé sur la voie publique une manifestation visant le directeur du centre pénitentiaire de Guyane. Au cours de cet évènement une saynète était jouée, mettant en scène un homme déguisé en colon battant un autre homme, présenté en esclave. Étaient par ailleurs exposées des banderoles visant le directeur du centre et faisant référence au passé esclavagiste de la France.
À la suite du dépôt de plainte du directeur et de l’ouverture d’une information judiciaire, deux personnes ont été mises en examen pour les faits d’injures raciales et placées sous le statut de témoin assisté pour ceux de dénonciation calomnieuse. Les intéressés ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du seul chef d’injures raciales. La juridiction de première instance les a relaxés et a prononcé sur les intérêts civils, décision dont le procureur de la République a relevé appel.
En cause d’appel. La cour d’appel a relaxé l’un des détenus du chef d’injure publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion.
Le second prévenu et le procureur général ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel. Le pourvoi du premier a, par la suite, été déclaré déchu.
Moyens du pourvoi. Il était fait grief à la cour d’appel d’avoir relaxé le prévenu alors que les faits constituaient des injures à caractère raciste. Que c’est parce qu’il était blanc et en position de supérieur hiérarchique que le directeur du centre pénitentiaire avait été injurié.
Décision. La Chambre criminelle confirme le jugement d’appel, relaxe les prévenus et déboute la partie civile de ses demandes.
Rappelant les motifs de l’arrêt d’appel, la Haute juridiction souligne que les situations et propos litigieux s’inscrivent dans un conflit de travail et que la mobilisation au cours de laquelle ils avaient été constatés avait été lancée par un tract dénonçant notamment « … une ethnicisation de l’organisation du travail et un comportement néocolonialiste envers les surveillants d’origine non-européenne ».
Selon la Cour, c’est à raison que la cour d’appel a considéré que les propos en cause constituaient certes des injures mais s’adressaient au directeur du centre dans le cadre d’un conflit de travail en considération de sa qualité de dirigeant aux méthodes de gestion critiquables, ôtant tout caractère raciste à ces injures.
Selon la Chambre criminelle, les propos litigieux entendaient en effet dénoncer, par une caricature faisant référence au passé esclavagiste de la France, les méthodes de gestion d’un directeur de centre pénitentiaire, qualifiées d’autoritaristes voire de racistes mais ne visaient pas l’intéressé à raison de son origine ou de son appartenance à une race.
Pour aller plus loin : E. Raschel, ÉTUDE : La liberté d’expression, in Droit de la presse, (dir. E. Raschel), Lexbase (N° Lexbase : E4719Z8B). |
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