Le Quotidien du 22 septembre 2021 : Divorce

[Brèves] Rejet de l’exception de litispendance lorsque le juge français du divorce a été déclaré compétent par décision passée en force de chose jugée : épisode 2 !

Réf. : Cass. civ. 1, 15 septembre 2021, n° 20-19.640, FS-B (N° Lexbase : A918444W)

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[Brèves] Rejet de l’exception de litispendance lorsque le juge français du divorce a été déclaré compétent par décision passée en force de chose jugée : épisode 2 !. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/72428417-breves-rejet-de-lexception-de-litispendance-lorsque-le-juge-francais-du-divorce-a-ete-declare-compet
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par Aude Lelouvier

le 23 Septembre 2021

► La compétence du juge aux affaires familiales français acquise par ordonnance de non-conciliation passée en force de chose jugée ne saurait être remise en cause par exception de litispendance invoquée dans l’instance au fond du divorce.

Dans cet arrêt, deux époux franco-tunisiens ont saisi les juridictions tunisiennes le 14 décembre 2010 d’une demande en divorce, lequel a été prononcé par un arrêt du 19 novembre 2012 devenu irrévocable. Cependant, le 11 avril 2011, l’épouse a saisi les juridictions françaises d’une requête en divorce.

Par ordonnance de non-conciliation du 20 juin 2011, le juge aux affaires familiales a rejeté l’exception de litispendance soulevée par l’époux, lequel n’en a pas relevé appel. Néanmoins, dans l’instance au fond, l’époux a opposé à la demande en divorce de l’épouse l’autorité de la chose jugée attachée au jugement de divorce tunisien.

À la suite d’un jugement rendu en première instance, la cour d’appel de Metz (CA Metz, 24 mai 2016, n° 15/03168 N° Lexbase : A3562RQY) a accueilli cette fin de non-recevoir considérant que le jugement de divorce tunisien n’était pas contraire à une décision française ayant autorité de la chose jugée.

Par arrêt du 12 juillet 2017 (Cass. civ. 1, 12 juillet 2017, n° 16-22.158, FS-P+B N° Lexbase : A9725WM7), la Cour de cassation a censuré cet arrêt au motif que « le juge aux affaires familiales avait déclaré le juge français compétent pour connaitre du divorce par une décision passée en force de chose jugée ». En d’autres termes, la Haute cour rappelait que dès lors que le juge aux affaires familiales a déclaré le juge français compétent pour connaître du divorce, par une décision passée en force de chose jugée, il ne peut accueillir l’exception de litispendance soulevée devant la cour d’appel statuant au fond (v. A.-L. Lonné-Clément, Lexbase Droit privé, juillet 2017, n° 707 N° Lexbase : N9561BWZ).

La cour d’appel de Paris, par arrêt du 30 juin 2020, statuant sur renvoi après cassation, a décidé que le jugement de divorce tunisien n’était pas contraire à l’ordonnance de non-conciliation passée en force de chose jugée dans la mesure où le juge aux affaires familiales n’a statué quant à la compétence et à la loi applicable que pour la conciliation prévue aux articles 252 (N° Lexbase : A918444W) et 257 (N° Lexbase : L7170IMI) du Code civil, sans préjuger de la compétence du juge qui serait saisi au fond de l’instance.

En d’autres termes, la cour d’appel, malgré l’arrêt du 12 juillet 2017, retient une compatibilité de décisions en retenant que la compétence du juge aux affaires familiales français se restreignait à la phase de conciliation sans que cela concerne l’instance au fond.

La Cour de cassation, dans cet arrêt, censure donc de nouveau l’arrêt d’appel au visa de l’article 15 de la Convention relative à l’entraide judiciaire en matière civile et commerciale et à la reconnaissance et à l’exécution des décisions juridiques du 28 juin 1972 entre la France et la Tunisie, et au visa de l’article 1110 du Code de procédure civile dans sa rédaction antérieure (N° Lexbase : L1625H4X).

Ainsi, elle rappelle qu’en vertu de cette convention bilatérale, « les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant en France ou en Tunisie sont reconnues de plein droit sur le territoire de l’autre État à la condition, notamment, que la décision ne soit pas contraire à une décision judiciaire rendue dans l’État requis et y ayant autorité de la chose jugée ».

Puis, elle précise qu’en vertu des dispositions du Code de procédure civile, « en matière de divorce, l’exception de litispendance ne peut être invoquée que devant le juge aux affaires familiales avant toute tentative de conciliation. La décision rendue de ce chef est revêtue de l’autorité de la chose jugée et l’appel est immédiatement recevable, même si l’ordonnance rendue ne met pas fin à l’instance ».  

Au regard de ces dispositions, les Hauts magistrats donnent une nouvelle leçon de droit aux juges du fond en leur enseignant qu’au visa de la convention franco-tunisienne et des dispositions du Code de procédure civile, dès lors que le juge français a reconnu sa compétence en matière de divorce par une décision passée en force de chose jugée, sa compétence ne peut être remise en cause postérieurement, et ce même si cette décision intervient dans le cadre de la tentative de conciliation.

En effet, souvenons-nous qu’en l’espèce, la saisine des juridictions tunisiennes a eu lieu en 2010, et l’ordonnance de non-conciliation du juge français, par laquelle l’exception de litispendance a été rejetée, a été rendue et est passée en force de chose jugée en 2011. Par conséquent, la décision de divorce tunisienne intervenue en 2012 ne saurait produire d’effet, la compétence du juge aux affaires familiales étant d’ores et déjà acquise à cette date.

La Haute cour entérine donc sa position et indique que : dès lors que le juge aux affaires familiales français a reconnu sa compétence par une décision passée en force de chose jugée, sa compétence ne saurait être remise en cause, sans qu’il y ait lieu de distinguer la phase de conciliation de l’instance au fond.

Néanmoins, grâce à la réforme du divorce, cette problématique ne sera plus soulevée devant les tribunaux puisque la procédure de divorce ne se scinde plus en deux temps procéduraux, mais se déroule en une seule et même procédure.

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