La lettre juridique n°507 du 29 novembre 2012 : Avocats/Statut social et fiscal

[Evénement] Le barreau de Paris présente sa Charte des bonnes pratiques de la collaboration

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

le 29 Novembre 2012

Point fort lors de la campagne du Bâtonnat de Christiane Féral-Schuhl, la Charte des bonnes pratiques de la collaboration a été présentée et adoptée au conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris en novembre 2012. Ce texte a vocation à rappeler les conditions d'exercice souhaitables durant le déroulement d'un contrat de collaboration. Sans prévoir de sanctions, il définit certains comportements ou attitudes qui pourraient constituer des manquements aux principes essentiels de la profession. Aux termes de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), l'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association, d'une société civile professionnelle, d'une société d'exercice libéral ou d'une société en participation prévues par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 (N° Lexbase : L3046AIN), relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique. L'avocat peut ainsi exercer sa profession en qualité de collaborateur libéral d'un avocat selon les modalités prévues par l'article 18 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises (N° Lexbase : L7582HEK). Parmi les différentes formes d'exercice de la profession d'avocat l'une de celles dont la forme est la plus courante est la collaboration libérale. Par ce biais un avocat, le plus souvent débutant, consent à prêter son concours à l'activité d'un avocat ou d'une société d'avocat moyennant paiement d'une rétrocession d'honoraires destinée à assurer sa rémunération pour le travail fournit. La Charte est fondée sur le bloc normatif applicable à la collaboration, qu'elle soit libérale ou salariée. Ce bloc normatif est constitué par la constitution, les lois et règlements en vigueur, notamment le Règlement intérieur national (RIN N° Lexbase : L4063IP8) et le Règlement intérieur du barreau de Paris (RIBP).

Aussi, lorsque l'avocat jure d'exercer ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, il s'oblige au respect des principes essentiels de la profession, ainsi qu'à ses prolongements utiles et nécessaires. Ces principes s'imposent tant au cabinet qu'à ses collaborateurs.

Aux termes de l'article 12.1 du RIN, la collaboration libérale est un mode d'exercice professionnel exclusif de tout lien de subordination par lequel un avocat consacre une partie de son activité à un cabinet. Le collaborateur doit être en mesure de compléter sa formation et de constituer et développer une clientèle personnelle.

A la différence, la collaboration salariée constitue un mode d'exercice professionnel dans lequel il existe un lien de subordination. En outre, le collaborateur salarié n'a pas la possibilité d'avoir de clientèle personnelle. Aussi, la Charte rappelle-t-elle que le cabinet et son collaborateur doivent choisir le mode d'exercice applicable au contrat de collaboration suivant cette distinction.

La collaboration libérale

La collaboration libérale emporte des obligations tant pour le collaborateur, qui s'engage à traiter la clientèle du cabinet et à s'inscrire dans son organisation, que pour le cabinet, qui s'engage à permettre à son collaborateur de créer et développer sa clientèle personnelle.

La possibilité pour le collaborateur de créer et de développer une clientèle personnelle doit être affirmée comme étant l'essence de l'exercice libéral de la profession. La Charte rappelle que le collaborateur doit pouvoir bénéficier des moyens lui permettant de créer et de développer sa clientèle personnelle et notamment d'une souplesse dans l'organisation de son emploi du temps, d'une liberté d'accéder aux moyens matériels du cabinet, sans contrepartie financière au moins pendant les cinq premières années d'exercice professionnel (RIN, art. 14.2). De même, le collaborateur doit pouvoir demander assistance au cabinet en cas de difficultés rencontrées dans le traitement du dossier de l'un de ses clients. Le cabinet doit également veiller au respect des principes essentiels : il doit permettre à son collaborateur d'exercer son activité libérale personnelle dans le respect du secret professionnel et doit organiser un fonctionnement de nature à éviter tout conflit d'intérêts entre les clients du cabinet et ceux du collaborateur (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" [LXB= E6270ETE]).

La collaboration salariée

Comme évoqué plus haut, la collaboration salariale est caractérisée, d'une part, par un lien de subordination limité à la détermination des conditions de travail de telle sorte que la prestation intellectuelle de l'avocat doit être réalisée avec indépendance conformément à l'article 14.3 du RIN ; et, d'autre part, par une impossibilité de créer une clientèle personnelle, à l'exception des missions de l'aide juridictionnelle pour lesquelles le collaborateur salarié est désigné par le Bâtonnier.

