La lettre juridique n°507 du 29 novembre 2012 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Chronique] Chronique de TVA - Novembre 2012

Lecture: 18 min

N4614BT3

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Chronique] Chronique de TVA - Novembre 2012. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/7244817-chronique-chronique-de-tva-novembre-2012
Copier

par Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne

le 29 Novembre 2012

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Laurence Vapaille, Maître de conférences à l'Université d'Evry-Val-d'Essonne, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de TVA. Ce mois-ci, notre auteur a choisi de s'arrêter sur deux décisions rendues par le Conseil d'Etat et un arrêt de la Cour de cassation. Dans le premier arrêt, en date du 22 octobre 2012, la Haute juridiction administrative se prononce sur la question de la preuve de la violation des obligations déclaratives en matière de TVA, plus précisément dans le cadre de la reconstitution du chiffre d'affaires. En termes de procédure, il n'existe pas de particularités propres à la TVA. Néanmoins, "la nature de l'impôt, ses enjeux et les sanctions applicables rendent spécifiques ce contrôle" (1) (CE 10° et 9° s-s-r., 22 octobre 2012, n° 325215, mentionné aux tables du recueil Lebon). Dans la deuxième décision, rendue le 22 octobre 2012, le Conseil d'Etat traite des règles applicables en matière de droit à déduction aux véhicules de service appartenant à un concessionnaire automobile. C'est une question de droit ancienne mais toujours d'actualité (CE 10° et 9° s-s-r., 22 octobre 2012, n° 327363, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, dans le troisième arrêt sélectionné, en date du 18 octobre 2012, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation traite de l'application du taux réduit de la TVA en matière de travaux immobiliers (Cass. civ. 2, 18 octobre 2012, n° 11-21.769, FS-P+B).
  • Preuve de la violation des obligations déclaratives en matière de TVA : en l'absence de rejet de comptabilité, la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires ne peut être moins précise que les écritures comptables (CE 10° et 9° s-s-r., 22 octobre 2012, n° 325215, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7594IUS)

En l'espèce, il s'agit d'une société qui a pour activité la fourniture de prestations de services dans le domaine des télécommunications. Par application de l'article 259 du CGI (N° Lexbase : L2727IG4) (2), cette société est redevable de la TVA sur l'ensemble de ses prestations. Pour ces opérations, l'exigibilité est déterminée "par l'encaissement des acomptes, du prix ou de la rémunération du service ou de la prestation" (3). A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a notifié à la société des rappels de TVA assortis d'intérêts de retard et de pénalités fondées sur l'article 1788 septies du CGI (plus en vigueur N° Lexbase : L4525HMK) (4).

Cette vérification portait sur la période du 1er janvier 1996 au 30 juin 1997. Pour l'année 1996, le vérificateur a appliqué une méthode de reconstitution du chiffre d'affaires et calculé les rappels de TVA sur la différence entre le montant de TVA déclaré par le redevable et le montant issu de la reconstitution. Pour autant, le vérificateur avait admis le caractère régulier, probant et sincère de la comptabilité, qu'il n'avait pas remise en cause. La méthode utilisée par le vérificateur avait pour objet de reconstituer "les sommes encaissées [...] à partir du chiffre d'affaires comptabilisé corrigé des variations des comptes clients et assimilés entre l'ouverture et la clôture" de la période du 1er janvier au 31 décembre 1996.

Par un jugement en date du 12 septembre 2005 (5), le tribunal administratif de Marseille a déchargé le redevable de ces rappels pour l'année 1996. La cour administrative d'appel de Marseille (6) a confirmé la décision des juges du fond. L'arrêt commenté rejette aussi la demande de l'administration, confirmant ainsi les décisions antérieures. La question posée au travers de ce litige est relativement simple : il s'agit de savoir si l'administration fiscale peut appliquer une méthode de reconstitution du chiffre d'affaires en vue de calculer le montant de TVA due, alors qu'elle n'a pas dénié à la comptabilité son caractère régulier.

