Réf. : CA Paris, 18 novembre 2002, 1e ch., section A, n° 2001/12628, Me Barberon c/ Me Bataillon et autre (N° Lexbase : A1674A4R)
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par Marine Parmentier, SGR - Droit des sociétés
le 01 Octobre 2012
Pour répondre à cette question, les juges du fond devaient revenir sur les modalités d'exercice du droit de retrait accordé aux associés d'une SCP.
L'article 18 de la loi du 29 novembre 1966 accorde aux associés d'une société civile professionnelle un droit de retrait (N° Lexbase : L3146AID). En effet, un associé peut se retirer de la société, soit qu'il cède ses parts sociales, soit que la société lui rembourse la valeur de ses parts. En outre, l'article 21 de cette loi dispose que, lorsqu'un associé le demande, la société est tenue, soit de faire acquérir ses parts par d'autres associés ou des tiers, soit de les acquérir elle-même. Le décret du 20 juillet 1992, pris pour l'application de la loi de 1966 à la profession d'avocat, dispose, dans son article 28, que, lorsqu'un associé demande son retrait de la société, il doit notifier cette demande à la société par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (N° Lexbase : L7544A48). A compter de cette notification, la société dispose d'un délai de six mois pour notifier à l'associé, dans la même forme, le projet de cession ou de rachat de ses parts. Cette notification constitue un engagement du cessionnaire ou de la société qui se porte acquéreur.
En l'espèce, l'appelant, Me B., avait, par une première lettre recommandée, fait connaître à son coassocié sa volonté d'user de son droit de retrait. Dans une seconde lettre recommandée, en date du 24 avril 1997, l'appelant avait demandé à la société, en application de l'article 21 précité, qu'elle procède au rachat et à l'annulation de ses parts. Cette seconde requête ouvrait, en vertu de l'article 28 du décret de 1992 susvisé, un délai de six mois à la société pour notifier à l'associé un projet de cession ou de rachat des parts. Cependant, la société n'avait, à l'expiration de ce délai, fait aucune offre à l'associé retrayant.
Les juges du fond ont estimé que ce silence impliquait l'acceptation implicite par la société du rachat des parts litigieuses. Ainsi, le transfert de propriété desdites parts s'est effectué le 25 octobre 1997, soit six mois après la seconde notification. Cette date est également celle de la perte de la qualité d'associé du demandeur. En jugeant de la sorte, les prétentions de l'appelant son repoussées : en effet, il faisait valoir que la date de la perte de sa qualité d'associé se situait au jour de la seconde notification, soit le 24 avril 1997.
On rappellera que la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 18 septembre 2002, a jugé, dans une espèce similaire, qu'il n'appartenait nullement au juge de l'urgence de statuer sur la date de la perte de la qualité d'associé d'un avocat qui exerce son droit de retrait (Cass. civ. 1e, 18 septembre 2002, n° 00-15.792 N° Lexbase : A4487AZ9 et son commentaire N° Lexbase : N4128AA7). La Cour de cassation a souligné qu'il existait une contestation sérieuse "concernant le point de savoir si la perte de la qualité d'associé pouvait être préalable à la cession ou au remboursement effectif de ses parts", la qualité d'associé étant, en principe, attachée à la détention des parts sociales.
La sous-section V du décret du 20 juillet 1992 est relative à la dissolution de la société par suite du retrait demandé par tous les associés (N° Lexbase : L7112AZG). Son article unique, l'article 77, dispose que la société est dissoute de plein droit si tous les associés demandent simultanément leur retrait dans les conditions prévues par l'article 21 de la loi de 1966 précitée, ou s'ils ont demandé successivement ce retrait, sans qu'à la date de la dernière demande, les parts sociales des autres associés aient été cédées à des tiers. La dissolution a lieu à la date de la notification à la société des demandes simultanées de retrait ou de la dernière de ces demandes.
En l'espèce, les juges du fond ont, tout d'abord, naturellement écarté la décision de dissolution prise en application des statuts. En effet, ces derniers stipulaient que la dissolution anticipée de la société ne pouvait être décidée que par l'unanimité des associés. L'intimé avait, avant la date de la perte effective de sa qualité d'associé par l'appelant, décidé seul cette dissolution. Or, cette décision aurait dû être prise par les deux associés. Ainsi, les juges du fond décident que ce vote n'a pas pu produire d'effet de droit.
Par ailleurs, les juges du fond ont statué sur la validité de la dissolution de plein droit de la société. Le second associé avait, le 25 février 1999, notifié à la société sa volonté d'user de son droit de retrait. A cette date, les parts sociales de l'appelant, premier associé retrayant, n'avaient pas été cédées à des tiers. Ainsi, conformément aux prescriptions de l'article 77 du décret susvisé, la dissolution de la SCP d'avocats a eu lieu le 25 février 1999, date de la dernière des notifications de retrait.
Les prétentions de l'appelant ont donc été rejetées par les juges du fond. Ce dernier faisait valoir que la dissolution de plein droit de la société, en application de l'article 77 précité, ne pouvait intervenir que si la dernière des notifications intervenait dans les six mois de la première, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.
Enfin, les juges du fond ont écarté l'application des règles prévues par l'article 1844-5 du Code civil relatives aux conséquences de la réunion de toutes les parts sociales en une seule main (N° Lexbase : L2025ABM). En effet, ils constatent que la dissolution était demandée en conséquence du retrait de tous les associés. Ainsi, il y a lieu de procéder à la nomination d'un liquidateur.
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