Le contrat de travail du collaborateur salarié est régi par le droit du travail et par la Convention collective nationale des avocats salariés ainsi que par les principes essentiels de la profession (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9214ETG).

Les bonnes pratiques énoncées dans la Charte du barreau de Paris sont une application des principes essentiels de la profession applicables aux avocats salariés dès lors qu'elles ne dérogent pas aux règles du droit du travail.

La promotion de l'égalité, de la diversité et du bien-être

L'idée de le Charte est de rappeler les principes communautaires, constitutionnels et législatifs interdisant les discriminations. La discrimination est définie comme "toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée" (C. pén., art. 225-1 N° Lexbase : L8816ITP).

La Charte vise à promouvoir l'égalité et la diversité au sein de la profession, à inciter les cabinets à développer une application vertueuse de ces principes à tous les stades, pour tous les aspects de la collaboration : l'embauche, la formation, la rémunération, la promotion, l'accession à l'association...

Concernant le bien-être, la profession d'avocat ne fait pas exception à la situation de stress que peuvent être amenés à rencontrer certains collaborateurs. La Charte invite donc les cabinets à préserver la santé de leurs collaborateurs par la mise en oeuvre de principes simples tels que, notamment le suivi régulier de la charge de travail, la multiplication des échanges avec les collaborateurs, la mise en oeuvre de formations à la gestion du temps et des priorités, la mise en avant de la formation au management, la promotion de l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale.

Enfin, la Charte rappelle que les pratiques de harcèlement moral, et/ou sexuel, peuvent donner lieu à des sanctions pénales et disciplinaires.

Les engagements du cabinet pour une meilleure collaboration

La Charte propose quelques engagements que le cabinet doit respecter afin de permettre à son collaborateur d'effectuer une meilleure collaboration. Il doit lui consacrer le temps nécessaire à la transmission de l'expérience acquise, tant en matière de savoir-faire que de savoir-être. Il doit favoriser sa formation continue. Le cabinet s'engage, en outre, à assurer à son collaborateur des conditions matérielles et psychologiques favorables à une bonne intégration au sein tant du cabinet que de la profession d'avocat.

La gestion de la carrière du collaborateur

Le collaborateur, ayant vocation notamment à s'installer ou à être associé, doit être en mesure de préparer la suite de sa carrière dans des conditions conformes aux principes essentiels. Ainsi, quels que soient son ancienneté et son statut, il doit pouvoir apprécier ses perspectives de développement au sein du cabinet, à court, moyen et long terme : c'est l'entretien annuel. A cet effet, la Charte préconise d'évoquer certains points lors de cet entretien annuel : les dossiers traités par le collaborateur au cours de la période écoulée, les difficultés éventuellement rencontrées dans le traitement de ces dossiers et la méthode de gestion de ces difficultés ; la possibilité pour le collaborateur de développer sa carrière, et un savoir-faire, et pour le collaborateur libéral de développer une clientèle, avec les moyens mis à sa disposition par le cabinet ; les perspectives de développement du collaborateur au sein du cabinet, en fonction de la structure de celui-ci.

Enfin, il est précisé que ces entretiens annuels doivent être adaptés à l'ancienneté et à l'expérience du collaborateur. Ainsi, en présence de collaborateurs expérimentés et en fonction de la structure du cabinet, la question d'une éventuelle association devra être abordée.

La parentalité de l'avocat

Les principes essentiels de la profession exigent que, au-delà des congés maternité et paternité prévus par l'article 14.3 du RIN, il soit tenu compte de la situation spécifique créée par la situation familiale du collaborateur.

Le cabinet doit en particulier faciliter les conditions de travail de la collaboratrice enceinte, pendant sa grossesse et après l'accouchement. Le cabinet doit lui éviter, dans la mesure du possible, des déplacements trop importants, ainsi que la charge de dossiers trop lourds.