La cour administrative d'appel de Marseille avait jugé que la méthode employée par l'administration ne pouvait que générer des "résultats nécessairement plus aléatoires que ceux qui auraient été obtenus en se fondant sur les encaissements effectivement réalisés" (7) par la société. L'appréciation portée sur la qualité de la méthode utilisée relève du pouvoir souverain des juges du fond et, en conséquence, le Conseil d'Etat considère que cette appréciation ne peut être remise en cause dans le cadre de la cassation. Il existe une grande liberté dans le choix de la méthode que peut adopter l'administration en fonction de la nature de l'activité et des éléments dont elle dispose. Cependant, le choix qui lui est laissé ne peut s'exercer qu'à certaines conditions. La première d'entre elles est l'absence d'une comptabilité régulière. Mais, dans la décision commentée, la comptabilité n'a pas été remise en cause et, dès lors, elle est réputée être régulière, sincère et probante.

Par ailleurs, il s'agit d'une procédure contradictoire, dans laquelle la charge de la preuve repose sur l'administration. Cette dernière ne peut rejeter la comptabilité comme moyen de preuve, alors qu'elle est admise comme régulière en y substituant une autre méthode. D'autant plus que la méthode retenue par l'administration fiscale est "moins précise que les écritures comptabilisées". Cette méthode peut, en revanche, être utilisée afin de pouvoir effectuer des "tests de cohérence" portant sur les déclarations de TVA. Mais, dans cette hypothèse, l'utilisation de la méthode de l'administration ne vient pas se substituer à une comptabilité régulière qui mentionne les encaissements effectivement réalisés. Elle doit simplement permettre de vérifier la cohérence entre les encaissements comptabilisés et certains éléments de la comptabilité.

Pour rappel, dans certaines hypothèses, l'administration peut estimer que la comptabilité de l'entreprise est dénuée de toute valeur probante du fait de "graves irrégularités" (8) qui l'entacheraient. Dans ce cas, l'administration rejette les écritures comptables irrégulières et peut procéder à la reconstitution des bases d'imposition dans le cadre d'une procédure contradictoire. L'administration peut choisir les méthodes de reconstitution mais elles doivent "être pertinentes" (9), car "les reconstitutions opérées doivent demeurer dans des limites réalistes au regard des conditions effectives d'exploitation" (10). Dans cette affaire, la méthode utilisée par l'administration n'est pas remise en cause par le juge de l'impôt du fait qu'elle ne serait pas pertinente en tant que telle, mais parce qu'elle est moins précise que la comptabilité régulièrement tenue par la société.

Outre cet argument tiré de la comparaison entre deux méthodes d'évaluation de la base imposable à la TVA, à savoir que, des deux méthodes, il est nécessaire d'appliquer celle qui est la plus précise, se pose aussi la question de la charge de preuve. En l'espèce, le contribuable a fourni une comptabilité régulière, en conséquence il s'agit d'une procédure contradictoire et non d'une procédure d'imposition d'office. Dès lors, la charge de la preuve incombe au service. Bien que cette charge pèse sur l'administration, cela ne l'autorise pas, pour autant, à choisir une méthode à l'exclusion de toute autre. L'utilisation de cette méthode d'évaluation, tout en écartant des écritures comptables régulières, ne permet pas d'apporter la preuve qu'il existe une dissimulation des recettes permettant de fonder les rappels de TVA.

  • Véhicules de démonstration appartenant à un concessionnaire : absence d'obligation de reverser la TVA déduite à l'achat lors de la revente si la taxe a été acquittée sur la totalité du prix de vente (CE 10° et 9° s-s-r., 22 octobre 2012, n° 327363, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7598IUX)

Cette affaire présente des faits simples, cependant le raisonnement développé par les juges du Conseil d'Etat est relativement complexe du fait de la mise en perspective de plusieurs règles spécifiques concernant le droit à déduction. D'une part, le litige porte sur des véhicules utilisés pour le transport des personnes, or en la matière il existe une exclusion du droit à déduction pour l'acquisition de ce type de matériel, exclusion qui comporte de nombreuses dérogations. D'autre part, il est aussi question de l'imposition des "livraisons à soi-même" et, enfin, les règles du régime particulier de la TVA quant aux biens d'occasion sont sollicitées. En effet, la question porte sur des véhicules prélevés sur le stock d'un concessionnaire afin d'être utilisés, dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise, en tant que véhicules de démonstration et véhicules de prêt (véhicules de service). A savoir quelles sont les règles applicables en matière du droit à déduction lors de la revente de ces véhicules.

