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par Julian Crochet d'Anglade, Docteur en droit fiscal
le 01 Septembre 2021
Mots-clés : Covid-19 • fiscalité • entreprises • pass sanitaire
Dans le prolongement de l’adoption du projet de loi portant instauration du pass sanitaire, la question des conséquences qu’une telle mesure aura sur la santé financière des entreprises semble rendre indispensable l’application d’une fiscalité adaptée à leurs pertes futures.
1. Une fiscalité adaptée à la nature de la pandémie
Selon le principe bien connu, « l'égalité devant l'impôt ne doit pas s'entendre dans le sens d'une égalité pure et simple, mais plutôt dans celui d'une égalité eu égard aux capacités contributives de chacun » [1].
Or, pour prendre en compte cette « capacité contributive », il s’avère nécessaire d’attacher à l’application dudit pass sanitaire la qualification juridico-fiscale la plus adéquate au regard des préjudices financiers apparus au cours de cette dernière année et dont le document en question semble constituer une cause supplémentaire non négligeable.
Pour ce faire, il ne paraît pas hasardeux d’assimiler l’application du pass à une mesure faisant réponse à la « catastrophe naturelle » que représente la Covid-19.
Si le Gouvernement refuse d’assimiler l’épidémie à un tel phénomène [2], il reste tout de même permis - à lire la doctrine administrative - de définir le pass sanitaire comme un « sinistre » inévitable faisant suite à « un événement ayant des conséquences dommageables » [3].
En effet, qu’importe le lieu où il sera fait application du dispositif, il est notoire - y compris pour le Gouvernement - que de prochaines pertes financières « compliqué[es] [à] mesurer » surviendront [4].
Ainsi, tout en considérant la volonté du Gouvernement et pour compenser cette visible « complexité », il apparaît envisageable d’appliquer - fort simplement - le régime exonératoire d’ores et déjà prévu pour faire face à des évènements d’une dimension comparable à celle de l’épidémie.
2. Des exonérations fiscales fonctions de la gravité des évènements
L’application d’un tel régime se montre fortement appropriée à la situation puisqu’il permettrait « Afin d’encourager les actions de solidarité […] que les dons reçus par des entreprises ayant subi un sinistre à la suite […] d’un événement ayant des conséquences dommageables […] ne soient pas pris en compte pour la détermination de leurs résultats imposables » [5].
De ce fait, il n’apparaîtrait rien de plus adapté et de plus simple pour les entreprises que de voir les « primes, aides, subventions, abandons de créances etc. ou d’indemnités (assurance etc.) de toute nature » [6] être intégralement exonérées « sans limitation de plafond » [7], et ce, afin de sauvegarder leur trésorerie face aux prochaines pertes occasionnées par le pass sanitaire.
De même, un tel dispositif aurait également pour effet de préserver leur capacité à investir dans des mécanismes qui auraient eux-mêmes pour objectif de faciliter l’application et le contrôle dudit pass sanitaire.
En outre, la solidarité qui anime le régime fiscal en cause ne serait pas sans influence sur la logique d’investissement des grands groupes au profit des sociétés les plus fragiles, laquelle faciliterait par ailleurs la sauvegarde des emplois.
3. Un avantage accessible pour toutes les entreprises
Face à cette quête de simplicité, ce même régime fiscal vise « l’ensemble des entreprises sinistrées à la suite d’une catastrophe naturelle ou d’un événement ayant des conséquences dommageables. Par entreprises, il faut entendre toutes les entreprises industrielles ou commerciales, celles qui exercent une activité non commerciale et les exploitations agricoles, quelle que soit leur forme (individuelle ou sociale) » [8].
Toutes les entreprises pourraient donc bénéficier d’un tel dispositif si l’on venait à accepter que l’application du pass sanitaire, mesure « temporaire et exceptionnelle » [9] soit davantage assimilable à un malheur inattendu mais nécessaire plutôt qu’à une forme de progrès à vocation sanitaire.
Force est de constater que la problématique tenant au tri entre les firmes de plus forte ou de plus faible capacité financière, fonction de leur secteur d’activité, de l’espérance de croissance de ce secteur, et ce, suivant l’évolution de l’épidémie apparaîtra toujours bien plus complexe que l’adaptation de la fiscalité de ces entreprises à leur capacité contributive.
[1] BOI-CTX-DG-20-10-10-20140625 n° 80 (N° Lexbase : X8975ALY).
[2] QE n° 15711 de M. Michel Dagbert, JO Sénat 30 avril 2020, réponse publ. 25 juin 2020 p. 2963, 15ème législature (N° Lexbase : L6454L3G).
[3] BOI-BIC-BASE-30-20160203 n° 70 (N° Lexbase : X5303ALY).
[5] BOI-BIC-BASE-30-20160203 n° 80 et CGI, art. 237 quater (N° Lexbase : L4745HLC).
[6] BOI-BIC-BASE-30-20160203 n° 70.
[7] BOI-BIC-BASE-30-20160203 n° 150.
[8] BOI-BIC-BASE-30-20160203 n° 90.
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