Réf. : Cass. com., 2 juin 2021, n° 20-12.908, F-P (N° Lexbase : A23794UN)
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par Vincent Téchené
le 09 Juin 2021
► La sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers est limitée au bien affecté en garantie, et est soumise à la prescription trentenaire, prévue pour les actions réelles immobilières, et non à la prescription quinquennale de droit commun.
Faits et procédure. Une banque a consenti une ouverture de crédit à une société. Par un acte notarié du 16 février 1993, deux personnes (les garants) se sont rendues « cautions en garantie de paiement des sommes dues par l'emprunteur à la banque » et ont consenti à la banque une garantie hypothécaire sur un ensemble de biens immobiliers leur appartenant, qu'elles ont renouvelée le 27 janvier 1995. Après la mise en redressement judiciaire de la société débitrice, les garants ont, par un acte du 12 novembre 2014, assigné la banque en invoquant « l'extinction des hypothèques ».
La cour d'appel ayant accueilli leur demande, en conséquence de l'extinction, par prescription, de l'engagement des « cautions » (CA Montpellier, 18 décembre 2019, n° 17/05156 N° Lexbase : A6123Z8B), la banque a formé un pourvoi en cassation.
Pourvoi. Elle soutenait, en substance, que l'affectation hypothécaire ne constituait pas un cautionnement soumis à la prescription quinquennale de droit commun, mais avait exclusivement la nature d'une sûreté réelle immobilière, soumise à une prescription trentenaire.
Décision. Cette argumentation convainc la Haute juridiction qui censure l’arrêt d’appel au visa des articles 2011 (N° Lexbase : L2246ABS), devenu 2288 (N° Lexbase : L1117HI9), 2114 (N° Lexbase : L2361AB3), devenu 2393 (N° Lexbase : L1337HID), 2180 (N° Lexbase : L1048ABG), devenu 2488 (N° Lexbase : L5325IM8), et 2227 (N° Lexbase : L7182IAA) du Code civil.
Selon la Cour de cassation, il résulte de ces textes que, la sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, elle n'est pas un cautionnement. Ainsi, limitée au bien affecté en garantie, elle est soumise à la prescription trentenaire, prévue par le dernier texte pour les actions réelles immobilières, et non à la prescription quinquennale de droit commun prévue par l'article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) pour les actions personnelles ou mobilières.
En l’espèce, pour déclarer prescrites les hypothèques litigieuses et ordonner leur radiation, l'arrêt relève que la banque n'avait entrepris aucune action à l'égard des « cautions » avant le 19 juin 2013, terme du délai pour agir contre elles en conséquence de la survenance de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile (N° Lexbase : L9102H3I).
Dès lors, en statuant ainsi, alors qu'ayant relevé que les garants s'étaient rendus cautions « simplement hypothécaires » de l'emprunteur, de sorte que l'affectation de leurs biens en garantie de la dette d'autrui avait la nature d'une sûreté réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire, la cour d'appel a violé les textes visés.
Observations. On sait que dans un arrêt du 2 décembre 2005, une Chambre mixte de la Cour de cassation a mis fin à l'opposition entre la Chambre commerciale et la première chambre civile sur la nature juridique du cautionnement réel, excluant la qualification de cautionnement. Elle avait alors retenu qu’« une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers, n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire à l'obligation d'autrui, n'est pas dès lors un cautionnement » (Cass. mixte, 2 décembre 2005, n° 03-18.210 N° Lexbase : A9389DLC). C’est ce rappel qu’opère en premier lieu la Cour de cassation.
Elle en a, depuis, déduit un certain nombre de conséquences s’agissant du régime applicable à ce que l’on nommait avant le « cautionnement réel ». Ainsi par exemple, cette garantie n'est pas soumise à la règle posée à l'article 1415 du Code civil (N° Lexbase : L1546ABU) relatif à l’accord du conjoint pour engager les biens communs (Cass. mixte préc.). Également, les dispositions de l’article L. 313-22 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7564LBR), sur l’obligation d’information de la caution, ne sont pas applicables à l'hypothèque (Cass. civ. 1, 7 février 2006, n° 02-16.010, FS-P+B N° Lexbase : A8369DMW). On relèvera également que dans ce cas, la banque créancière n'est pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard du constituant (Cass. com., 24 mars 2009, n° 08-13.034, FS-P+B+I N° Lexbase : A1375EEN).
Réforme ? On notera enfin que si l’ordonnance de réforme du droit des sûretés maintient en l’état ce qui est prévu dans le projet de réforme qui avait été soumis à la consultation, le créancier bénéficiaire d’une sûreté réelle pour le compte de tiers sera soumis à de nouvelles obligations relevant du droit du cautionnement : obligation de mise en garde, obligation d’information, libération du garant de l’engagement en cas de perte de son droit à subrogation contre le débiteur en raison de la faute de son créancier.
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La définition du cautionnement, Le régime juridique du cautionnement réel, in Droit des sûretés, (dir. G. Piette), Lexbase (N° Lexbase : E8956D34). |
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