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par Pierre Pradeau - Olivier Galerneau et Maxime Mahtout, Avocats, EY Société d'avocats
le 13 Juillet 2021
Mots-clés : TVA • e-commerce • ventes en ligne • interfaces électroniques • présomption de redevabilité
Cet article est issu d'un dossier spécial visant à synthétiser les nouvelles règles applicables en matière de TVA pour le commerce électronique. Pour consulter le sommaire de ce dossier spécial, cliquez ici (N° Lexbase : N8335BYD).
L’article 14 bis de la Directive du Conseil de l’Union européenne de 2017 [1] crée une présomption selon laquelle, les interfaces électroniques sont réputées avoir acquis et revendu le bien acheté en ligne par un client. En conséquence, ces dernières seront redevables de la TVA sur ces ventes [2].
Selon la Commission européenne, cette présomption a été introduite afin de « garantir une perception efficace et efficiente de la TVA, tout en réduisant la charge administrative pour les fournisseurs, les administrations fiscales et les consommateurs » [3].
Soulignons que cette présomption constituera également pour les États membres un moyen de lutte contre la fraude TVA.
La Directive européenne ne donne pas de définition précise des interfaces électroniques mais donne des exemples harmonisés pour les différents États membres en visant : les places de marché, les plateformes, les portails ou les dispositifs similaires, cette dernière catégorie visant à couvrir toutes les futures technologies qui permettraient de conclure la vente par voie électronique.
I. Les opérations dans lesquelles la présomption de redevabilité peut s’appliquer
Il existe trois situations dans lesquelles la présomption de redevabilité peut être appliquée :
II. Le principe de la présomption
La présomption a pour effet de créer une fiction juridique selon laquelle l’interface est réputée agir en tant qu’acheteur revendeur et réaliser, en conséquence, (i) un achat B2B avec le fournisseur (vente à laquelle aucun transport ne sera attaché et en principe placé hors du champ d’application territorial de la Directive (UE) n° 2006/112/CE), puis, (ii) une vente B2C avec le client final.
(Figure 2 – Notes explicatives de la Commission)
L’interface électronique ne pourra pas, de manière automatique, être réputée constituer un fournisseur présumé pour l’ensemble des ventes dans lesquelles elle intervient. La Commission explique en effet, dans ses notes explicatives, qu’il convient de mener une analyse au cas par cas et donc opération par opération et non une analyse globale.
Autrement dit, une interface pourra tout à fait être réputée agir comme un acheteur revendeur pour une opération déterminée alors que pour d’autres, cette qualité ne lui sera pas reconnue.
Pour autant, l’application de cette présomption est conditionnée au fait que la plateforme intervienne en tant que « plateforme facilitatrice ».
III. La condition sine qua non de l’application de la présomption : faciliter la transaction
L’article 256, V, 2° du CGI (N° Lexbase : L7687LUA), qui transpose les dispositions de la Directive, est, au même titre que la Directive, lapidaire sur les circonstances dans lesquelles la plateforme est réputée avoir acquis et livré les biens ou les services.
En effet, l’article se borne à viser « l’assujetti qui facilite » sans donner plus de détail.
Dès lors, il convient de se reporter au Règlement d’exécution (UE) n° 2019/2026 du Conseil, du 21 novembre 2019 (N° Lexbase : L1520L7G) ainsi qu’aux notes explicatives afin d’obtenir plus de précisions.
Rappelons que les notes explicatives ne sont pas contraignantes et que les États membres pourront s’écarter des précisions apportées par ces notes dans leur interprétation.
L’article 5 ter du Règlement précité dispose que le terme « facilite » désigne « l’utilisation d’une interface électronique permettant à un acquéreur et à un fournisseur qui met des biens en vente au moyen de cette interface électronique d’entrer en contact, ce qui aboutit à une livraison de biens au moyen de cette interface électronique à cet acquéreur ».
Il ajoute qu’un assujetti ne facilite pas une livraison de biens lorsque les conditions suivantes, explicitées par les notes explicatives de la Commission, sont cumulativement remplies :
Soulignons que la Commission précise que ces trois conditions cumulatives doivent être interprétées au sens large. Ainsi, en pratique, les interfaces auront les plus grandes difficultés à se soustraire à cette nouvelle présomption.
IV. Les conséquences de la présomption
Si l’interface électronique est réputée faciliter la transaction, alors elle sera considérée comme le redevable légal de la TVA. Elle devra déclarer et verser la TVA collectée à l’administration fiscale locale compétente.
Ainsi, il résulte de l’article 269, 1 a sexies (nouveau) du CGI (N° Lexbase : L6270LUR) que le fait générateur de la TVA, tout comme son exigibilité sera réputé intervenir lors de l’acception du paiement.
Dans la mesure où cette déclaration et collecte de la TVA est effectuée sur la base des informations fournies par le fournisseur, toute erreur lui sera en principe imputable. Cependant, l’article 5 quater du Règlement d’exécution (UE) n° 2019/2026 prévoit qu’un assujetti facilitateur « n’est pas redevable du paiement de la TVA excédant la TVA qu’il a déclarée et payée en rapport avec ses livraisons lorsque les conditions suivantes sont réunies » :
La charge de la preuve incombera à l’interface électronique.
Concernant l’obligation de facturation, l’interface devrait recevoir de la part du fournisseur une facture de vente en raison de l’achat qu’elle est réputée réaliser. En effet, cette opération est réalisée dans le cadre de relations B2B.
En matière de TVA, les règles de facturation pourront fluctuer en fonction de la situation dans laquelle se trouve la plateforme facilitatrice ou le fournisseur. Les règles de facturation applicables dépendront en priorité de deux facteurs : (i) l’utilisation ou non d’un régime particulier (régime UE, régime non-UE et l’IOSS) et (ii) si l’État membre concerné impose l’émission d’une facture TVA dans le cadre des relations B2C.
Enfin, soulignons que les interfaces électroniques devront tenir un registre des opérations réalisées en vue de permettre un contrôle par les différents États membres. Ils devront être conservés pendant 10 ans et être mis à disposition par voie électronique des États membres sur simple demande [4].
[1] Directive (UE) n° 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017, modifiant la Directive (UE) n° 2006/112/CE et la Directive (UE) n° 2009/132/CE, en ce qui concerne certaines obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens (N° Lexbase : L7481LHK).
[2] Ventes visées à l’article 14 bis de la Directive n° 2006/112/CE.
[3] Notes explicatives de la Commission européenne sur les règles de TVA pour le commerce électronique de septembre 2020 [en ligne].
[4] Article 242 bis nouveau de la Directive (UE) n° 2006/112/CE.
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