Réf. : Loi n° 2012-958 du 16 août 2012, de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L9357ITQ)
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par Frédéric Subra, avocat associé et Mathieu Le Tacon, avocat of counsel, Delsol Avocats
le 27 Septembre 2012
Ne pouvant rétroactivement réformer l'ISF dû au titre de 2012, le nouveau Gouvernement a choisi d'instaurer, dans l'attente d'une nouvelle réforme de l'ISF qui entrerait en vigueur en 2013, une "contribution exceptionnelle sur la fortune" dont le principe est simple : cette taxe résulte, en effet, de l'application, à l'actif net taxable à l'ISF 2012, (par hypothèse déjà déclaré, au plus tard le 15 juin 2012, par les redevables de cet impôt) du barème de l'ISF 2011 dont sera déduit le montant brut de l'ISF 2012.
Sont donc visées par cette contribution toutes les personnes titulaires au 1er janvier 2012 d'un patrimoine net taxable au moins égal à 1 300 000 euros.
S'agissant des personnes qui auraient transféré leur domicile à l'étranger entre le 1er janvier 2012 et le 4 juillet 2012 (date de présentation du projet de loi en conseil des ministres), le texte prévoit qu'ils ne seront redevables de la contribution exceptionnelle qu'à raison de leurs biens français. Ceux ayant transféré leur domicile à l'étranger postérieurement au 4 juillet 2012 devront, pour leur part, inclure dans l'assiette de la contribution exceptionnelle l'intégralité de leurs biens, français ou non.
Autre cas particulier, il s'agit des personnes décédées depuis le 1er janvier 2012, pour lesquelles le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, § 36 N° Lexbase : A4218IRN) est venu préciser qu'elles ne peuvent être légalement redevables de la contribution si le décès est intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi, c'est à dire avant le 17 août 2012.
S'agissant du calcul, le barème est le suivant :
Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine | Tarif applicable |
N'excédant pas 800 000 euros | 0 % |
Comprise entre 800 000 euros et 1 310 000 euros | 0,55 % |
Comprise entre 1 310 000 euros et 2 570 000 euros | 0,75 % |
Comprise entre 2 570 000 euros et 4 040 000 euros | 1 % |
Comprise entre 4 040 000 euros et 7 710 000 euros | 1,3 % |
Comprise entre 7 710 000 euros et 16 790 000 euros | 1,65 % |
Supérieure à 16 790 000 euros | 1,8 % |
Il conviendra donc d'appliquer le barème ci-dessus au montant de l'actif net taxable, tel que déterminé pour le calcul de l'ISF 2012 (éventuellement diminué du montant de la contribution en tant que passif théorique (1)).
Il faudra déduire du résultat de ce calcul le montant brut de l'ISF 2012 dû, c'est-à-dire avant toute imputation au titre de charges de famille, d'un don ou d'un investissement dans une PME.
In fine, les contribuables se verront donc imposés exactement comme si l'allègement de l'ISF (2), initié par l'ancien Président de la République, et appliqué pour la première fois en 2012, n'avait jamais existé.
Rappelons de surcroît qu'aucun dispositif de plafonnement n'est prévu, ce qui a pour effet d'alourdir sensiblement la charge de l'impôt pour les redevables disposant d'un patrimoine important mais de faibles revenus.
Ainsi, le coût global en 2012 de l'ISF et de la contribution exceptionnelle sur la fortune devrait être, pour certains contribuables, très élevé, puisqu'ils ne pourront bénéficier d'aucun mécanisme correcteur tel que le plafonnement de l'ISF ou le bouclier fiscal.
Le Conseil constitutionnel a néanmoins validé la contribution exceptionnelle sur la fortune eu égard à son caractère exceptionnel, mais a précisé (ce qui pèsera dans la réforme de l'ISF 2013) que le législateur ne pourra rétablir un barème de l'ISF tel que celui qui était en vigueur avant l'année 2012 sans l'assortir d'un dispositif de plafonnement (Cons. const., décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012, § 32 et 33).
Par ailleurs, les personnes qui seraient encore titulaires d'un reliquat de créance de bouclier fiscal, ne pourront vraisemblablement pas l'utiliser pour s'acquitter de la contribution exceptionnelle.
D'un point de vue déclaratif, le formalisme devrait être assez simple puisque les personnes dont la valeur nette du patrimoine taxable est égale ou supérieure à 1 300 000 euros et inférieure à 3 000 000 d'euros (personnes ayant déclaré leur patrimoine sur la déclaration de revenus n° 2042) n'auront aucune démarche particulière à effectuer.