Le cabinet doit également lui permettre d'avoir un emploi du temps plus souple, avec des horaires de réunions adaptés, et faciliter l'accès au télétravail, si la collaboratrice le souhaite. Selon l'article 14.3 du RIN, la collaboratrice est en droit de suspendre sa collaboration pendant au moins seize semaines à l'occasion de l'accouchement, réparties selon son choix avant et après accouchement avec un minimum de six semaines après l'accouchement. Pendant cette période de suspension, elle reçoit sa rétrocession d'honoraires habituelle, sous la seule déduction des indemnités versées dans le cadre des régimes de prévoyance collective du barreau ou individuelle obligatoire.

La Charte rappelle que le cabinet doit veiller à ce que la collaboratrice ne soit pas sollicitée pendant son congé maternité et à permettre son retour au cabinet dans de bonnes conditions à l'issue de son congé maternité. Durant les premiers mois de l'accueil d'un ou plusieurs enfants, le cabinet s'efforce de tenir compte dans son organisation des contraintes induites par l'exigence d'une vie familiale normale de la collaboratrice et des rythmes inhérents à l'accueil d'un ou plusieurs enfants en bas âge. Durant cette période, le cabinet veille dans la mesure du possible à éviter à la collaboratrice des déplacements éloignés et des horaires tardifs de travail.

Conformément à l'article 14.3 du RIN, l'avocat dispose de 11 jours consécutifs de congé paternité, portés à 18 jours en cas de naissances ou adoptions multiples. Le cabinet doit alors éviter à son collaborateur tout découragement, même implicite relatif à la prise de son congé paternité.

La prévention des conflits

La prévention des conflits constitue une exigence directement rattachable aux principes essentiels de la profession, notamment la loyauté, la confraternité, la délicatesse et la courtoisie. A ce titre, le cabinet doit être accessible et disponible tout au long de la collaboration. Le collaborateur doit pouvoir demander à avoir un entretien intermédiaire, à tout moment, en cas d'interrogations, de doutes ou de difficultés, afin de prévenir tout éventuel conflit.

La rupture de la collaboration

Contrairement au contrat de travail, la rupture du contrat de collaboration libérale n'est soumise à aucune condition de fond et de forme du fait de la loi. Toutefois, l'article 14.4 du RIN fixe, ainsi, un délai de prévenance obligatoire de trois mois pour toute rupture d'un contrat de collaboration, délai augmenté d'un mois par année au-delà de trois ans de présence révolus, sans qu'il puisse excéder six mois. A titre exceptionnel, ce délai est ramené à huit jours pendant la période d'essai. Ces délais n'ont pas à être observés en cas de manquement grave flagrant aux règles professionnelles. Les périodes de repos rémunérées, qui n'auront pu être prises avant la notification de la rupture, pourront être prises pendant le délai de prévenance. La rupture du contrat de collaboration peut donner lieu à une procédure particulière, commune à celle réglant les litiges entre le cabinet et l'avocat salarié (décret du 27 novembre 1991, art. 142 et s.). Quelle que soit la cause de la cessation de la relation contractuelle, l'avocat collaborateur libéral peut demeurer domicilié au cabinet qu'il a quitté jusqu'à ce qu'il ait fait connaître à l'Ordre ses nouvelles conditions d'exercice et ce, pendant un délai maximum de trois mois (RIN, art. 14.4). Bien qu'aucune clause de non concurrence ne puisse lui être imposée en raison de l'interdiction de restreindre la liberté d'établissement (loi du 31 décembre 1971, art. 7), l'ancien collaborateur demeure tenu par ses obligations déontologiques. L'ancien collaborateur libéral doit s'interdire toute pratique de concurrence déloyale (RIN, art. 14.3).

La Charte prévoit que le cabinet et le collaborateur devront se réunir afin d'évoquer les modalités de la rupture et les mesures d'accompagnement pouvant être proposées par le cabinet. Ces mesures pourront, notamment, comprendre l'aménagement de la durée et des conditions d'exercice du délai de prévenance ou de préavis ; une assistance dans la recherche d'une nouvelle collaboration ou d'un contrat de travail au sein d'un client du cabinet ; une assistance à l'installation, pouvant impliquer la transmission, par le cabinet à son ancien collaborateur, de certains dossiers non traités par le cabinet ; la mise à disposition de matériel ou de locaux au cours de la période de domiciliation.

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