A la suite d'une vérification de comptabilité d'un concessionnaire automobile, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de TVA qui a grevé l'acquisition de véhicules de démonstration et de véhicules de prêt, ainsi que certaines dépenses afférentes à ces véhicules : dépenses d'entretien, de réparation et d'équipement. Les véhicules de transport de personnes sont exclus du droit à déduction de manière assez large. Cependant, antérieurement à la suppression de l'article 237 de l'Annexe II au CGI (N° Lexbase : L0913HN7), les véhicules constituant des immobilisations étaient exclus du droit à déduction. Mais les véhicules acquis par des concessionnaires étaient considérés comme des éléments de stocks et non des immobilisations et, en conséquence, pouvaient bénéficier du droit à déduction (11). Néanmoins, s'agissant des véhicules de démonstration, la TVA n'était pas déductible. Mais le Conseil d'Etat (12) a admis que les véhicules neufs revendus par un concessionnaire dans l'année suivant celle de leur acquisition ne constituaient pas des immobilisations et devaient être considérés comme des véhicules d'occasion. La doctrine a pris en compte la position de la Haute juridiction administrative dans ses instructions du 12 septembre 1986 (BOI 3 D-6-86 et 3 D-10-86).

Par un jugement en date du 18 février 2007, le tribunal administratif de Poitiers avait rejeté la demande de la société en vue d'obtenir la réduction des rappels de TVA relatifs à l'achat des véhicules, sur le fondement de l'article 237 de l'Annexe II au CGI (plus en vigueur N° Lexbase : L0913HN7) (13). Par un arrêt du 26 février 2009 (14), la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé la décision rendue en première instance mais après substitution de la base légale. Les dispositions de l'article 237 de l'Annexe II au CGI ne concernaient que les véhicules de démonstration, les juges d'appel ont substitué à son application les dispositions de l'article 257-8°-1-b du CGI (N° Lexbase : L0792IPZ), relatives aux livraisons de bien à soi-même, qui s'appliquaient aussi aux véhicules de prêt. Les termes de "livraison à soi-même" n'apparaissent pas en tant que tels dans le CGI, mais on peut définir cette opération comme un "contrat avec soi-même" (15), qui a pour effet que l'entreprise devra acquitter spontanément la TVA sur les biens et services qu'elle fabrique ou qu'elle consomme. Lors de cette opération, l'assujetti aura la qualité de fournisseur dans un premier temps et celle de consommateur dans un second temps.

L'imposition de ce type d'opération doit permettre d'assurer le respect du principe de neutralité, lequel est en étroite corrélation avec les modalités du droit à déduction. "En l'absence d'un tel mécanisme, une entreprise pourrait trouver intérêt, dans certains cas, à fabriquer elle-même un bien en faisant appel à son propre personnel plutôt que de l'acheter auprès d'un tiers qui lui facturerait la TVA : l'opération de fabrication purement interne ne donnerait pas lieu au paiement de la TVA et l'entreprise échapperait ainsi à la rémanence de taxe susceptible d'être constatée en cas d'achat auprès d'un tiers" (16). Pour la Haute juridiction administrative, la substitution de base légale effectuée par les juges d'appel est valable en droit.

