Réf. : Cass. civ. 1, 16 septembre 2021, n° 20-17.623 (N° Lexbase : A564844X) et 20-17.625 (N° Lexbase : A564944Y), FS-B+C
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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)
le 22 Septembre 2021
► La première chambre civile de la Cour de cassation a rendu deux arrêts le 16 septembre 2021, dont la large publication témoigne de l’importance des questions concernant la prescription en présence d’une situation de faiblesse dont étaient victimes des vendeurs ayant cédé différents immeubles ; le premier précise l’application de l’actuel article 2224 du Code civil, le second, l’articulation entre le droit antérieur à la loi du 17 juin 2008, dont est issu l’article 2224, et le droit résultant de cette réforme.
Point de départ de la prescription et article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC). Dans le premier arrêt (n° 20-17.623), la vente avait eu lieu après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 (loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I). Seul l’article 2224 du Code civil était en cause. Il s’agissait d’identifier le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité extra-contractuelle en présence d’une situation de faiblesse. En effet, les vendeurs avaient intenté leur action plus de cinq ans après la réitération de l’acte, ce qui justifia la décision de la cour d’appel d’Agen de déclarer l’action prescrite. Les juges du fond avaient en effet considéré que c’était à compter de la réitération de l’acte authentique que les vendeurs avaient eu connaissance de la réalisation du dommage, en conséquence de quoi, c’était à compter de cette date que la prescription commençait à courir.
La cassation intervient au visa de l’article 2224 du Code civil, lequel dispose que « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ». Constatant qu’ « il n’était pas discuté par les parties que (les vendeurs) étaient, au moment de la réitération de l’acte de vente […], dans un état de sujétion psychologique », elle en déduit que « la prescription n’avait pas pu commencer à courir à cette date ». Par conséquent, la situation de faiblesse permet de décaler le point de départ de la prescription.
Point de départ de la prescription et ancien article 2270-1 du Code civil (N° Lexbase : L2557ABC). Dans le second arrêt (n° 20-17.625), l’application dans le temps de la loi du 17 juin 2008 était en cause. En effet, la vente avait été conclue moins d’un an avant l’avènement de loi du 17 juin 2008. Application de l’ancien article 2270-1 ou application de l’article 2224 du Code civil issu de cette réforme ? La Cour de cassation, dans un arrêt à motivation enrichie, pose les principes directeurs (v. loi du 17 juin 2008, art. 26, II). D’une part, « les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ». D’autre part, et s’agissant du point de départ de la prescription, alors que la loi nouvelle, l’article 2224 du Code civil, a introduit un élément subjectif dans le point de départ de la prescription (le délai ne court que « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer »), introduisant ainsi un point de départ « glissant », elle rappelle des solutions d’ores et déjà consacrées. Ainsi, s’agissant du point de départ du délai de prescription d’une action en responsabilité extra-contractuelle, l’ancien article 2270-1 demeure applicable dès lors que « le délai a commencé à courir avant l’entrée en vigueur de ce texte ». La solution n’est pas nouvelle (Cass. civ. 3, 24 janvier 2019, n° 17-25.793, FS-P+B+I N° Lexbase : A0097YU7). Quant au délai de prescription, l’article 2224 s’applique aux prescriptions en cours à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin 2008. Néanmoins, la durée totale ne saurait excéder la durée de dix ans, durée prévue par l’ancien article 2270-1, alinéa 1er, du Code civil. Rappelée, la solution avait d’ores et déjà été affirmée (Cass. civ. 3, 13 février 2020, n° 18-23.723, FS-D N° Lexbase : A74993EH). Dès lors, l’arrêt d’appel, qui avait appliqué le nouvel article 2224 relativement au point de départ de la prescription, est cassé.
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