Lexbase Affaires n°51 du 12 décembre 2002 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] Retour sur les difficultés de la distinction du défaut de conformité et des vices cachés

Réf. : Cass. civ. 1ère, 19 novembre 2002, n° 01-00.308, F-D (N° Lexbase : A0521A43) ; Cass. civ. 1ère, 19 novembre 2002, n° 01-00.724, F-D (N° Lexbase : A0614A4I)

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le 01 Octobre 2012

La question de la distinction de l'action en responsabilité intentée contre le vendeur pour manquement à son obligation de délivrance (C. civ., art. 1604 N° Lexbase : L1704ABQ) et de l'action en garantie des vices cachés (C. civ., art. 1641 et s. N° Lexbase : L1743AB8) est bien connue (1). Les deux arrêts rapportés, rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 19 novembre dernier, illustrent à nouveau les hésitations qui y sont attachées. Dans la première espèce, des époux avaient confié la construction d'un pavillon à une société, laquelle s'était approvisionnée en béton auprès d'un fournisseur. Or, le lendemain de la livraison, il était constaté que le béton n'avait pas durci. Les époux et leur cocontractant ont donc assigné le fournisseur. Les juges du fond, considérant que l'action principale fondée sur le défaut de qualité du produit livré était une action en garantie des vices cachés, ont estimé qu'elle n'était plus recevable faute d'avoir été intentée dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil (N° Lexbase : L1752ABI). Cette décision est cassée au visa des articles 1603 (N° Lexbase : L1703ABP) et 1604 (N° Lexbase : L1704ABQ) du Code civil. La première chambre civile de la Cour de cassation énonçe "qu'en statuant ainsi, sans rechercher, alors qu'elle avait constaté que le produit livré comportait un dosage de ciment différent de celui commandé, si (le fournisseur) n'avait pas manqué à son obligation de délivrer une chose conforme aux spécifications convenues par les parties, ce qui aurait exclu l'application de l'article 1648 du Code civil, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

Dans la seconde espèce, l'acheteur d'un véhicule automobile d'occasion avait assigné son vendeur en garantie des vices cachés après avoir découvert l'existence d'un certain nombre de désordres. Les juges du fond avaient pourtant rejeté sa demande au motif que les défectuosités invoquées, "résultant d'un manquement de préparation avant la vente, ne constituaient pas des vices cachés". Ici encore, la Cour de cassation censure les juges du fond, mais cette fois au visa de l'article 1641 du Code civil (N° Lexbase : L1743AB8). La Haute juridiction indique "qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ces défectuosités étaient décelables par l'acheteur au moment de la vente et si elles ne rendaient pas le véhicule impropre à son usage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".

Ces deux arrêts, marquant un "rappel à l'ordre" des juges du fond par la Cour de cassation, témoignent bien des difficultés que suscite encore la mise en oeuvre de la distinction entre le défaut de conformité et les vices cachés. La première chambre civile, dans les deux espèces rapportées, invite à revenir sur deux concepts différents. Alors, en effet, que le "défaut de conformité" suppose que la chose livrée soit différente de celle qui avait été convenue entre les parties, le "vice caché" vise l'hypothèse dans laquelle la chose est affectée d'un défaut de conception, de fabrication ou de conditionnement qui la rend impropre à son usage. Après de nombreuses hésitations nées de solutions baptisant de "défaut de conformité" des "vices cachés" (voir la jurisprudence citée par F. Terré et Y. Lequette, in Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 11ème éd., 2000, Dalloz, Tome 2, n° 252), la Cour de cassation semble être revenue à plus de rigueur. Ainsi, la première chambre civile (Cass. civ. 1ère, 5 mai 1993, n° 90-18.331 N° Lexbase : A3207ACR), puis la Chambre commerciale (Cass. com., 26 avril 1994, n° 92-13.862 N° Lexbase : A6913ABN) ont-elles rétabli l'unité de la jurisprudence au sein de la Cour de cassation, la troisième chambre civile s'en étant, elle, toujours tenue à une approche conceptuelle rigoureuse des notions de "défaut de conformité" et "de vices cachés".

Il reste que, comme le démontrent les décisions des juges du fond dans les deux espèces rapportées, la distinction semble toujours générer des difficultés. C'est précisément pour cette raison, rappelons-le, que la directive n° 1999-44 du 25 mai 1999 (N° Lexbase : L0050AWR), relative à la vente et aux garanties des biens de consommation, prévoit la fusion de l'action en défaut de conformité et de l'action en garantie des vices cachés, rapprochant ainsi très sensiblement le régime de la vente aux consommateurs de celui de la vente internationale, tel qu'institué par la Convention de Vienne du 11 avril 1980. Reste à savoir où sera transposée cette directive - Code de la consommation ou Code civil ? -, et, partant, si la transposition doit ou non dépasser ce qu'impose la directive afin de mettre en place un nouveau régime qui ne serait pas applicable qu'aux seuls consommateurs (sur cette question, voir G. Viney, Retour sur la transposition de la directive du 25 mai 1999, D. 2002, Chron., p. 3162 et les références citées).

David Bakouche
Docteur en droit


(1) Voir notamment F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et commerciaux, Dalloz, 6ème éd., 2002, n° 225 et s.

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