Ayant établi ce premier élément relatif aux livraisons à soi-même, le Conseil d'Etat prend ensuite en considération la qualité de "bien d'occasion" des véhicules de service lors de leur revente. Selon les dispositions de l'article 261 du CGI (N° Lexbase : L5444IR3), les ventes de biens d'occasion par les personnes qui les ont utilisés dans le cadre de leur exploitation sont exonérées. En combinant cette disposition avec l'article 241 de l'Annexe II au CGI (plus en vigueur N° Lexbase : L0923HNI) (17), il en résulte que les services accessoires à ces opérations, elles-mêmes exonérées, sont aussi exonérés. Afin d'étayer cette solution, le Conseil d'Etat fait référence à la législation communautaire, plus précisément à la définition des "biens d'occasion" fournie par la 6ème Directive-TVA (18), selon laquelle ce sont des "biens meubles corporels susceptibles de remploi en l'état ou après réparation, autres que des objets d'art ou d'antiquité". En appliquant cette définition aux véhicules de service, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit. Pour parvenir à cette qualification, il n'était pas nécessaire de répondre à la question de savoir si les véhicules devaient être considérés comme des immobilisations. En effet, le droit à déduction, qui doit permettre d'assurer une neutralité totale de l'imposition, s'applique normalement dans le cadre du négoce des biens neufs. En matière de biens d'occasion, le principe est que l'imposition est limitée à la plus-value réalisée avec, en corollaire, l'exclusion du droit à déduction. Cependant, l'exclusion du droit à déduction ne trouve pas à s'appliquer si le négociant opte pour l'acquittement de la TVA sur le prix total de la cession.

On peut noter que cette qualification de bien d'occasion admise par le Conseil d'Etat par référence tant au droit interne qu'au droit communautaire est la réponse à une question qui a fait l'objet de controverses. En effet, le régime applicable à la revente des véhicules de démonstration, et, au terme de cette décision, aussi des véhicules de prêt, était fonction du fait de savoir si ces biens étaient, lors de leur revente, considérés comme neufs ou comme d'occasion. En les considérant comme des biens d'occasion, leurs cessions sont imposables comme des cessions effectuées par des négociants en biens d'occasion.

Cette solution a déjà été retenue par la Haute juridiction administrative dans un arrêt en date du 17 décembre 2003 (19). Lorsqu'un négociant cède un bien d'occasion en taxant la totalité du prix de vente, il peut récupérer la taxe qui a grevé l'acquisition du bien. Depuis un arrêt de 1985 (20), le juge de l'impôt considère que peut être appliqué aux véhicules de démonstration le régime des biens d'occasion. Là encore, les juges de cassation confirment la validité du raisonnement de la cour administrative d'appel de Bordeaux.

C'est dans le dernier considérant qu'apparaît le motif pour lequel la solution retenue en appel n'est pas validée par le Conseil d'Etat. Selon la cour administrative d'appel, le contribuable ne pouvait se prévaloir des dispositions des instructions du 12 septembre 1986 (BOI 3 D-6-86 et 3 D-10-86). Aux termes de ces instructions, qui reprenaient les solutions dégagées par le Conseil d'Etat, les "concessionnaires qui ont déduit la taxe lors de l'acquisition du véhicule ne la reversent pas lorsque le véhicule est affecté à la démonstration, dès lors que lors de la revente, la taxe est acquittée sur la totalité du prix de vente". Cette solution ne peut être retenue que si les biens sont des immobilisations. Afin de savoir si ces biens relèvent de la catégorie des immobilisations, les juges d'appel ont retenu le critère de la durée de la détention du bien par le concessionnaire. Ainsi, si les biens étaient détenus depuis moins d'une année, il convient d'examiner s'il ne s'agissait pas d'immobilisations et, en conséquence, s'ils ne pouvaient bénéficier de la solution dégagée par les instructions.

