La lettre juridique n°878 du 23 septembre 2021 :

[Brèves] Publication de l’ordonnance de réforme du droit des sûretés

Réf. : Ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021, portant réforme du droit des sûretés (N° Lexbase : L8997L7D)

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[Brèves] Publication de l’ordonnance de réforme du droit des sûretés. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/72388789-breves-publication-de-lordonnance-de-reforme-du-droit-des-suretes
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par Vincent Téchené

le 22 Septembre 2021

► La très attendue ordonnance de réforme du droit des sûretés a enfin été publiée au Journal officiel du 16 septembre 2021.

Pour rappel, cette ordonnance est prise en application de l'article 60 de la loi « PACTE » (loi n° 2019-486, du 22 mai 2019, relative à la croissance et la transformation des entreprises N° Lexbase : L3415LQK) et devait paraître au plus tard le 23 mai 2021. En raison de la crise sanitaire, le délai a été repoussé de quatre mois (au 23 septembre) ; c’est donc une semaine avant la date butoir que le texte est publié.

Les 25 pages de l’ordonnance réforment en profondeur la matière.

En matière de cautionnement, les dispositions relatives à l'obligation d'information, à la mention manuscrite et à la proportionnalité mais également au devoir de mise en garde, aujourd'hui éparpillées dans le Code de la consommation, le Code monétaire et financier ou des lois non codifiées, sont abrogées pour intégrer le Code civil et permettre ainsi une unification des règles.

La réforme contredit en outre certaines solutions jurisprudentielles vues comme sources d'insécurité juridique : l'ordonnance consacre ainsi la possibilité pour la caution d'opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu'elles soient inhérentes à la dette ou personnelles au débiteur. De même, la caution ne pourra plus reprocher au créancier le choix du mode de réalisation d'une sûreté.

La sanction du cautionnement disproportionné est modifiée : la réduction du cautionnement remplace la déchéance totale. Quant aux règles relatives à la mention manuscrite, elles sont grandement assouplies, mais cette dernière reste exigée pour la validité du cautionnement. En outre, elle bénéficiera désormais à toutes les cautions personnes physiques, quelle que soit la qualité du créancier. La sous-caution bénéficiera également de l'information annuelle et de l'information sur la défaillance du débiteur principal. Le constituant d'une sûreté réelle pour autrui bénéficiera, pour sa part, des protections essentielles offertes à la caution, en rupture avec la jurisprudence actuelle.

Les règles du Code civil relatives aux privilèges mobiliers sont également « toilettées » et modernisées afin de clarifier et préciser leur régime, en particulier par l'inscription dans le Code civil de l'affirmation de l'existence d'un droit de préférence et de l'absence de droit de suite.

Le classement du droit de préférence du créancier gagiste ou l'absence de droit de rétention en matière de nantissement de bien incorporel sont également intégrés dans le Code civil. Dans le nantissement de créance, le régime de l'opposabilité des exceptions est, dans un souci de cohérence, fixé en s'inspirant des règles retenues pour la cession de créance par la réforme du droit des contrats du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK).

On relèvera également la transformation des privilèges spéciaux immobiliers en hypothèques légales, qui a pour effet de supprimer la rétroactivité de leur inscription. Il en va de même de la consécration dans le Code civil de la cession de somme d'argent à titre de garantie : cette sûreté est aujourd'hui massivement utilisée en pratique mais, faute de régime légal, une incertitude préjudiciable aux opérateurs économiques existait toujours quant à sa validité et son efficacité.

Des précisions sont apportées dans l'articulation des règles entre le Code civil et les procédures civiles d'exécution.

Le gage portant sur des immeubles par destination est désormais admis : ces biens, qui ne pouvaient jusque-là être engagés pour garantir un financement, peuvent désormais être grevés de sûretés.

L'efficacité de l'hypothèque est également renforcée :

  • sa constitution par les personnes morales autres que les sociétés est simplifiée ;
  • la prohibition des hypothèques portant sur biens futurs est levée ;
  • le champ des accessoires couverts par l'hypothèque en cas de subrogation personnelle est étendu ;
  • un mécanisme de purge des gages portant sur les immeubles par destination est mis en place.

Les règles relatives à la fiducie-sûreté sont modernisées. Son formalisme est assoupli, l'exigence d'une estimation de la valeur des biens transmis n'apparaissant pas nécessaire. Il en va de même de ses modalités de réalisation : le fiduciaire pourra désormais vendre les biens donnés en fiducie à un prix différent de celui fixé par l'expert si une vente à ce prix n'est pas possible. L'exigence d'expertise est toutefois maintenue afin d'assurer la protection du constituant.

Certaines règles relatives à la publicité du nantissement du fonds de commerce, sûreté très utilisée en pratique, complexifiaient inutilement les formalités d'inscription et fragilisaient sa sécurité. En particulier, le défaut d'inscription du nantissement dans le délai préfix n'est plus sanctionné par la nullité, mais par l'inopposabilité de l'acte.

En complément, l'ordonnance autorise la dématérialisation de l'ensemble des sûretés, alors qu'elle n'est aujourd'hui possible que pour les sûretés constituées par une personne pour les besoins de sa profession.

Certaines sûretés mobilières spéciales tombées en désuétude ou inutiles par rapport aux règles de droit commun sont abrogées : certains privilèges mobiliers ou immobiliers, le gage commercial, le nantissement de l'outillage et du matériel d'équipement, les warrants pétroliers, hôteliers, des stocks de guerre et industriel, le gage de stocks.

L’ordonnance consacre, par ailleurs, la cession de créance de droit commun à titre de garantie.

Les dispositions relatives à la publicité des sûretés mobilières, aujourd'hui inscrites dans différents codes (Code de commerce, Code des douanes, Code des transports, Code général des impôts, Code de la Sécurité sociale et Code de la construction et de l'habitation) et à différents niveaux de normes, sont enfin harmonisées.

Entrée en vigueur. L’ordonnance prévoit une entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Toutefois, la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives au registre des sûretés mobilières et au gage automobile, lesquelles requièrent à la fois des mesures réglementaires d'application et des développements informatiques, sera fixée par décret, sans pouvoir être postérieure au 1er janvier 2023. Les cautionnements conclus antérieurement à cette date demeureront intégralement soumis à la loi en vigueur au jour de leur conclusion. Il est également prévu une exception pour les obligations d'information (information annuelle, information sur la défaillance du débiteur principal, information de la sous-caution) qui s'appliqueront immédiatement le 1er janvier 2022 aux cautionnements et sûretés réelles pour autrui constituées avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance.

Ordonnance de réforme du droit des entreprises en difficulté. Cette réforme est complétée par l'ordonnance de réforme du livre VI du Code de commerce (ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 N° Lexbase : L8998L7E) portant notamment réforme de l'articulation entre le droit des entreprises en difficulté et le droit des sûretés (lire V. Téchené, Lexbase Affaires, septembre 2021, n° 689 N° Lexbase : N8784BYY)

Pour aller plus loin :

La réforme de droit des sûretés fera l’objet :

  • D'un numéro spécial de la revue Lexbase Affaires, élaboré sous la direction de Gaël Piette, Professeur à l'Université de Bordeaux ;
  • D'un webinaire, le 7 octobre 2021, avec les interventions de :
    - Gaël Piette, Professeur à l'Université de Bordeaux ;
    - Jean-Denis Pellier, Professeur à l’Université de Rouen ;
    - Dimitri Nemtechenko, Maître de conférences à l’Université de Rouen.

Pour vous inscrire au webinaire, cliquez ici.

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