En pratique, ces contribuables devraient en effet recevoir un avis d'imposition comportant le montant à régler, probablement pour le 15 novembre 2012, à la fois au titre de l'ISF 2012 et au titre de la contribution exceptionnelle.
Quant aux personnes dont la valeur nette du patrimoine taxable est au moins égal à 3 000 000 d'euros (personnes ayant souscrit une déclaration d'ISF n° 2725 et payé l'impôt correspondant), elles devraient recevoir courant octobre une déclaration spécifique qui devra être déposée auprès du service des impôts le 15 novembre 2012 au plus tard, accompagnée du paiement de la contribution.
Les non-résidents qui ne disposent pas de revenus de source française (et ne déposent pas de déclaration n° 2042), mais qui sont néanmoins redevables de l'ISF pour leurs biens situés en France, recevront également une déclaration spécifique.
La réforme de la fiscalité du patrimoine adoptée l'été 2011 par l'ancienne majorité parlementaire avait déjà sensiblement alourdi les droits de donation et de succession.
Rappelons, en effet, que, revenant sur des dispositions adoptées dans le cadre de la loi "TEPA" (loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat N° Lexbase : L2417HY8), le précédent Gouvernement avait rétabli le délai de rappel fiscal de six à dix ans (avec toutefois un dispositif de lissage) et augmenté de cinq points les deux dernières tranches du barème des droits de mutation à titre gratuit en ligne directe (portant celles-ci à 40 et 45 %).
Le nouveau Gouvernement a, pour sa part, décidé d'aller plus loin puisqu'en premier lieu le délai de rappel fiscal est désormais (à compter de l'entrée en vigueur de la loi, soit le 17 août 2012) porté à quinze ans, et ce sans aucun dispositif de lissage.
Autrement dit, les contribuables qui ont déjà consenti une donation devront désormais attendre quinze ans avant de pouvoir profiter pleinement des abattements et des tranches les plus basses du barème.
En second lieu, l'abattement en ligne directe qui avait été "gelé" à la somme de 159 325 euros est abaissé à 100 000 euros.
En pratique, alors qu'avant la loi ainsi votée un descendant pouvait donner tous les dix ans 159 325 euros à un descendant en ligne directe, il ne pourra plus à l'avenir que donner 100 000 euros tous les quinze ans.
Il est, par ailleurs, expressément prévu par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 que l'allongement de dix à quinze ans du délai de rappel fiscal s'applique aux donations trans-générationnelles.
De même, les dons familiaux de sommes d'argent (qui sont exonérés et exempts de rappel fiscal, dans la limite de 31 865 euros, lorsqu'ils sont consentis par une personne de moins de 80 ans en pleine propriété au profit d'un enfant, d'un petit-enfant ou d'un arrière-petit-enfant ou, à défaut d'une telle descendance, d'un neveu ou d'une nièce, ou, par représentation, d'un petit-neveu ou d'une petite-nièce) ne peuvent plus désormais intervenir que tous les quinze ans, contre dix ans auparavant.
Notons enfin qu'il est expressément mis fin à l'actualisation annuelle des seuils, abattements et barèmes applicables en matière de droits de mutation à titre gratuit, ce qui aura nécessairement pour effet d'alourdir leur poids réel avec le temps.
Autre mesure importante, celle consistant à appliquer désormais les prélèvements sociaux à tous les revenus de nature foncière réalisés par des non-résidents à raison d'immeubles situés en France.
Jusqu'à l'adoption de la loi, les prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social et ses contributions additionnelles) ne s'appliquaient qu'aux personnes physiques considérées comme domiciliées en France par l'article 4 B du CGI (N° Lexbase : L1010HLY) pour l'établissement de l'impôt sur le revenu (sous réserve qu'elles ne soient pas considérées comme résidents d'un autre Etat en vertu d'une convention fiscale conclue par la France).
Désormais, les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France au sens de l'article 4 B du CGI, ou non-résidentes de France au sens des conventions fiscales internationales, seront assujetties aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au titre de leurs revenus fonciers taxés à l'impôt sur le revenu en vertu de l'article 164 B, I-a du CGI (N° Lexbase : L3278IGI).
Il s'agit des revenus provenant de la location d'immeubles sis en France et de tous les produits accessoires afférents et des revenus provenant des droits immobiliers détenus par le contribuable, tels que les droits indivis, la nue-propriété, l'usufruit, ou des droits mobiliers tels que les actions ou parts de sociétés immobilières.