Le Conseil d'Etat a considéré, dans des termes laconiques, qu'en ne retenant que ce critère de distinction, la cour administrative d'appel avait entaché sa solution d'une erreur de droit. Ce critère temporel est utilisé afin de distinguer si les biens sont des éléments de stocks ou des immobilisations, qualifications qui commandent les règles de déduction applicables. La solution retenue par la cour administrative d'appel de Bordeaux a déjà été retenue dans des décisions antérieures (21), pour lesquelles la durée supérieure ou inférieure à un an permet de déterminer la qualification juridique du véhicule. La censure du Conseil d'Etat n'est pas une solution nouvelle. En effet, dans les décisions précédentes, pour décider si les véhicules de démonstration font partie du stock de l'entreprise, ou au contraire, sont des immobilisations, le Conseil d'Etat n'utilise pas seulement le critère de la durée inférieure ou supérieure à une année. Il retient un faisceau d'indices, notamment pour savoir si les véhicules sont de même nature que les biens vendus neufs par le redevable, s'ils sont utilisés dans l'entreprise dans des conditions étroitement liées à la vente des biens et s'ils sont affectés à l'exploitation pendant une durée supérieure à une année (22). En utilisant un seul critère, il apparaît que, si cela simplifie l'oeuvre de qualification juridique, pour autant cette simplification peut ne pas être satisfaisante car elle entraîne une généralisation qui ne permet pas de prendre en compte les diversités des activités soumises à TVA.

  • Application du taux de TVA réduit aux travaux portant principalement sur les fondations d'un immeuble construit depuis plus de deux ans fissurées à cause de la sécheresse (Cass. civ. 2, 18 octobre 2012, n° 11-21.769, FS-P+B N° Lexbase : A7147IUA)

La décision commentée est l'une des rares au cours de laquelle le juge judiciaire va prendre "le costume du juge de l'impôt" (23). La question de droit porte sur le champ d'application du taux réduit de TVA en matière de travaux sur des biens immobiliers de plus de deux ans (24).

Un couple de contribuables a acquis, le 19 avril 1997, un pavillon, situé à Maurepas (78), appartenant à un autre couple. Très rapidement, ils ont déclaré un sinistre auprès de leur assureur (MACIF), les dommages constatés consistant en une apparition brutale d'un réseau de fissures des superstructures du bâtiment. Ils ont fait réaliser des travaux confortatifs par un entrepreneur. A la suite d'un rapport d'expertise rendu en 2007, les acquéreurs ont assigné les vendeurs et l'assureur de ces derniers (MAIF), ainsi que l'entrepreneur et son assureur (MAAF). Il faut noter que la commune sur laquelle le pavillon est situé a fait l'objet d'un arrêté de catastrophe naturelle pour la période d'octobre 1993 à novembre 1996, du fait d'une sécheresse persistante.

Dans une décision en date du 9 février 2010, le tribunal de grande instance de Versailles a condamné la compagnie MAIF au paiement des travaux de reprise des fondations pour un montant TTC de 226 528,86 euros ainsi que, solidairement, l'assureur des vendeurs (MAIF), l'entrepreneur et son assureur, à verser la somme de 29 883 euros TTC pour les travaux de reprise et de peinture des murs. La cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement des juges du fond (25). Le pourvoi, à l'origine de la décision commentée, a été formé par l'assureur des vendeurs (MAIF).

Le litige ne porte pas sur le chiffrage des différents travaux mais sur la question de savoir si ces travaux relèvent de la catégorie des travaux soumis au taux réduit de 5,5 % par application de l'article 279-0 bis du CGI (N° Lexbase : L1144ITK). Sinon, ils sont imposables au taux de droit commun de 19,6 %. Sur ce point, le jugement du tribunal de grande instance a retenu l'application du taux de droit commun, solution confirmée par les juges d'appel.

Selon les différents travaux d'expertise, les différents désordres constatés ont leur origine dans le phénomène de sécheresse reconnu comme catastrophe naturelle. Les travaux effectués par l'entrepreneur ont pu avoir pour effet d'amplifier ces désordres mais pour autant n'en sont pas la cause déterminante. Ces travaux ne sont qu'un facteur aggravant des désordres qui sont dus à la dessiccation des argiles sur lesquelles reposent les fondations du pavillon.

Selon l'instruction du 8 décembre 2006 (26), les travaux concourant à la production d'un immeuble neuf relèvent du taux normal de TVA. Ces travaux sont définis à l'article 257-7°-1,c du CGI (N° Lexbase : L0792IPZ), ils comprennent notamment les travaux portant sur des immeubles existants qui "rendent à l'état neuf : 1° soit la majorité des fondations ; 2° soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l'ouvrage" (27). Le tribunal de grande instance, comme la cour d'appel de Versailles, en ont conclu que le taux réduit ne pouvait être appliqué aux travaux décrits dans l'affaire commentée.

Mais précisément, la Cour de cassation vient infirmer la position des juges du fond en estimant que c'est le taux réduit qui doit être appliqué et non le taux de droit commun. On peut se référer notamment à un rescrit publié le 22 mai 2007 (28), selon lequel, en prenant en compte la doctrine administrative antérieure (29) à l'instruction du 8 décembre 2006, "les travaux de réparation et de renforcement des fondations d'immeubles sont soumis au taux réduit de TVA dans la mesure où ils n'aboutissent pas à une construction nouvelle ou à un agrandissement mais ont pour seul objet la stabilisation de l'existant".

Ce sont des travaux "confortatifs" qui ont été rendus nécessaires du fait des désordres qui ont été générés par la sécheresse qui a été considérée comme une catastrophe naturelle. Or précisément, l'interprétation donnée par le rescrit de 2007 l'a été au regard des travaux qui ont été consécutifs à la sécheresse de 2003, "ainsi qu'aux événements de même nature". Le taux réduit pourra s'appliquer à ces travaux dès lors que le preneur justifiera que les travaux sont directement en relation avec le phénomène naturel. En l'espèce, ce lien a été établi par le rapport de l'expert ; la cause première des désordres est la sécheresse.

Cette décision nous permet de rappeler que le montant des dommages et intérêts est calculé à partir du montant HT auquel est ajouté celui de la TVA. Ce montant ne peut être établi HT car dans le cas où la personne qui reçoit l'indemnisation n'est pas redevable à la TVA, elle subirait un autre préjudice financier "correspondant à la différence entre le taux normal et le taux réduit, et n'aurait pas la réparation intégrale de son préjudice" (30).