Les prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social et contributions additionnelles à ce prélèvement, soit au total 15,5 %) s'appliqueront sur le montant net des revenus tel qu'il est retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu.
Cette mesure s'applique aux revenus fonciers des non-résidents perçus à compter du 1er janvier 2012.
Les prélèvements sociaux correspondants sont contrôlés, recouvrés et exigibles selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions qu'en matière d'impôt sur le revenu. Ils sont donc mis en recouvrement par voie de rôle (distinct de l'IR), d'après les éléments portés sur la déclaration d'ensemble des revenus n° 2042.
Soulignons que, contrairement à la situation des résidents fiscaux français, les non-résidents ne pourront pas déduire de la base imposable à l'impôt sur le revenu la CSG à hauteur de 5,8 points, ce qui pourrait évidement donner lieu des contentieux sur le fondement du principe d'égalité devant l'impôt.
Par ailleurs, les personnes physiques fiscalement domiciliées hors de France au sens de l'article 4 B du CGI ou non-résidentes de France au sens des conventions fiscales internationales sont désormais également assujetties aux prélèvements sociaux sur les produits de placement au titre des plus-values soumises au prélèvement prévu à l'article 244 bis A du CGI (N° Lexbase : L5715IR4) qu'elles réalisent directement ou indirectement.
Pour mémoire, ce prélèvement s'applique, sous réserve des conventions internationales, aux plus-values résultant de la cession :
- de biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens lorsqu'ils sont situés en France ;
- de parts de fonds de placement immobilier (FPI) ou de fonds étrangers équivalents lorsque l'actif de ces fonds est principalement constitué de biens ou droits immobiliers situés en France ;
- d'actions de sociétés d'investissement immobilier cotées (SIIC), de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (Sppicav) ou de structures étrangères équivalentes dont l'actif est principalement constitué de biens ou droits immobiliers situés en France lorsque le cédant détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société dont les actions sont cédées ;
- de parts ou d'actions de sociétés à prépondérance immobilière cotées sur un marché français ou étranger, autres que les SIIC et leurs équivalents étrangers, dont l'actif est principalement constitué de biens ou droits immobiliers situés en France lorsque le cédant détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société dont les parts ou actions sont cédées ;
- de parts, d'actions ou d'autres droits dans des organismes à prépondérance immobilière, autres que ceux mentionnés ci-dessus, quelle qu'en soit la forme, non cotés sur un marché français ou étranger dont l'actif est principalement constitué de biens ou droits immobiliers situés en France, et ce, quelle que soit la part du capital détenue par le cédant.
Des exonérations sont toutefois prévues, notamment en faveur de l'habitation en France des non-résidents.
Les prélèvements sociaux, au taux global de 15,5 %, s'appliquent, comme le prélèvement prévu à l'article 244 bis A du CGI, sur les plus-values déterminées dans les mêmes conditions que pour les contribuables domiciliés en France assujettis à l'impôt sur le revenu.
Pour mémoire, le taux du prélèvement prévu à l'article 244 bis A du CGI est, en principe, de 33,1/3 %. Il est toutefois de 19 % pour les personnes physiques et les associés personnes physiques de sociétés de personnes qui résident à la date de la cession dans un Etat de l'Espace économique européen et de 50 % lorsque le cédant est domicilié dans un Etat non coopératif.
Le taux d'imposition global s'élèvera donc à 48,5/6 %, 34,5 % ou 65,5 %, selon le cas. En pratique, cette taxation, plus lourde pour certains non-résidents non communautaires, pourrait donner lieu à des discussions sur le principe, notamment, de la liberté de circulation des capitaux garantie par l'Union européenne, y compris vis-à-vis d'Etats tiers.
Cette mesure ne s'applique qu'aux plus-values réalisées à compter de la date de publication de la loi, soit celles réalisées à compter du 17 août 2012.
(1) L'une des questions qui n'est pas tranchée par la loi est de savoir si la contribution, qui ressemble bien entendu furieusement à l'ISF, constituera un passif déductible pour le calcul de la contribution, ce qui de notre point de vue serait parfaitement logique.
(2) Soit deux seules tranches d'imposition (applicables dès le premier euro de patrimoine) de respectivement 0,25 et 0,5 % selon que le patrimoine net taxable excède 1,3 ou 3 millions d'euros.
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