(1) Gwenaëlle Bernier, Laurent Chetcuti et Armelle Courtois-Finaz, La TVA racontée aux dirigeants et à leurs conseils, LexisNexis, Collection LITEC Fiscal, 2010, 2ème édition, 607 pages, p. 415, § 436.
(2) Cette disposition a été modifiée, lors de la réforme des règles de territorialité des prestations de services ("Paquet TVA"), par l'article 102-I-2° de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009, Droit fiscal, 2010, n° 2, comm. 57. Cf. aussi l'instruction du 4 janvier 2010, BOI 3 A-1-10, Droit fiscal, 2010, n° 2, inst. 14202.
(3) CGI, art. 269-2-c (N° Lexbase : L1679IPU).
(4) Disposition abrogée par l'article 18 de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités (N° Lexbase : L4620HDH), JO, 8 décembre 2005. Pour autant, cette pénalité existe toujours et est actuellement mentionnée au 4 de l'article 1788 A du CGI (N° Lexbase : L0698IHC).
(5) TA Marseille, 12 septembre 2005, n° 010079.
(6) CAA Marseille, 3ème ch., 18 décembre 2008, n° 06MA00002, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A8496ECN).
(7) Op. cit.
(8) LPF, art. L. 192, al. 2 (N° Lexbase : L8724G8M).
(9) Doc. adm., 4 G-3342
(10) Doc. adm., op. cit.
(11) Doc. adm. 3 D 1532, repris dans le BoFip (N° Lexbase : X8046ALL)
(12) CE 7° et 8° s-s-r., 4 décembre 1985, n° 63962, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3075AMT), Droit fiscal, 1986, n° 13, comm. 684.
(13) "Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction.
Il en est de même des éléments constitutifs, des pièces détachées et accessoires de ces véhicules et engins.
Toutefois, cette exclusion ne concerne pas :
- les véhicules routiers comportant, outre le siège du conducteur, plus de huit places assises, et utilisés par des entreprises pour amener leur personnel sur les lieux du travail ;
- les véhicules ou engins acquis par les entreprises de transports publics de voyageurs et affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports
".
Cette disposition a été abrogée à compter du 1er janvier 2008 par le décret n° 2007-566 du 16 avril 2007 (N° Lexbase : L0074HWN) et remplacée par l'article 206-IV-6 de l'Annexe II au CGI (N° Lexbase : L4430IQ7).
(14) CAA Bordeaux, 6 février 2009, n° 07BX00593, inédit au recueil Lebon.
(15) Daniel Gutmann, Droit fiscal des affaires, Lextenso Editions, Montchrestien, Collection Domat droit privé, 2011, 2ème édition, 748 pages, p. 564.
(16) Gestion de la TVA - La TVA expliquée aux praticiens, Francis Lefebvre, Dossiers pratiques, 2003, 665 pages, § 420, p. 35.
(17) "Les services de toute nature afférents à des biens, produits ou marchandises exclus du droit à déduction n'ouvrent pas droit à déduction". Ce texte a été supprimé à compter du 1er janvier 2008 par le décret n° 2007-566 du 16 avril 2007 et remplacé par l'article 206, IV, 2, 10° de l'Annexe II au CGI.
(18) Directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de TVA : assiette uniforme, art. 26 bis (N° Lexbase : L9279AU9).
(19) CE 9° et 10° s-s-r., 17 décembre 2003, n° 224409, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A9866DBZ).
(20) CE 7° et 8° s-s-r., 22 avril 1985, n° 35962, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2836AMY), Concl. M.-A. Latournerie.
(21) CAA Nantes, 6 février 1991, n° 89NT01072, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6667A8G) ; CAA Bordeaux, 1ère ch., 30 décembre 1992, n° 91BX00281, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2179A89) ; CAA Nantes, 8 décembre 1994, n° 93NT00388, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1547BHR) ; CAA Nancy, 6 juillet 1995, n° 92NC00978, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5405BGB).
(22) CE, 20 juin 1969, n° 75064, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3767B8Z), Droit fiscal, 1969, n° 30, comm. 947 ; CE 7° et 8° s-s-r., 7 octobre 1985, n° 52012, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2872AMC), Concl. M.-A. Latournerie, Droit fiscal, 1986, n° 7, comm. 269.
(23) André Lefeuvre, Note sous Cass. com., 12 décembre 2006, n° 05-15.334, F-D (N° Lexbase : A9040DSM), Droit fiscal, 2007, n° 12, comm. 310
(24) La quatrième loi de finances pour 2011 (loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 N° Lexbase : L4994IRE) a créé un nouveau taux réduit de 7 % qui s'applique aux travaux sur les biens immobiliers ayant plus de deux ans d'ancienneté. Lire nos obs., Chronique de TVA - Janvier 2012, Lexbase Hebdo n° 469 du 19 janvier 2012 (N° Lexbase : N9700BS3).
(25) CA Versailles, 9 mai 2011, n° 01/01738 (N° Lexbase : A1910HTW).
(26) Cette instruction commente des dispositions de l'article 88 de la loi de finances rectificative pour 2005 (loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 N° Lexbase : L6430HEU, Droit fiscal, 2006, n° 51, inst. 13629).
(27) Instruction du 8 décembre 2006, § 155, op. cit.
(28) Rescrit n° 2007/21 (TCA) du 22 mai 2007 (N° Lexbase : L0810IRG).
(29) Doc. adm., 3 C 2169, § 205, 30 mars 2001, remplacée par l'instruction du 8 décembre 2006 (BOI 3 C-7-06 N° Lexbase : X7759ADQ), et repris dans le BoFip (N° Lexbase : X8528ALG)
(30) André Lefeuvre, op. cit.

newsid:434614

Cookies juridiques

Considérant en premier lieu que le site requiert le consentement de l'utilisateur pour l'usage des cookies; Considérant en second lieu qu'une navigation sans cookies, c'est comme naviguer sans boussole; Considérant enfin que lesdits cookies n'ont d'autre utilité que l'optimisation de votre expérience en ligne; Par ces motifs, la Cour vous invite à les autoriser pour votre propre confort en ligne.

En savoir plus